FISCALITé IMMOBILIèRE
Les sociétés civiles immobilières (SCI) de droit français et le grain de sable vaudois
Dans un récent arrêt (2C_365/2021), le Tribunal fédéral a confirmé le bon droit des autorités vaudoises à considérer – sous certaines conditions – les parts de SCI françaises de «semi-transparentes».
Une contribuable vaudoise détenait – comme de nombreux résidents suisses – depuis quelques années déjà, des parts d’une (SCI) «transparente», propriétaire d’immeubles en France, parts estimées juste au-dessous du million d’euros. Quelle n’a pas été sa surprise de constater que les autorités vaudoises avaient ajouté, et pour la première fois, à sa fortune imposable 2016 vaudoise, la contre-valeur des titres de la SCI. Suivant le processus de réclamation ordinaire, la contribuable a saisi le Tribunal fédéral, qui s’est finalement prononcé le 13 décembre 2022.
Cet arrêt soulève de nombreuses interrogations.
Analyse de notre Haute Cour
Au sens du droit interne suisse: le Tribunal fédéral confirme que l’impôt sur la fortune – de souveraineté cantonale – des résidents helvétiques s’applique, en principe, à l’ensemble des éléments nets de leur patrimoine. L’assujettissement ne s’étendant toutefois notamment pas aux immeubles situés hors du canton de résidence (a fortiori hors de Suisse), l’affaire aurait pu – au plus grand bonheur de la contribuable – en rester là. Cependant, et à l’appui d’une récente jurisprudence (2C_729/2019), notre Haute Cour a jugé que les parts d’une SCI française pouvaient être considérées par les autorités fiscales comme des droits de participation d’une personne morale et, partant, être assujetties au lieu de résidence des contribuables helvétiques.
Droit interne français: le Tribunal fédéral, procédant à une analyse du droit français, relève que les SCI françaises, imposées en transparence au chapitre fiscal du détenteur, sont sujettes à un impôt sur la fortune immobilière (IFI) en France, dans la mesure où la valeur des biens détenus est supérieure à 1,3 million d’euros. Dans le cas présent, la valeur des biens n’atteignant pas 1,3 million d’euros, la recourante n’avait dès lors acquitté aucun impôt sur la fortune (IFI) en France (un impôt revenu ayant été acquitté, la question de l’assujettissement en Suisse ne soulevait aucun débat).
En droit conventionnel: enfin, le Tribunal fédéral analyse la situation au sens de la Convention Suisse-France de double imposition (CDI). Il relève, en préambule, que les sociétés à vocation immobilière traitées en droit interne «étranger» en transparence, sont imposables dans cet Etat; in casus, en France (arts 6 par 2 al 2 et 24 par 2 al 2 CDI). Selon cette première analyse conventionnelle – celle retenue par la contribuable et ses conseils – la CDI alloue bien le droit d’imposer les parts de SCI transparente à la France.
Est-ce fini, cette fois? Malheureusement – pour la recourante et les contribuables résidents suisses – pas encore. En effet, le Tribunal fédéral, constatant l’absence d’imposition de fortune effective en France – au sens de l’art 25B par 1 CDI – conclut à ce que les autorités suisses/vaudoises sont en droit d’opérer «un retour du droit d’imposition à la Suisse» s’agissant de l’impôt sur la fortune.
Il découle donc de l’analyse détaillée du Tribunal fédéral que le Canton de Vaud – dans le cas d’espèce – est habilité à imposer en fortune les parts de SCI françaises (transparentes en droit domestique) au titre de «valeurs mobilières», dans la mesure où les porteurs ne s’acquittent pas effectivement en France d’impôt sur la fortune immobilière (IFI).
Cet arrêt soulève de nombreuses interrogations et introduit un «animal fiscal» aux contours des plus flous (décorrélation entre les taxations revenus & fortune de ces SCI: impact sur les répartitions internationales des contribuables; traitement en termes d’impôt de succession/donation; fiscalisation de la vente des parts de SCI, voire de la liquidation desdites SCI; etc.).
Conclusion
Au regard de cet arrêt, il apparait aujourd’hui des plus recommandé, pour des résidents fiscaux suisses porteurs de parts de telles SCI transparentes d’analyser, avec le soutien de spécialistes aguerris, les implications d’une telle détention sur leurs actuelles obligations fiscales et respectivement celles de leurs possibles héritiers.