Le Valais, un canton de montagne très séduisant.

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économie - Entretien avec Christophe Darbellay

«L’immobilier? Un moteur qui tourne bien!»

9 Avr 2025 | Articles de Une

Le ministre valaisan de l’Economie et de la Formation cite l’immobilier, la construction, le tourisme et le campus EPFL de Sion comme facteurs clefs du PIB et des succès actuels du Valais.

Alors que le marché immobilier poursuit sa tendance haussière en 2025, le Conseiller d’Etat Christophe Darbellay (Le Centre) évoque cette surchauffe, les priorités à fixer dans ce contexte et les succès de l’économie et de la formation valaisannes. Sachant que près de 70% des Valaisannes et des Valaisans possèdent un bien immobilier: maison individuelle, logement en PPE, immeuble locatif ou commercial, résidence secondaire, terrain.
Entretien avec un homme très au fait de ses dossiers, détendu, à la fois amical et serein après une belle réélection au mois de mars.

– Christophe Darbellay, que dites-vous à qui chercherait en vain – et ils sont nombreux – un logement abordable en Valais? Que pouvez-vous faire pour que cela change?
– Il est exact qu’on est passé, somme toute, très vite d’une situation où les propriétaires offraient 3 à 6 mois de loyer, à un casse-tête chinois de pénurie de logement. Cela dit, je crois aux instruments de marché et pas aux dispositifs étatiques. Il faut donc d’abord construire, il n’y a pas d’autre solution.

– Comment expliquez-vous cette pénurie qui voit Sion rejoindre Lausanne et Genève au nombre des villes où il devient impossible de se loger?
– Primo, par la démographie. Le Valais est en effet le canton suisse dont la population croît le plus vite. Et si nous sommes attrayants, c’est parce qu’en plus d’une qualité de vie exceptionnelle, il existe chez nous de réelles perspectives économiques et sociales pour nos nouveaux habitants. Je note au passage que la Covid-19 a largement contribué à cette prise de conscience. Secundo, les Vaudois se sont rendu compte qu’il était facile de «penduler» à bon prix avec le Bas-Valais.

– Cette situation très tendue sur le marché de l’immobilier entraîne des conséquences sociales non négligeables…
– Le fameux critère des 30% du salaire dédiés au logement est bien mal en point. De plus en plus de familles ne le remplissent plus. A la montagne, par exemple, les jeunes sont contraints à l’exode, car ils ne trouvent plus de logement abordable. Il en va de même des travailleurs du tourisme, souvent contraints de se rabattre sur le camping, quelle que soit la saison. L’aide aux populations de montagne apparaît plus que jamais comme une nécessité pour permettre l’achat de biens immobiliers à des prix corrects et mettre un frein au départ de la jeune génération.
En outre, il existe en Valais un groupe de travail sur le logement social, piloté par Jérôme Favez, le chef du Service de l’action sociale. Il s’agira d’analyser s’il est nécessaire d’aider des coopératives de logement – comme Immo-Solidaire, qui fait de l’excellent travail – soit en construisant des logements sociaux, soit en garantissant le paiement du logement, l’état et la préservation des locaux. Mais pour bâtir, il faut des terrains. Heureusement, des communes et des bourgeoisies commencent à s’intéresser à ces initiatives. Je pense que c’est l’avenir et que cela va dans l’intérêt de tout le monde. Çà et là, d’autres approches très intéressantes émergent. Je pense notamment à la destination Grimentz-Zinal, qui propose des postes de travail avec logement compris, apportant une solution originale à un vrai problème de l’économie touristique.

– Toutes les régions sont-elles touchées par cette pénurie?
– Oui. En plaine, la pénurie est due à l’accroissement rapide de la population. En montagne, elle s’explique par la concurrence des résidences secondaires.

– L’immobilier reste dès lors un pan important de l’économie valaisanne ?
– Je ne séparerais pas l’immobilier de la construction. Comparativement à une région de même taille, ces deux secteurs restent effectivement beaucoup plus importants en Valais. Cela s’explique par le fait que nous sommes un canton de montagne très séduisant. J’y vois aussi l’effet de nos grands travaux institutionnels comme la correction du Rhône, l’autoroute dans le Haut-Valais, la construction de nouveaux hôpitaux, d’un nouveau collège, etc. L’immobilier en Valais, c’est un moteur qui tourne, et qui tourne bien!

– Mais quels sont nos besoins les plus fondamentaux?
– Des besoins en hôtellerie dans la plaine du Rhône, des besoins de lits chauds en zone touristique – à l’instar de ce qui s’est fait de manière remarquable dans le projet SwissPeak Resorts de Thyon/Hérémence (voir Le Journal de l’Immoblier no 162, du
2 avril 2025) – , ainsi que des logements pour les travailleurs à prix abordable.

– S’agissant des lits chauds, vous pensez avant tout au tourisme hivernal?
– Pas seulement, puisque nous avons davantage de visiteurs en été. Mais en valeur ajoutée, le ski c’est deux milliards de francs sur les trois générés par le tourisme. Il est important de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, car si on skiera encore quelque part en Europe dans 30-40 ans, ce sera ici et nulle part ailleurs. A condition bien entendu de recourir à plus d’enneigement artificiel pour garantir la longueur des saisons. Les plus grands acteurs du tourisme mondial ne s’y sont pas trompés et investissent massivement chez nous. Je pense à Vail Resort qui, après Andermatt, a décidé de racheter les remontées mécaniques de Crans-Montana. Ou à Peter Schröcksnadel, président de la Fédération autrichienne de ski et grand industriel du tourisme, qui a repris Saas-Fee.

– L’économie valaisanne a-t-elle désormais comblé un certain retard?
– Sans hésiter, oui. Nous avons atteint le plein emploi, et faisons même face à une pénurie de personnel qualifié dans toutes les branches, ou presque. La machine tourne fort, mais on ne doit pas oublier qu’elle dépend aussi de la situation internationale. Et donc des taxes qui frappent ou non nos exportations, puisque c’est d’elles dont nous dépendons en premier lieu. On peut également dire que le Valais connaît un développement industriel tout simplement historique, une tendance positive portée par la biotech. Cela n’empêche pas l’économie de beaucoup se diversifier, ce qui entraîne notamment un taux de retour des jeunes Valaisans diplômés supérieur à celui des jeunes Fribourgeois dans leur canton.

– Vous êtes aussi un grand fan du campus EPFL…
– Ce campus a totalement changé l’image de notre canton à l’extérieur. C’est un incroyable moteur d’innovation pour notre économie. Le tunnel du Lötschberg a, lui aussi, amené un grand plus. J’ose le dire: le Valais n’est plus un canton périphérique. Ce vieux cliché a vécu, même si certains vieux banquiers zurichois tardent à s’en rendre compte!

– Un mot sur l’énergie pour conclure cet entretien…
– Elle a un rôle crucial à jouer dans notre économie. Le Valais est ni plus ni moins que le premier producteur suisse d’énergie renouvelable. Il n’empêche que nous avons un très grand besoin d’énergie en hiver et que nous avons dû aborder la question du solaire alpin. Et puis dans dix à quinze ans, avec le retour des concessions, nous allons redevenir maîtres de notre énergie! Si nous pensons cette réalité avec justesse, l’énergie deviendra une branche leader de notre économie cantonale. J’insiste: il s’agira de ne pas faire n’importe quoi dans n’importe quel coin, mais bien de nous concentrer sur quelques grands projets qui auront vraiment de l’impact. C’est aussi, soit dit en passant, la stratégie d’Albert Rösti.

 

Propos recueillis
par Jean-François Fournier

Christophe Darbellay.
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