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Réexamen des PLQ à Genève

L’enfer est pavé de bonnes intentions

9 Mar 2022 | Articles de Une

Depuis plusieurs années, lorsque l’on parle de développement et d’urbanisme, les enjeux de protection de la nature et du patrimoine sont au cœur des préoccupations des pouvoirs publics. Parallèlement, les habitants concernés par les projets de nouveaux immeubles demandent de plus en plus à être associés aux réflexions dans des processus participatifs.

Les habitants concernés par les projets de nouveaux immeubles demandent de plus en plus à être associés aux réflexions dans des processus participatifs.

Dans ce contexte, le Département du territoire genevois a décidé, l’an dernier, de réexaminer environ 120 plans localisés de quartier (PLQ) en vigueur qui ne sont pas encore réalisés ou qui ne le sont que partiellement. Il s’agit d’améliorer la prise en compte des qualités naturelles, paysagères et patrimoniales dans ces PLQ, de rechercher la mise en œuvre de projets de qualité et d’intégrer la société civile dans les processus.
L’analyse de ces PLQ s’est faite sur quatre axes, soit les espaces publics, la biodiversité, le patrimoine et les places de parking.
Le résultat de la démarche débouchera, pour chaque PLQ, sur une recommandation. Trois possibilités se présenteront alors: ne rien entreprendre si le PLQ actuel est satisfaisant; négocier une adaptation du projet au moment du dépôt d’une demande d’autorisation de construire; abroger ou réviser le PLQ.
Ces deux dernières options soulèvent néanmoins des problèmes juridiques spécifiques.

L’adaptation du projet

En guise d’adaptation du projet, le Département pourra, par exemple, exiger la plantation d’arbres en plus grand nombre, la réduction des sous-sols pour augmenter les surfaces en pleine terre; il voudra aussi améliorer la qualité des espaces publics, réduire le taux de stationnement, etc.
Toutefois, la possibilité de s’écarter du PLQ au moment de le concrétiser par une autorisation de construire est limitée. Les projets de construction doivent en effet être conformes au Plan localisé de quartier. Ce principe s’explique: si l’on pouvait sans autre s’écarter du PLQ, la procédure d’adoption des plans, notamment la participation publique à l’élaboration de ceux-ci, seraient vidées de leur substance.
Ce principe n’est toutefois pas absolu. Des dérogations sont possibles si les trois conditions suivantes sont remplies. Il faut en premier lieu que la modification soit mineure, de peu d’importance. Une jurisprudence fournie a délimité ce que l’on entendait par là (pour des exemples, voir Mark Muller, Droit genevois de la construction, 2021, p. 66 & ss.).
Il faut ensuite que la dérogation au PLQ se justifie par un motif particulier, soit la nécessité de la mise au point technique du dossier ou l’existence d’un motif d’intérêt général.
Enfin, le respect de l’indice d’utilisation du sol et de l’indice de densité prévus par le PLQ doivent être respectés.
Ainsi, si, lors de l’instruction d’une demande d’autorisation de construire, le Département devait demander que le projet s’écarte du PLQ, ces conditions devront être réunies pour lui donner satisfaction. Dans bien des cas, le requérant ne verra pas d’objection à accéder aux souhaits exprimés par le Département, notamment si ses droits à bâtir ne sont pas touchés. Il ne faut toutefois pas négliger le risque que des opposants au projet recourent contre l’autorisation de construire et fassent valoir que le projet s’écarte de manière injustifiée du PLQ.

La révision ou l’abrogation du PLQ

Dans des cas particuliers, par exemple lorsque le PLQ est ancien, que les droits à bâtir encore constructibles du PLQ sont relativement faibles ou que la mise en œuvre du PLQ ne constitue pas une opération en adéquation avec les enjeux environnementaux ou patrimoniaux, le Département prendra contact avec les propriétaires concernés pour envisager la révision, voire l’abrogation du PLQ.
Là encore, la marge de manœuvre de l’Etat n’est pas totale. Ce n’est que lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées que l’Etat peut imposer des adaptations des plans (art. 13A LaLAT et 21 al. 2 LAT). Il s’agit d’assurer à la planification une certaine stabilité, faute de quoi celle-ci ne peut remplir ses fonctions.
Les circonstances à prendre en considération peuvent être de fait ou de droit. Elles sont notamment les suivantes: la durée de validité du plan, le degré de précision et de réalisation du plan, les motifs de modification, l’étendue de la modification requise et l’intérêt public y relatif.
Pour apprécier l’évolution des circonstances et la nécessité d’adapter un plan d’affectation, une pesée des intérêts s’impose. L’intérêt à la stabilité du plan doit être mis en balance avec l’intérêt à l’adoption d’un nouveau régime d’affectation. Selon les cas, des intérêts publics pourront également justifier soit la stabilité du plan, soit son adaptation. Il incombe donc à l’autorité appelée à statuer sur un projet de modification d’un plan en vigueur d’examiner, en fonction des circonstances concrètes, une pluralité d’intérêts.
On le voit, la volonté de l’Etat d’améliorer la qualité des projets, qui répond aux attentes actuelles, doit s’inscrire dans un cadre légal précis et contraignant. Les propriétaires qui seront confrontés à cette volonté auront tout intérêt à s’inscrire dans cette dynamique s’ils veulent voir leurs projets avancer. Ils pourront toutefois s’appuyer sur ces principes juridiques pour faire valoir leurs droits.

 

Mark Muller, avocat
Etude Muller & Fabjan – Droit immobilier

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