/

Forum CBRE à Lausanne

L’immobilier face aux enjeux de la «durabilité»

6 Juil 2022 | Articles de Une

D’une actualité brûlante due à l’urgence climatique, le thème de la durabilité dans le domaine de l’investissement immobilier était au cœur du Forum organisé voilà quelques jours au Lausanne Palace par CBRE Suisse, figure de proue du conseil, de la gestion de projet et de la valorisation d’actifs en immobilier, en partenariat avec l’Urban Land Institute (ULI). Principal émetteur de gaz à effet de serre, le secteur immobilier a un rôle décisif dans la réduction des émissions de CO2. Solutions et champs d’actions mis en exergue par quatre experts qui ont animé l’événement.

Crise climatique, urgence environnementale, risque de phénomènes météorologiques extrêmes: sous la bannière de l’Agenda 2030 pour le développement durable et du «Zéro émission nette 2050», les sujets qui enflamment les débats politiques et financiers trouvent un écho dans les sphères professionnelles de l’immobilier. Un secteur qui représente 35% à 40% de la production de CO2 dans le monde et, en Suisse, près d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Autant dire que les réflexions vont bon train, tant du côté des experts du marché de l’immobilier «vert» que des investisseurs.
Organisé par CBRE et son partenaire américain l’Urban Land Institute (ULI), le tour de table qui a rassemblé un public d’une centaine de clients et partenaires au Lausanne Palace a réuni Christophe Malbec, directeur senior et responsable du département Building Consultancy chez CBRE; Emanuel von Graffenried, directeur associé de Building Consultancy chez CBRE et président romand de l’ULI Suisse; Fabio Alessandrini, professeur titulaire en finance à HEC Lausanne et responsable des investissements quantitatifs et alternatifs à la Banque cantonale vaudoise; Marc Choffet, responsable du Centre de compétences prévention auprès de l’Etablissement cantonal d’assurance (ECAB, Fribourg); enfin, Sennen Kauz, directeur général et chef du département Real Estate Acquisition & Development de Swiss Life Asset Management, le plus gros portefeuille immobilier de Suisse. L’objectif final de l’événement: sensibiliser les grands acteurs fonciers à la décarbonisation de l’économie et à l’investissement responsable.

«Le temps porte définitivement à l’engagement des grands acteurs institutionnels». Emanuel von Graffenried, CBRE.

Accélérer la rénovation des bâtiments

Les investissements dans l’efficacité énergétique des biens immobiliers doivent porter leurs fruits plus rapidement. Le principal levier dans ce contexte réside en une nette accélération de la rénovation énergétique des bâtiments. Une stratégie propre à conférer aux biens une plus-value et permettre un retour sur investissement. Tel est en résumé le message porté par les intervenants. «La tendance au durable est d’actualité; ce critère est toujours plus présent dans l’univers de l’investissement institutionnel, mais il reste encore beaucoup à faire, relève Christophe Malbec. Et ce, dit-il, bien que le défi, aujourd’hui, n’aille pas sans obstacles, notamment en lien avec le risque d’inflation, la pénurie de matériaux et la hausse du taux directeur de la BNS, dont les conséquences sur le secteur reste encore difficiles à étudier». La diversité des normes cantonales de protection patrimoniale des bâtiments anciens complexifie aussi l’action des propriétaires fonciers. «Mais quel que soit l’environnement politico-économique et légal, le temps porte définitivement à l’engagement des grands acteurs institutionnels et privés qui possèdent un fort impact sur l’environnement construit et ont force d’exemple, observe Emanuel von Graffenried. Les réflexions actuelles sur une fin des subsides à la rénovation énergétique au profit de mesures étatiques plus contraignantes devraient aussi servir de stimulant». «Investir dans les bâtiments durables est également rentable à d’autres titres, relève-t-on de part et d’autre. Les tenants du marché ne peuvent plus ignorer les risques réglementaires, ni leur propre réputation dans le secteur de l’immobilier».

Durabilité, quid du consensus?

Le but de tous ces efforts n’est pas le «green washing». Les normes des bâtiments et des sites respectueux du climat doivent s’inscrire dans une stratégie de création de valeur à long terme. Cette catégorie d’ouvrages apparaît comme un tremplin idéal du placement durable. Reste à clarifier la notion d’un investissement durable et négociable. Certes, le secteur de la construction dispose d’un certain nombre de certifications, mais leur niveau de détail dissuade plus d’un investisseur. A critères difficilement comparables, les nombreux outils de notation ouvrent le champ à des stratégies de durabilité à la carte. A ce stade, un consensus général devra passer par «l’élaboration d’un label suisse qui aurait force de référence», souligne Emanuel von Graffenried.

Des échanges formels et informels entre professionnels.

Investissement responsable: les parents pauvres

La durabilité concerne aussi la responsabilité environnementale, sociale et de gouvernance. Considérations non financières qui font partie intégrante d’une stratégie d’investissement responsable et constituent un outil efficace pour améliorer la génération de valeur sur le long terme, les critères ESG – Environnement, Social et Gouvernance – révèlent leurs parents pauvres. La plupart des gérants de placements immobiliers suisses disposent déjà d’objectifs clairs pour réduire les émissions de CO2 de 40% d’ici 2030 et 96% à 2050, bien que les résultats soient moins bons dans le domaine des déchets et la consommation d’eau. Telle est l’une des conclusions de l’étude sur les engagements ESG en Suisse, conduite en 2021 par les chercheurs de la Faculté des HEC de Lausanne, en collaboration avec la BCV. Couvrant les investissements immobiliers indirects d’un volume d’actifs total de 174 milliards de francs (143 fonds, fondations et sociétés immobilières), cette première analyse du genre, présentée par le Prof. Fabio Alessandrini, relève toutefois «les faibles niveaux d’engagement envers la collectivité dans les projets de développement immobilier».
Les facteurs de mobilité, la flexibilité programmatique, la mixité sociale, les espaces communs sont parmi les approches à privilégier dans les nouveaux pôles urbains. «Quant au critère de gouvernance, il accuse encore du retard», souligne-t-il. A l’heure où l’investissement responsable est récemment passé du statut de niche à celui d’approche globale bien établie, une telle évaluation de la performance ESG qui sera mise à jour annuellement par HEC et la BCV fournira une indication précieuse dans cette classe d’actifs. «L’investissement responsable et les critères ESG ne sont pas une tendance, mais un élément fondamental dans tout processus d’investissement», observe par ailleurs Sennen Kauz.

Minimiser les risques

«Un franc investi dans la prévention, c’est six francs d’économie», a enfin martelé Marc Choffet, expert de la prévention des dangers naturel à l’ECAB. Inondation, tempête, grêle, ruissellement, glissement de terrain: «Nous sommes dans une société du risque. Le changement climatique entraîne des conditions météorologiques extrêmes et fait monter de façon vertigineuse les taux d’indemnités de réparations fonctionnelles ou esthétiques des bâtiments, observe-t-il. Face aux dommages naturels, dont certains ne sont pas couverts par les assurances (séisme, construction défectueuse…), la meilleure protection pour les propriétaires est d’agir contre la vulnérabilité de leurs biens. C’est le seul aspect sur lequel ils peuvent réellement intervenir. Les solutions techniques et architecturales existent, tout comme le choix de matériaux durables. Et de conclure: la notion de prévention doit être intégrée dans les investissements immobiliers».

 

Viviane Scaramiglia

EXPLOREZ D’AUTRES ARTICLES :