événement - Conférence de Convergences à Genève
Le phénomène Afflelou
Evocateur d’une réussite brillante, Alain Afflelou est nommé «entrepreneur préféré des Français» en 2021 par le Magazine «Forbes». A 24 ans, il ouvre son premier magasin; il est aujourd’hui à la tête d’une chaîne de 1500 magasins franchisés à travers le monde. Désormais installé à Genève, le serial entrepreneur a retracé avec humour son parcours exceptionnel lors d’un dîner-débat qui s’est tenu au restaurant du Parc des Eaux-Vives. Un événement organisé par l’association Convergences – présidée par Colette Cellerin – avec Jérémy Seydoux, rédacteur en chef de Léman Bleu TV, comme animateur.
Afflelou… son nom est jugé, dans un premier temps, imprononçable. Mais comme tous les noms compliqués, lorsqu’on l’a dit une fois, on ne l’oublie jamais. L’agence de communication RSCG encourage Alain Afflelou, en 1986, à s’appuyer sur sa propre image. Cette collaboration donnera naissance à l’une des formules les plus identitaires de la marque: «On est fou d’Afflelou». La campagne – qui coûte trois millions de francs – associe audace et modernité. Affiches, film, spots suscitent un véritable raz-de-marée. Les gens se retrouvent dans cet humour, soutenu par une proposition concrète: des économies et un professionnalisme incarné par un patron dont on va commencer à reconnaître le visage dans la rue.
La saga publicitaire
Revenons aux débuts de celui qui n’est pas l’héritier d’une lignée d’opticiens, mais un self made man. Né en Algérie de parents commerçants, sa famille est rapatriée en France dans les années 60, à Marseille puis à Bordeaux, où Alain Afflelou passera une bonne partie de sa jeunesse. C’est là qu’il reviendra pour ouvrir son premier magasin, une fois sa formation d’opticien achevée à Paris. Alors que d’autres revendiquent une vocation, Alain Afflelou choisit ce métier «par défaut», suivant une logique cartésienne: «Devenir opticien ne nécessitait pas de trop longues études et n’impliquait pas de travailler dans un bureau», raconte l’entrepreneur. Pour lui, selon les valeurs transmises par ses parents, l’amabilité envers les clients est primordiale. La concurrence – toujours plus importante dans ce secteur – le stimule. «Comme un combat de boxe, il faut savoir rebondir avec une énergie décuplée, un solide savoir-faire et l’envie constante d’avancer», commente-t-il.
A la fin des années 80, Afflelou révolutionne le rapport aux lunettes avec une nouvelle campagne publicitaire: «Quand on a une gueule, on y tient», mettant en avant la morphopsychologie. A chaque visage et caractère correspond une monture. A l’origine source de contrariété, les lunettes deviennent un accessoire de la personnalité.
Jérémy Seydoux aux côtés d’Alain Afflelou.
A chaque visage et caractère correspond une monture.
L’innovation permanente
Dans les années 1995, alors qu’un ralentissement marque le commerce de détail, en particulier l’optique, l’invention de «Tchin Tchin» constituera moment clef de l’entreprise Afflelou. Elle se base sur le constat suivant: l’achat de lunettes n’est jamais un achat plaisir, personne n’a envie de payer pour deux paires. Mais si la seconde est offerte, c’est une autre histoire. Comme elle ne peut pas être proposée gratuitement, la 2e paire sera facturée à un franc français. Cependant, il fallait trouver des fournisseurs en mesure de fabriquer des lunettes à des prix très compétitifs. Alain Afflelou contacte un industriel chinois de Hong Kong, ce qui lui permet de mettre sur le marché les 80 premiers modèles. Il en existe plusieurs centaines aujourd’hui. Plutôt que de cacher la fabrication chinoise – souvent associée à une qualité moindre – l’entrepreneur prend le parti de le crier haut et fort. La célèbre chanson «Tchin Tchin» de Richard Anthony accompagne la campagne publicitaire. A peine un mois après, le succès est au rendez-vous et les ventes bondissent de 400%. Dix ans plus tard, la seconde paire de lunettes gratuite ou presque est copiée par toutes les enseignes.
Autre étape marquante: le produit phare de la marque – la collection «Magic» (vente supérieure à Ray-Ban) – est lancé; un seul geste et hop, toutes les lunettes se transforment grâce à des clips qui se fixent sur leur monture. Avec Sharon Stone comme égérie, Luc Besson réalise alors un film dans les rues de Paris, qui contribue à renouveler l’image de la maison.
Mais pour innover, on ne peut jamais se reposer sur ses lauriers. C’est ainsi qu’Alain Afflelou découvre le système de franchise qu’il adapte à son entreprise. En parallèle, il crée un concept pour les verres de contact journaliers, les lentilles «éphémères» – dont la courte durée de vie évoque celle des papillons – et qui sont proposées pour un euro la paire. Fin observateur de la réalité, l’opticien-lunettier lance également un coffret comprenant quatre paires de lunettes de lecture, «perdables sans que cela devienne un drame». Aux couleurs variées, ces «Forty» conviennent aussi bien aux hommes qu’aux femmes et se déclinent selon les divers degrés de presbytie.
Deux millions et demi de paires de lunettes Afflelou sont vendues chaque année, faisant de la marque le n°1 en Europe. La relève est aujourd’hui assurée: parmi les quatre fils d’Alain Afflelou, trois sont aux commandes du groupe. Ils sont guidés, tout comme leur père, par le bon sens, le travail et l’amour de ce qu’ils entreprennent. Mais le parcours d’Alain Afflelou recèle encore quelques surprises: on découvre l’homme d’affaires engagé dans le monde sportif en tant que partenaire ou sponsor. Il est également l’initiateur d’une Fondation visant à améliorer la santé visuelle et auditive des enfants et des personnes démunies.