En immobilier, l’habitant n’est pas toujours victime du requin (maison d’un artiste à Oxford).

/

Après un colloque «Performer» de Lusenti Partners

L’immobilier a-t-il un plancher?

16 Nov 2022 | Articles de Une

«L’immobilier, c’est passionnant… un univers varié où tout le monde se croise… des locataires aux architectes». Le jeune professionnel, à peine arrivé sur le podium du récent colloque «Placements immobiliers internationaux et européens» (performer-events.com et lusenti-partners.ch) organisé par Lusenti Partners à Genève, qui clama ainsi son amour de la pierre, ne jouait pas la comédie: sa passion était palpable. Mais la variété d’acteurs fait aussi que – comme dans tous les marchés – la question du juste prix n’a pas la même réponse selon qu’on est acheteur ou vendeur, investisseur ou prestataire, intermédiaire ou locataire.

Pour le journaliste, un tel colloque permet surtout de donner corps aux questions permanentes de l’économie. A commencer par «a-t-on atteint le sommet ou le plancher?»… car «toutes les classes d’actifs sont en crise»: «cash is back», a-t-on entendu. Alors, que faire de ce «cash»?
La pierre ne fond pas… on l’a cru longtemps… et la démographie plaide pour une hausse éternelle: «Mettez vos économies dans la pierre… ça vous assurera un logement… et si vous avez déjà un toit, de toute façon, pour garder son capital, rien ne vaut un objet en dur»: cette phrase ne sort pas de la bouche d’un professionnel de l’immobilier, mais d’un épargnant qui, au contraire, craint qu’on l’ait mal conseillé: «Et s’il y avait un krach?». Car si, pendant les années fastes et donc faciles, tous les actifs montaient… plus vite pour les agitées comme la Bourse, qui pouvait parfois baisser… moins fort pour la pierre ou les obligations jugées inusables… et donc placement de choix pour les caisses de pension. Un krach immobilier, ça existe, et comme la pierre est peu «liquide» (et – le nom le dit – peu mobile), ça dure pas mal de temps. Mais pourquoi donc la «titrisation» – faite pour rendre la pierre «liquide» – reste-t-elle une curiosité de la Bourse?

Plus de sapin pour marquer
le sommet

Un krach immobilier, on a vu ça dans les années 80 en Amérique du Nord, et un peu plus tard à Genève; pour sa part, la «bulle» chinoise gonfle sans monter. Le colloque a eu le bon goût de mettre au podium des experts certes passionnés mais réalistes, qui n’ont guère parlé la langue de bois: «Ces temps, de toute façon, les prévisions se plantent à chaque fois». Malgré tout, on a tenu des propos plus inquiets sur le potentiel de l’Asie que de l’Amérique, et on ne croit guère ces jours au rebond des immeubles de bureaux. Quant au résidentiel – qui forme le gros de la construction – il est un peu plombé par le coût des normes vertes. On a aussi appris à cette occasion que des pays comme l’Allemagne étaient plus vulnérables que la France, l’Espagne, la Scandinavie… au point que les Etats-Unis courtisent l’industrie allemande avec des programmes d’accueil pour une production délocalisée.

Comparaison est parfois raison

Les experts du jour ont plutôt cherché à trouver les secteurs les mieux armés, tant pour une hausse que contre une baisse. Parmi eux, l’immobilier de la logistique, à savoir les entrepôts prisés notamment par les acteurs du commerce en ligne. Un secteur un peu protégé par son peu de notoriété, par la pénurie de terrains, et par la soudaine mutation du commerce. Jadis, c’était cette même quête qui poussait les plus audacieux à miser sur les «marchés émergents», avant qu’ils soient saturés. Mais «vous n’avez pas parlé des marchés émergents», a fait remarquer à propos une auditrice dans la salle. «Acheter au son du canon… vendre au son du clairon»: ce vieil adage des écoles de commerce reste la clef du succès. Hélas! Face aux scénarios du pire… ceux d’une guerre mondiale ou de locataires sans le sou, l’histoire prouve que les bijoux de famille cachés dans les culottes sont encore la valeur la plus sûre. C’est pourquoi le dernier orateur a mis en garde contre la propriété immobilière pour l’éternité: «Tout ce que nous achetons doit être revendu une fois mis en valeur… si on veut qu’il rapporte, on ne doit jamais tomber amoureux d’un objet en pierre». Malgré tout, au fond d’un krach, «les gens qui en ont les moyens évitent de vendre leurs plus belles pièces».

L’amour est aveugle mais délie les langues

Reste que les formules «C’est une affaire!»… «C’est cher payé!»… «Le bon marché est toujours trop cher»… disent toutes les ambiguïtés des marchés, des affaires, de la valeur. C’est parce que les marchés jouent toujours à cache-cache avec l’humain… au point qu’on ne sait pas qui est l’ombre de l’autre. La confiance en des professionnels sérieux est une planche de salut. Les experts à un tel podium ne sont ni des devins, ni des anges… mais c’est bel et bien leur «passion» – d’un an ou de trente ans – qui leur donne une bonne dose de «parler vrai». Mais peut-on conclure avant de passer à trois cas hors colloque? Une personne rencontrée audit colloque travaille avec des promoteurs indiens de Dubaï, qui ont exposé leurs projets pendant deux jours dans un grand hôtel de Genève (sobharealty.com et fiduproperties.com). Entendons-les…

Marché haussier tant qu’on manque de toit?

«L’immobilier dans le Golfe a encore de beaux gains devant lui: nous gagnons chaque jour du terrain sur la mer pour construire à nouveau… le contexte mondial pousse chez nous des investisseurs de Russie et d’ailleurs… et nous nous chargeons de la location pour les acheteurs qui ne veulent pas habiter sur place». Ceux qui profèrent de telles promesses sont des gens compétents et affables: peut-on leur reprocher de tenir un discours vendeur? Car des amis à qui j’en parlais étaient sceptiques: «C’est du vent: les promoteurs du Golfe vendent du rêve», dit l’un; «si l’Iran explose, le Golfe ne tiendra pas le coup», dit l’autre. On voit bien là pourquoi les valeurs «gagnantes» peuvent parfois perdre, et les actifs «junk», parfois monter. Alors restent trois options: soit d’être à contre-courant, comme l’experte Patrisse Cullors, qui se cache dans le noir pour se faire une place au soleil; soit devenir soi-même un pro de l’immobilier et de la construction, secteurs qui recrutaient à Palexpo au récent «forum» (together.ch et talendo.ch; gerofinance.ch, de.barnes-suisse.ch; bouygues-es.ch, edifea.ch, gruner.ch,
induni.ch, losinger-marazzi.ch); ou enfin trouver un moyen de donner un toit à tous les «travailleurs»… en suivant les exemples donnés lors d’un «United Nations Day» pas comme les autres
(www.globalhousing.net).

 

Boris Engelson

EXPLOREZ D’AUTRES ARTICLES :