Quatre candidats en verve: Anne Hiltpold (PLR), Antonio Hodgers (Verts), Pierre Maudet (LJS) et Philippe Morel (MCG).

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élections GENEVOISES DU 2 AVRIL 2023 - Candidats au Conseil d’Etat

Les acteurs de la politique à la rencontre des PME

15 Fév 2023 | Articles de Une

L’association genevoise PME & Politique a pour ambition de rapprocher le monde des entreprises de celui des autorités politiques. Dans ce cadre, des rendez-vous sont régulièrement organisés afin de favoriser l’échange autour de problématiques clefs. En ce début d’année, un cycle de trois tables rondes a réuni les candidats au Conseil d’Etat genevois et les entrepreneurs dans le cadre convivial du restaurant des Vieux-Grenadiers. Le troisième débat «Energie & Environnement», animé par Thierry Oppikofer (directeur du Journal de l’Immobilier), a mis en présence Anne Hiltpold (PLR), Antonio Hodgers (Verts), Pierre Maudet (LJS) et Philippe Morel (MCG). Quel est le rôle de l’Etat? Quelles sont les actions à mettre en œuvre? De quelle manière ces personnalités comptent-elles s’engager si elles sont (ré)élues?

Les intervenants à la table ronde ont dressé le même bilan: nous vivons une crise énergétique sans précédent, liée à l’instabilité géopolitique actuelle. L’économie suisse est largement dépendante de l’énergie fossile (à 87%) et de l’étranger, en particulier pour ses importations de gaz et de pétrole. La flambée des prix de l’énergie est la conséquence directe de la guerre en Ukraine. Antonio Hodgers insiste sur la nécessité d’importer moins d’énergie, d’augmenter notre capacité de production locale et notre souveraineté énergétique. «Il faut impérativement stabiliser notre économie, la rendre plus résiliente face aux fluctuations mondiales», affirme le magistrat. Partout en Europe, l’hiver a été abordé avec beaucoup de craintes face à une éventuelle coupure d’électricité. Finalement la production suisse (et européenne) a été suffisante. La population et les entreprises ont bien réagi: l’économie d’électricité a été de l’ordre de 8% à 15%, sans restriction importante. Mais le risque de black-out n’est pas pour autant écarté et pourrait refaire surface à la prochaine saison hivernale.

Les PME face à l’augmentation des prix de l’énergie

Outre le débat sur la sécurité énergétique, la hausse des prix de l’énergie préoccupe nombre d’entrepreneurs. C’est le cas en particulier de ceux qui ont choisi le marché libre de l’électricité. Si ces entrepreneurs ont pendant longtemps bénéficié de prix bas, ils voient désormais leurs coûts exploser (toutefois de manière variable selon la taille de leur société et la durée du contrat). Dans ce contexte, comment stabiliser les marchés de l’énergie pour permettre aux PME d’être protégées? Bien que le peuple se soit prononcé il y a une vingtaine d’années en faveur de la libéralisation du marché de l’électricité, doit-on envisager une régulation étatique? Faut-il autoriser (ou non) les acteurs privés qui ont opté pour le marché libre de revenir au marché régulé? L’éventuel soutien à accorder à ces PME, dont la facture a augmenté drastiquement, a également été discuté.
Pierre Maudet en est venu aux actions concrètes avec, en premier lieu, l’incitation à limiter notre consommation d’énergie. Par ailleurs, le candidat de la nouvelle formation LJS souhaite remettre au goût du jour une proposition qui date de 2009 et qui consiste à implanter un barrage à Conflan (France), à dix kilomètres de Chancy. Cette usine hydroélectrique permettrait de couvrir les besoins de 90 000 foyers, et d’accroître ainsi la part d’approvisionnement local en énergie renouvelable. «L’investissement de cette infrastructure est certes de l’ordre de 240 millions de francs, mais son intérêt est évident face à la hausse généralisée des prix de l’électricité», affirme-t-il.

Trop de taxes?

