/

Analyse de Wüest Partner pour le JIM

Les prix immobiliers se stabilisent

30 Nov 2022 | Articles de Une

Les prix de l’immobilier, villas et PPE continuent d’augmenter au 3e trimestre 2022, mais l’on peut toutefois percevoir le début d’un ralentissement. Cela n’est guère surprenant au vu des incertitudes qui planent actuellement sur l’économie mondiale. En Suisse, l’année 2022 est pour le moment marquée par une conjoncture favorable, portée par une forte croissance de la consommation privée (+4,3%) et un marché de l’emploi florissant (+3% d’équivalents plein temps créés au cours des 12 derniers mois). Cependant, les prévisions économiques pour 2023 se sont sensiblement détériorées au cours des derniers mois. Les experts tablent désormais sur une croissance économique ne dépassant pas 1%, donc bien inférieure à celle attendue cette année (+2.3%).

L’inflation montre les premiers signes d’une stabilisation (+3% en octobre 2022, contre +3,5% en août). Elle reste cependant au-dessus de la bande cible de la BNS, ce qui laisse présager de nouvelles hausses des taux directeurs au cours des prochains mois. Cela impacterait principalement les taux d’intérêt à court terme, car les taux d’intérêt à plus long terme anticipent déjà dans une large mesure ces futurs resserrements. Les hausses passées et anticipées des taux directeurs expliquent notamment la progression fulgurante du taux hypothécaire. Le taux hypothécaire fixe à 10 ans est en effet passé de 1,4% en septembre 2021 à 3,3% en septembre 2022 (source: BNS), soit un bond de presque 2 points de pourcentage! Cela représente une charge supplémentaire importante pour les acquéreurs potentiels et contribue à une baisse de la demande pour le logement en propriété.

Altlas des prix des appartements en PPE [CHF] – Canton de Vaud
Altlas des prix des appartements en PPE [CHF] – Canton de Genève
Remarque: le niveau des prix fait référence à la moyenne pondérée des prix communaux au 3e trimestre 2022 (pondération par le parc correspondant) pour les villas et PPE et au 2e trimestre 2022 pour les locatifs.
Les évolutions correspondent aux taux de croissance pour les périodes de 2012 à 2022, de 2019 à 2022 et de 2021 à 2022.

Logement en propriété:
premiers signes
de ralentissement?

