Florence Gross.

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VAUD - La députée Florence Gross tape sur la table

«L’Etat ne met rien à disposition gratuitement»

29 Mai 2024 | Articles de Une

Députée PLR au Grand Conseil vaudois, Florence Gross vient de déposer une résolution qui fait du bruit: elle demande au Conseil d’Etat de ne plus utiliser le terme «gratuit» dans sa communication, un terme qui selon elle «trompe la population», étant donné que toutes les prestations étatiques sont financées par les impôts et donc par les contribuables. La droite applaudit, la gauche est horrifiée. Interview.

— On a l’impression que l’usage du terme «gratuit» vous agace viscéralement.
— Ce n’est pas la première fois que j’ai pensé déposer une résolution, parce que ce terme est de plus en plus utilisé par le Conseil d’Etat. Finalement, j’en ai eu ras-le-bol et je l’ai fait. Parce que ce terme ne correspond pas du tout à la réalité des politiques publiques. L’Etat ne met rien à disposition gratuitement; tout ce qu’il met en place a un coût et ce coût est payé par les contribuables. Dans ses communiqués de presse, le Conseil d’Etat ne dit jamais combien coûtent ces prestations prétendues gratuites, qui sont en réalité financées par nos impôts. C’est comme dans la vie, rien n’est gratuit! Quand j’offre un cadeau à quelqu’un, ce n’est pas gratuit, c’est moi qui le paie. Quand le Conseil d’Etat parle de prestations gratuites, il utilise simplement l’argent des contribuables. C’est pourquoi je lui propose de remplacer ce mot «gratuit» par l’expression «financé par les contribuables».

— En parlant de gratuité, le gouvernement se met dans le rôle de l’Etat-providence, qui distribue des cadeaux comme le père Noël.
— Oui, c’est le gentil Etat généreux, qui donne des cadeaux sans mentionner jamais ce qu’il y a derrière, c’est-à-dire l’effort des contribuables vaudois. Dans les communiqués de presse du Conseil d’Etat sont proposées une ribambelle de prestations dites gratuites: des protections menstruelles, des formations, l’accès à des archives… Mais la gratuité, ça n’existe pas! La gauche a présenté une initiative qui demande la gratuité des transports publics, invalidée depuis, mais cette prétendue gratuité serait payée par les impôts. Dans le canton de Genève aussi, on a parlé récemment d’une gratuité des transports publics pour les jeunes, finalement rejetée pas une majorité de droite et du centre, mais cette gratuité pour les jeunes aurait été financée par les contribuables. Je voudrais que le Conseil d’Etat vaudois renonce à ce terme, qui donne l’impression à ceux qui bénéficient de ces prestations que celles-ci sont gratuites, alors qu’elles leur sont offertes par les autres contribuables. La réalité économique doit être mentionnée. On dira que c’est un peu de la sémantique, mais je pense que cela joue un rôle.

— C’est comme les logements subventionnés, qui sont financés par une partie des contribuables.
— Oui, c’est la même logique, mais, souvent, ceux qui bénéficient d’aides de l’Etat ne se rendent pas compte que rien n’est gratuit, que ces prestations sont financées par autrui. Ils croient que l’Etat fait des cadeaux.

— On fabrique en somme des mentalités d’assistés…
— Absolument. On considère que l’Etat doit tout mettre à disposition, il devient comme Papa-Maman et déresponsabilise les gens. Les citoyens ne font plus aucun effort et pensent que tout leur est dû. Il faut une prise de conscience. Cette prétendue gratuité crée aussi une forme de ressentiment, parce que les gens en veulent toujours davantage, alors que l’Etat ne peut pas tout faire. Il faut comprendre que l’Etat n’a pas des moyens financiers illimités et doit se concentrer sur ses taches régaliennes, d’autant que la situation économique est devenue difficile.

— Parler de prestations «gratuites» ou de prestations «offertes», n’est-ce pas une querelle de mots?
— Non, parce que derrière les mots, il y a une politique et même une philosophie, ainsi qu’une réalité économique et financière. Les contribuables vaudois ont déjà fait beaucoup d’efforts et il n’est pas juste d’occulter ces efforts en disant que le Conseil d’Etat fournit des prestations gratuites.

— Vous dites que le Conseil d’Etat «trompe la population», ce sont des termes forts.
— Si vous demandez à des gens qui bénéficient de prestations «gratuites», je suis persuadée qu’ils ne savent pas comment elles sont financées et qu’ils croient que ça tombe du ciel. Ce terme «gratuit» doit disparaître du vocabulaire du Conseil d’Etat.

— Un tiers du Grand Conseil vaudois a signé votre résolution, dont des UDC et des Verts libéraux. Mais personne à gauche…
— J’ai eu 52 signatures et je ne m’attendais pas à ce que la gauche signe mon texte. La gauche pense que les politiques «gratuites» devraient être encore plus nombreuses et que l’Etat devrait faire encore davantage.

 

Propos recueillis
par Robert Habel