Transition énergétique
Le soutien des banques en première ligne
Dans un monde où le développement économique est devenu indissociable des enjeux environnementaux et sociaux, le secteur bancaire suisse affirme sa volonté d’agir en coalition pour soutenir le financement de la transition énergétique, notamment dans le domaine bâti qui compte parmi les plus carbonés. Les investissements dans les biens immobilier durables passent par une nouvelle stratégie hypothécaire, axée dans un premier temps sur les maisons individuelles.
La sensibilisation à la rénovation énergétique des villas est une priorité.
La place financière helvétique déclare être en mesure de financer la majeure partie des investissements nécessaires pour que l’économie suisse atteigne l’objectif fédéral de neutralité climatique d’ici 2050. C’est ce qui ressort de l’étude réalisée par l’Association suisse des banquiers (ASB), en partenariat avec le Boston Consulting Group. Celle-ci évalue le coût du «zéro émission nette» à 387,2 milliards de francs, soit en moyenne 12,9 milliards de francs par an durant trois décennies. Environ 90% de ce montant peut être financé via l’offre ordinaire des banques: 10,7 milliards émaneraient des crédits et hypothèques et un milliard serait financé sur le marché suisse des capitaux.
Incitations à la rénovation
énergétique
L’étude, qui comporte un large volet consacré à l’assainissement des bâtiments, relève que ce secteur qui compte parmi les plus carbonés nécessite pour sa part 2,1 milliards d’investissement par année. «La Suisse est championne européenne du chauffage aux énergies fossiles, rappelle Edouard Cuendet, directeur de la Fondation Genève Place Financière. Plus d’un million d’immeubles nécessitent une rénovation énergétique selon l’Office fédéral de l’environnement; or les travaux d’assainissement ne dépassent pas 1%, alors qu’ils devraient atteindre un minimum de 2%». L’ASB a donc résolument choisi l’action, en accompagnant la clientèle dans sa transition énergétique et en édictant des autorégulations en matière de finance durable.
Fruit d’une large coopération au sein du secteur bancaire, les nouvelles directives fixent pour la première fois des prescriptions contraignantes en ce qui concerne la prise en compte des critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) dans le conseil en placement et la gestion de fortune et dans le domaine hypothécaire. Plus spécifiques au financement immobilier, elles prévoient par ailleurs que les fournisseurs d’hypothèques devront impérativement aborder la question de la préservation à long terme du bâtiment à financer, et donc celle de son efficacité énergétique.
L’accent est mis sur les
propriétaires de villa
Cette sensibilisation à l’importance de la rénovation énergétique vise dans un premier temps les particuliers devant financer une maison individuelle ou une résidence de vacances à usage propre. Les clientes et clients seront informés sur les aides à la rénovation auxquelles ils pourraient prétendre et, pour des conseils spécifiques, seront adressés à des spécialistes indépendants. «Le secteur institutionnel est déjà sensibilisé à cette problématique, il faut maintenant mettre l’accent sur les propriétaires immobiliers privés», indique Edouard Cuendet.
«Ce plan de mesures ambitieux, qui sera mis en œuvre dès le 1er janvier 2023, constitue une nouvelle étape pour la place financière suisse qui entend poursuivre ses avancées déjà considérables en matière de finance durable, en excellant notamment dans la qualité du conseil et des produits», ajoute-t-il. Le développement du marché de la finance durable en Suisse est effectivement important. Le volume de ce type d’investissement a progressé de 30% entre 2020 et 2021, pour atteindre 1987,7 milliards de francs, selon les dernières statistiques de la Swiss Sustainable Finance (SSF) (voir Le Journal de l’Immobilier n°43, du 31 août 2022).
En rejoignant la Net-Zero Banking Alliance en avril dernier, l’ABS participe par ailleurs à l’effort mondial et recommande à ses membres d’adhérer aux alliances internationales «zéro émission nette», ainsi qu’aux initiatives favorisant le développement durable dans le secteur bancaire.
Quatre chantiers emblématiques
«La place financière genevoise prêche par l’exemple avec quatre initiatives concrètes», rappelle notre interlocuteur. La rénovation du Crédit Suisse Place Bel-Air, réalisée en 2015, a fait office de précurseur. Le bilan de GeniLac pour 2021 indique que le mix énergétique composé de l’énergie hydrothermique et du gaz naturel est de 76,5%. Lauréate 2022 du Trophée SIG de la transition énergétique, la BCGE, quai de l’Île, poursuit sa rénovation en misant systématiquement sur des solutions éco-performantes. Depuis octobre 2021, le siège est raccordé au réseau thermique GeniLac. Pour sa part, le Campus Pictet de Rochemont, qui est l’un de projets emblématiques du PAV, se veut l’un des bâtiments les plus écoresponsables d’Europe. Pour cet ensemble qui offrira 2500 places de travail et une centaine de logements, le groupe Pictet a ainsi pour ambition d’obtenir les labels internationaux SNBS, LEED et WELL de niveau Platinium, le plus exigeant. Ensemble, ils couvrent les domaines de la durabilité et de la viabilité économique, de la protection environnementale et énergétique et de l’évaluation du bien-être des occupants. Le projet va notamment de pair avec la production d’énergie renouvelable, l’utilisation de matériaux écologiques et le recyclage des matériaux utilisés, ainsi que la création d’espaces verts favorisant la biodiversité.
Œuvre du bureau d’architectes Herzog & de Meuron, située à Bellevue, le futur siège social de la banque Lombard Odier relève les mêmes défis relatifs aux plus hauts standards d’efficacité énergétique en matière de matériaux durables et de recyclage, en répondant aux exigences des labels suisses et internationaux reconnus Minergie-P, SNBS et BREEAM. Le bâtiment qui sera raccordé à GeniLac comprendra 700 m2 de panneaux solaires en toiture. Spécialisée dans les cleantech, la
start-up vaudoise Droople a été choisie comme partenaire pour assurer la gestion durable et responsable de l’eau dans ce futur écrin de verre, qui accueillera 2000 employés dans deux ans.