Au cours des douze derniers mois, la progression des prix des maisons individuelles est restée importante, allant de 3% dans le Jura à presque 10% en Valais. Cependant, en comparant la croissance annuelle des prix fin septembre avec celle enregistrée fin juin, on observe un net ralentissement de la dynamique dans la majorité des cantons. Cette perte de vitesse est la plus forte pour le canton de Fribourg, où les prix s’étaient accrus de 10,3% au 2e trimestre 2022 (par rapport au 2e trimestre de 2021), alors que la croissance au 3e trimestre n’y est plus que de 6,9%, soit un ralentissement de 3,4 points de pourcentage. Genève est le seul canton qui maintient un taux de croissance des prix stable au 3e trimestre, mais ce dernier est cependant plus faible que dans les autres cantons romands (hors Jura). Justement, si l’on se penche sur la croissance trimestrielle des prix, on observe un léger recul des prix dans le canton du Jura (-0,5% entre fin juin et fin septembre), alors que le Valais a encore connu une forte progression des prix au cours des trois derniers mois (+2,8%). De manière générale, la croissance des prix enregistrée entre fin juin et fin septembre a été plus faible que celle enregistrée entre fin mars et fin juin dans la majorité des cantons romands.
Le même phénomène s’observe du côté des PPE, avec une croissance toujours positive au 3e trimestre 2022 (par rapport au même trimestre de 2021), mais en perte de vitesse. C’est encore dans le canton de Fribourg que le ralentissement est le plus marqué, avec une croissance passant de 4,4% au 2e trimestre 2022 à 2,6% au 3e trimestre 2022. Malgré cette tendance généralisée au ralentissement, l’augmentation des prix reste toujours la plus forte dans le canton du Valais (+8,9%), où l’engouement pour l’immobilier de montagne, combiné à des prix toujours abordables, stimule la demande. En revanche, elle a été la plus faible dans le Jura (+0,9%). Dans le canton de Genève, la hausse des prix a également été faible (+1,6%), mais c’est aussi dû au niveau généralement très élevé des prix. Il faut en effet compter 1,8 million pour un appartement en PPE moyen dans le canton de Genève, alors que dans le Jura, il ne faut débourser que 0,5 million en moyenne.
L’analyse des abonnements de recherche indique une baisse de la demande pour le logement en propriété dans la majorité des cantons romands. Vaud et Genève enregistrent par exemple une baisse de la demande de respectivement 9% et 25% pour les villas et 11% et 28% pour les PPE. Cela s’explique par les inquiétudes face à l’évolution incertaine de la conjoncture économique, à la baisse de la fortune privée suite à la volatilité des marchés de ces derniers mois, ou encore à la forte hausse des coûts de financement. Cependant, il y a aussi des facteurs qui stimulent actuellement la demande. Tout d’abord, l’investissement dans un logement en propriété confère une certaine protection contre l’inflation, ce qui rend l’achat d’immobilier toujours intéressant en ce moment. De plus, le nombre de ménages est toujours en hausse, ce qui est dû principalement à l’attractivité du marché du travail et à l’immigration qui en résulte. Finalement, la hausse présente et anticipée des loyers contribue à l’attractivité relative du logement en propriété. Néanmoins, le fléchissement de la demande observé ces derniers mois, combiné aux conditions économiques désormais moins favorables, porte à croire que la longue période de hausse continue des prix pourrait prendre fin l’année prochaine.

Logements locatifs: un marché toujours sous tension

La Suisse tend actuellement vers une pénurie de logement locatif. En effet, la demande pour ces logements reste très élevée, principalement grâce à l’accroissement de la population. La Suisse a en effet enregistré une croissance démographique de 0,9% au 2e trimestre 2022 (par rapport au même trimestre de 2021). Les cantons de Vaud, Valais et Fribourg ont vu leur population résidante permanente croître plus fortement encore sur la même période (+1,2% pour Vaud, +1,3% à Fribourg et dans le Valais). Parallèlement, l’offre de logements locatifs a plutôt eu tendance à se resserrer dernièrement. Cela est dû à un ralentissement de l’activité de construction, elle-même soumise notamment au renchérissement des coûts de la construction, à l’augmentation des taux d’intérêt et à la raréfaction des terrains à bâtir. Cela se reflète dans l’évolution du nombre de permis de construire accordés, qui baisse dans la majorité des cantons romands (avec pour exception le Valais et le Jura). Suite à cette forte tension de marché, les loyers ont augmenté dans tous les cantons cette année (état: 2e trimestre 2022 par rapport au 2e trimestre 2021).
Plusieurs éléments peuvent laisser penser que les loyers vont encore augmenter au cours de la deuxième moitié de 2022 et en 2023. Tout d’abord, l’inflation actuellement plus élevée que la moyenne devrait entraîner une hausse des loyers. En effet, les propriétaires ont le droit de répercuter la hausse des coûts d’exploitation sur les locataires. De plus, le taux hypothécaire de référence devrait lui aussi augmenter dans le courant de l’année 2023, ce qui influencera les loyers des baux en cours. Il est en outre prévisible que les loyers bruts augmentent plus fortement encore que les loyers nets l’année prochaine, à cause notamment de la forte progression des prix de l’énergie, qui alourdissent les charges. L’ampleur de cette hausse dépendra de l’état énergétique du bâtiment, de son emplacement et des efforts des locataires pour économiser l’énergie.

 

VINCENT CLAPASSON
WÜEST PARTNER
©WÜEST PARTNER/JOURNAL DE L’IMMOBILIER

EXPLOREZ D’AUTRES ARTICLES :