Maxence Brulard se situait au carrefour de plusieurs disciplines qu’il maîtrisait souverainement: la graphologie, la caractériologie, l’étude du comportement sous toutes ses formes.

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Maxence Brulard nous a quittés

L’homme qui faisait parler les visages

19 Jan 2022 | Articles de Une

Brusquement décédé le 8 janvier, Maxence Brulard venait de devenir chroniqueur star de la version européenne du magazine américain «Forbes», le journal de prestige qui suit en permanence les vies des milliardaires. Graphologue et caractérologue, le Genevois décryptait le caractère véritable et le tempérament des puissants de ce monde – dirigeants politiques, hommes d’affaires, artistes – en analysant les traits de leurs visage, leur écriture, leurs gestes, leurs postures. Il avait reçu l’équipe du Journal de l’Immobilier avec son hospitalité et sa disponibilité coutumières, quelques jours avant ce départ inattendu.

A la fois scientifique et intuitif, rigoureux et sensible, Brulard observait les êtres humains avec une curiosité et une espèce de bienveillance toujours renouvelée. Il regardait l’extérieur des gens pour mieux deviner l’intérieur, analysait le comportement physique pour comprendre le comportement de l’esprit. Le regard aiguisé, la voix douce et chaleureuse, la silhouette très mince et épurée, il était cet observateur engagé qui, comme aurait pu dire Simenon, comprenait tous ses interlocuteurs sans jamais les juger.
Originaire de Bretagne, mais Genevois d’adoption depuis plus d’un demi-siècle, Maxence Brulard se situait au carrefour de plusieurs disciplines qu’il maîtrisait souverainement: la graphologie, la caractériologie, l’étude du comportement sous toutes ses formes. Plus alerte que jamais, à 75 ans, après une année de régime qui lui avait fait perdre quinze kilos, il venait d’être engagé par le magazine américain «Forbes», la référence absolue du capitalisme mondialisé, pour dresser le portrait psychologique des plus grands milliardaires du monde entier à travers leurs visages, leurs gestuelles, leurs mimiques. Son premier article, consacré à Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, venait de paraître, et les suivants étaient déjà programmés: le Français Xavier Niel, le patron de Free Mobile; le Chinois Jack Ma, créateur d’Alibaba qui fut longtemps l’homme le plus riche de Chine… C’est dire si la disparition de Maxence Brulard résonne tristement bien au-delà de Genève et de la Suisse.

De Macron à Jeff Bezos

«Tout a commencé par des échanges de mails avec la responsable de la rubrique Lifestyle de «Forbes», Sabah Kaddouri, nous expliquait Maxence Brulard. Elle est américaine, mais elle parle un français parfait, très littéraire. Elle avait lu sur Internet le portrait psychologique que j’avais fait d’Emmanuel Macron pour un journal suisse, juste après son élection il y a quatre ans. J’avais montré chez lui une ambivalence qui se lisait sur son visage. Quand on superpose les deux parties du visage, gauche et droite, on voit qu’une partie semble très virile, mais que l’autre a une identité plus floue, plus imprécise. C’est la première fois qu’un président français est dominé par ses émotions, c’est un être émotionnel et pas un être rationnel comme l’ont été de Gaulle, Mitterrand, Chirac, même Sarkozy ou Hollande».
Maxence Brulard aura réalisé, tout au long de sa carrière, plus de 11 000 études graphologiques et comportementales. Parmi ses clients, des banques, des sociétés financières, de grandes entreprises, les Hôpitaux universitaires de Genève, de célèbres cabinets d’avocats… Il s’appuyait sur sa connaissance scientifique, bien sûr, mais laissait aussi parler aussi son intuition. Hypercartésien, analysant d’un œil froid et objectif l’écriture, les gestes, les expressions, les postures, le maître zen et professeur de yoga qu’il était, laissait également entendre sa petite musique spirituelle et humaniste.

Dans son premier portrait psychologique, Maxence Brulard s’est intéressé à Jeff Bezos. Il a mis au jour chez le fondateur d’Amazon une rupture de cohésion qui révèle sa nature profonde.

Don de seconde vue

Dans son premier portrait psychologique publié dans le magazine «Forbes», Maxence Brulard s’est intéressé à Jeff Bezos. Ce qu’il a mis au jour chez le fondateur d’Amazon? Une rupture de cohésion qui révèle sa nature profonde. «L’hémisphère droit est ouvert, très relationnel, très accueillant, sympathique, mais l’hémisphère gauche est extrêmement fermé. Et il n’y a pas, entre les deux, les plis musculaires qui peuvent faire la transition et donner une sorte d’unité. Cela veut dire que Jeff Bezos montre l’inverse de ce qu’il est réellement. Il dit: «Je suis ouvert», alors qu’il est fermé. Il dit: «Je suis généreux», alors qu’il est pingre». Brulard avait ce don de seconde vue dont parlait Balzac, il voyait au-delà des postures, au-delà des professions de foi et des discours convenus des communicants…
Mais comment cet expert avait-il séduit l’Amérique? Pourquoi avait-il étudié ce que tous ces signes apparents et finalement invisibles disaient de chacun d’entre nous? «Quand j’étais enfant, j’étais dans un Collège très rigide, je me sentais tellement mal que j’écrivais volontairement mal pour que les profs ne puissent pas lire. Ensuite, je me suis retrouvé pendant un an et demi, dès 17 ans, dans la marine militaire française, sur un bateau disciplinaire. C’était un milieu très dur, avec des repris de justice, des marginaux. C’était des gens terriblement violents et comme je n’étais ni rougeaud ni alcoolo, j’étais pour eux un «aristo» qu’ils détestaient. Ils disaient que j’avais une drôle de tête. C’est à ce moment-là que je me suis intéressé à la graphologie et à la caractérologie, pour comprendre ces gens qui m’entouraient. J’ai voulu défricher les gens, les signes, les formes, les mots. Cette passion ne m’a plus quitté».
A sa fille et à sa petite-fille, ainsi qu’à toute sa famille et à ses proches, le Journal de l’Immobilier présente ses condoléances émues.

 

Robert Habel

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