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Spécial énergie -

Loi sur l’énergie vaudoise: la transition oui mais pas comme ça!

15 Nov 2023 | Articles de Une

Comment effectuer la transition énergétique dans le secteur des bâtiments? Il s’agit là de l’enjeux le plus important de la nouvelle loi sur l’énergie mise en consultation par le Conseil d’Etat. Malheureusement, les réponses élaborées sont insatisfaisantes.

Le Conseil d’Etat souhaite fixer une obligation d’assainissement des bâtiments classés F et G (selon le certificat énergétique cantonal des bâtiments – CECB).

Le Conseil d’Etat vaudois souhaite doter le canton d’une nouvelle loi sur l’énergie afin de mettre en œuvre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Le 21 août dernier, il a donc soumis un avant-projet à une consultation publique. Ce texte fixe de nombreux objectifs très ambitieux en matière d’assainissement énergétique du bâti. Cette ambition est légitime car le secteur du bâtiment est responsable de plus de 40% des émissions de gaz à effet de serre émis dans le canton. Si nous sommes favorables à un grand plan d’assainissement du parc immobilier vaudois, nous demeurons toutefois critiques quant à la méthode proposée ici.
Commençons par souligner que la loi élabore plusieurs mesures pertinentes. Nous saluons en particulier certaines mesures de réduction du gaspillage énergétique ainsi que celles visant à promouvoir le développement des énergies renouvelables (même si le potentiel de l’hydrogène n’est guère abordé). Nous saluons également la reconnaissance du devoir d’exemplarité de l’Etat consacré par les premières dispositions de cette loi. En revanche, nous estimons que les mesures proposées pour l’assainissement des bâtiments sont insatisfaisantes à plus d’un titre.
Le Conseil d’Etat souhaite fixer une obligation d’assainissement des bâtiments classés F et G (selon le certificat énergétique cantonal des bâtiments – CECB). Nous sommes prêts à épouser une telle obligation tant pour la rénovation des enveloppes des bâtiments que pour la mise au rebut de la plupart des chauffages fossiles. Toutefois, il est impératif que les services de l’Etat fournissent une estimation du coût total de ces opérations. Rappelons que 39  000 bâtiments seraient concernés, soit environ un quart du parc immobilier vaudois! Quant aux chaudières fonctionnant aux énergies fossiles, elles seraient environ 90  000! Ces chiffres laissent entrevoir l’ampleur de la tâche titanesque qui se profile. Or, à ce stade, aucun coût n’a été articulé par les autorités. Ce flou artistique n’empêche pas le Conseil d’Etat de proposer une maigre enveloppe de 120 millions de francs de subventions par an pour soutenir les propriétaires dans leurs travaux. Cette méthode nous laisse dubitatifs. Une clarification est indispensable dans la mesure où elle permettra de mettre en relation les coûts avec les montants des soutiens aux propriétaires. Si, comme nous le pensons, ces 120 millions s’avéraient insuffisants, ils devraient être complétés par des allègements fiscaux pour les propriétaires.
Les calendriers proposés pour les assainissements susmentionnés nous laissent également perplexes. En effet, l’avant-projet de loi donne 10 et 15 ans aux propriétaires pour rénover l’enveloppe de leurs biens immobiliers classés respectivement G et F. En outre, les propriétaires de biens immobiliers construits avant 1986 sont tenus de réaliser une expertise CECB dans les cinq ans. Soyons francs, ces objectifs sont inatteignables en si peu de temps. Actuellement, le délai d’attente pour la réalisation d’un CECB dépasse déjà six mois, faute d’experts disponibles. Concernant les assainissements des classes énergétiques G et F, il est difficile d’imaginer comment l’Etat pourrait délivrer les 2600 autorisations de construire nécessaires chaque année (ceci équivaudrait à 7 autorisations tous les jours). Enfin, signalons encore le problème de la pénurie de main d’œuvre qui touche plusieurs professions du secteur de la construction. Comment le Conseil d’Etat compte-t-il s’assurer que le canton dispose du supplément de main d’œuvre nécessaire à la mise en œuvre de cette loi? Jusqu’à présent, ce dernier a soigneusement évité d’en parler. Pourtant, il s’agit là d’un point essentiel !
En conclusion, la nouvelle loi sur l’énergie vise juste mais ne dispose pas des moyens nécessaires à sa mise en œuvre. Cette situation plaide pour une modification de l’avant-projet sur certains points clefs. Une politique éco-responsable n’est possible que si elle repose sur des bases réalistes.

 

Cenni Najy – Centre Patronal