Les entreprises suisses – et en particulier genevoises – sont-elles taxées trop lourdement? interroge Thierry Oppikofer. Les taxes environnementales viennent s’ajouter aux autres, déplorent les représentants de la droite. Pour eux, il faut revoir le système fiscal si on veut que le tissu économique reste attractif. Antonio Hodgers défend, quant à lui, le principe du pollueur payeur, pour autant que les critères de taxation soient pertinents et que les revenus soient redistribués intelligemment.
Le manque de surveillance des systèmes de recyclage en Suisse, sur lequel un rapport du Contrôle fédéral des finances vient d’être publié, est débattu par les intervenants. En effet, on ne sait pas comment est utilisée la taxe d’élimination anticipée, incluse dans le prix d’achat des appareils électroniques et censée financer le recyclage de ces derniers. Que devient vraiment cet argent? Si le recyclage des piles et du verre est correctement contrôlé (taxe étatique obligatoire), les déchets métalliques et électroniques, ainsi que le PET, sont éliminés sur une base volontaire par les entreprises, avec une transparence variable. La Confédération ne possède aucune compétence légale pour intervenir. Pierre Maudet se dit favorable au principe d’une taxe qui frappe le flux des déchets; «cependant, la taxe sur le recyclage du matériel est de nos jours perçue de manière uniforme, qu’on soit bon ou mauvais élève», fait-il remarquer.

Rénovation: accélérer
le mouvement

Les thèmes de l’environnement et de l’énergie conduisent inévitablement à l’immobilier. Comment les propriétaires de villas et d’immeubles vont-ils répondre aux nouvelles obligations établies par la Loi sur l’énergie, en particulier pour les bâtiments dont la consommation dépasse largement le seuil fixé? Anne Hiltpold relève que, pour les propriétaires qui souhaitent s’engager dans la transition énergétique, le chemin est semé d’embûches. Les contraintes administratives et les régulations étatiques constituent des entraves importantes. Ainsi, la candidate PLR demande un assouplissement des procédures – comme cela a été récemment le cas concernant la pose de panneaux solaires – et une accélération dans l’obtention des autorisations de construire lors de travaux favorables aux économies d’énergie. «Alors que la pression est forte sur les propriétaires de villas et d’immeubles, les collectivités publiques sont à la traîne, souligne-t-elle. L’Etat devrait montrer l’exemple en réalisant ce qu’il exige de la part des privés et en soutenant davantage leurs efforts». Antonio Hodgers rétorque que les propriétaires peuvent prétendre à un apport de 15% à 20% du coût des travaux (29 000 bâtiments concernés), auquel s’ajoute le financement du Programme Bâtiments de la Confédération.
«La rigidité de la Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (LDTR) – qui n’existe pas dans d’autres cantons – empêche de répercuter partiellement le coût des travaux sur les locataires, ce qui est contraire au droit du bail suisse», poursuit Anne Hiltpold. Dans le même temps, l’Etat compte engager un milliard de francs (prélevé sur nos impôts…) pour la rénovation de ses 800 bâtiments. «Il faut inciter les propriétaires à réaliser des travaux et non les freiner, ajoute-t-elle. Cela passe par un train de subventions important, des conditions cadres favorables, des incitations fiscales, etc.». Antonio Hodgers répond en montrant que le virage écologique est en cours. En trente ans, Genève a diminué ses émissions de CO2 de 30%, un résultat dû pour une grande part aux efforts des entreprises. «Il faut cependant passer à la vitesse supérieure, soit une réduction de 60% d’ici 2030 et la neutralité carbone en 2050», insiste-t-il, défendant au passage le monopole SIG.

La crise énergétique,
une opportunité pour les PME?

A l’expression courante de transition énergétique, Philippe Morel préfère celle de révolution énergétique: tout comme les révolutions industrielle et numérique, le changement actuel est une source d’emploi et de création d’entreprise. Le développement et la mise en œuvre d’installations fonctionnant aux énergies renouvelables (panneaux solaires, pompes à chaleur, éolien, etc.) nécessite une main-d’œuvre bien formée.
Pour ce faire, il s’agit de valoriser les métiers émergents et d’offrir une formation adéquate. «Entrepreneurs, saisissons cette aubaine!», s’exclame le candidat MCG, avant d’insister sur l’importance de la recherche et les progrès technologiques à déployer (notamment quant à la fabrication, au stockage et à la durée de vie des panneaux solaires). Seuls 3% de l’électricité du canton sont fournis par l’énergie photovoltaïque. On pourrait facilement tripler cette production en équipant les toits plats du canton, pour autant que l’on dispose des forces et des compétences nécessaires. Sans parler de l’éolien, qui représente seulement 0,4% de la production en Suisse et dont la part pourrait aussi être augmentée. «La population doit participer à cet élan général plutôt que de subir des contraintes», conclut avec force Philippe Morel.

 

Véronique Stein