L’ancienne chapelle du Pont.

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Alerte centenaire à Fribourg

Le pont de Pérolles en fête

30 Nov 2022 | Articles de Une

Fribourg est appelée la ville des ponts. Parmi les nombreux ponts et viaducs qui relient la Cité des Zaehringen aux territoires environnants figure le pont de Pérolles, qui enjambe la Sarine entre les communes de Fribourg et de Marly et fut inauguré en 1922. A l’époque de sa construction, il était même le plus grand pont de Suisse. Visite guidée!

La construction du Pont.

Alexandre Dumas, visitant Fribourg, a dit que cette ville avait dû être conçue et réalisée par un architecte après un trop bon repas. En effet, fondée en 1158 sur un éperon rocheux dominant et contrôlant la Sarine, la cité médiévale puis moderne est enserrée par les méandres de la Sarine et bâtie sur plusieurs niveaux. On a dû construire plusieurs ponts afin de relier ses différents quartiers, ainsi que de favoriser les transports commerciaux avec les territoires voisins. Un pont est toujours emblématique et constitue une réalisation technique, voire une prouesse humaine, souvent fascinante. Tel est le cas du pont de Pérolles, long de 555 mètres (très exactement 554,86 m), pont évidé en arc et béton inauguré il y a cent ans, en décembre 1922.

Un pont craint à l’origine

Le Conseil communal de Fribourg estimait pourtant en 1888 que la construction du pont de Pérolles «serait un grand malheur pour Fribourg, comme la construction du pont suspendu de Zaehringen a été un malheur pour la Basse-Ville». On redoutait en effet un déséquilibre de la circulation pour la Vieille Ville dont les commerçants voyaient d’un mauvais œil un pont détournant la circulation passant dans leurs rues étroites… mais surtout devant leurs échoppes.
L’Etat réussit à convaincre les hésitants en rappelant que l’ouvrage serait très utile pour tout le monde: il permettrait un transit facilité entre la campagne sarinoise, la Gruyère et la Haute-Singine vers le chef-lieu cantonal. Le quartier de Pérolles s’était aussi développé, accueillant des entreprises actives dans l’industrie de la fonderie et la production alimentaire. Le pont fut donc érigé sous la houlette de la Direction des travaux publics de l’Etat de Fribourg entre le 11 septembre 1920 – bénédiction de la première pierre – et le 9 décembre 1922 – cérémonie d’inauguration. On construisit sur le pont une chapelle abritant un beau calvaire et munie d’une cloche. Certains Fribourgeois facétieux rêvaient d’organiser leur mariage religieux dans ce lieu souvent fleuri et orné de lumignons.

Le Pont de Pérolles aujourd’hui.

Un pont surtout utilisé par
les vélos

Œuvre de l’ingénieur cantonal Jules Jaeger, le pont devait d’abord être un viaduc ferroviaire. Il était en effet prévu d’y faire passer une ligne de chemin de fer Fribourg-Marly-Bulle, avant d’abandonner cette idée et d’en faire un pont uniquement routier, utilisé en premier lieu par des piétons, des chariots, des charrettes et des vélos, les véhicules automobiles étant très rares à l’époque. L’annuaire statistique indique qu’en 1922, le canton de Fribourg comptait 580 voitures, 158 camions, 417 motos et 79 motos avec side-car. Dans toute la Suisse il n’y avait que 35 000 véhicules à moteur. Ce sont donc surtout des vélos qui l’empruntèrent.

Le développement du trafic
automobile

Dès les années cinquante, le trafic automobile se développa à Fribourg, comme dans le reste de la Suisse. Le pont de Pérolles fut dès lors utilisé comme principale voie d’accès à la ville de Fribourg pour tout le trafic provenant du Sud fribourgeois et de l’Oberland singinois. En 1995, le pont de Pérolles fut donc élargi afin de redonner de la place aux vélos, aux bus et aux piétons. Le tablier de 1922 fut remplacé par un nouveau tablier d’une largeur de 18,50 m et l’on profita de changer des éléments usés par les ans, notamment les fers à béton corrodés. Le Service des ponts et chaussées, maître d’œuvre, voulut faire enlever la chapelle qui gênait, selon lui, le trafic. Une solution fut finalement trouvée en abritant le calvaire dans une belle cage de verre munie de stores, au sommet de laquelle se trouve la fameuse cloche de l’ancienne chapelle.
Aujourd’hui, le pont, qui se situe à 67 mètres au-dessus de la Sarine, est traversé quotidiennement et en moyenne par 12 652 véhicules et cinq lignes de bus. Deux bandes cyclables sont à disposition des usagers de la petite reine et un trottoir permet aux piétons de traverser en toute sécurité. Demain, il serait possible que l’alerte centenaire qu’est le pont de Pérolles soit traversé par un tram, afin d’atteindre les objectifs du Plan climatique cantonal. Bénissant le pont de Pérolles le 11 décembre 1922, l’évêque Marius Besson déclara: «Et maintenant, peuple de Fribourg, regarde et comprends. Quand tu passeras sur cette route neuve, songeant que les ponts sont faits pour franchir les ravins et pour unir les rives, rappelle-toi que la prospérité d’un pays ne peut s’affermir que dans la concorde et dans l’union». Le pont de Pérolles est définitivement le signe de la concorde et de l’union.

 

Laurent Passer