Le notariat, témoin opiniâtre du fédéralisme

Je vous dois un aveu: ma mère rêvait que je devienne notaire de campagne. Il sait tout des affaires du district, il est central et respecté. Testaments, bisbilles successorales, conventions de mariage et divorces, achats de biens immobiliers et mises en gage, servitudes, brouilles entre voisins, état du patrimoine, dettes, amants et amantes, il n’ignore rien et ne dit rien, m’assurait-elle.
Cette image vaut encore hors des centres urbains. Force est cependant de constater que dans les villes, le notaire est appelé à traiter des affaires de complexité croissante, à jouer le rôle de conseiller juridique et fiscal de ses clients, tout autant qu’à instrumenter des actes. Création de sociétés ou de fondations, études successorales, en fiscalité nationale ou internationale font partie de ses prestations. A la question de savoir si cela n’entre pas en concurrence avec le domaine des avocats d’affaires, le président du jeune notariat genevois, répond que les deux professions travaillent sur des périmètres distincts et collaborent régulièrement, à satisfaction.
Pour toutes leurs activités, à l’exception des actes de vente de biens immobiliers, la cantonalisation ne s’applique pas aux notaires. Un notaire genevois ou vaudois pourra par exemple constituer une fondation dont le siège est Fribourg. En revanche, pour les actes immobiliers, la jurisprudence du Tribunal fédéral oblige à s’adresser à un notaire du canton dans lequel se situe le bien.

Trois modèles

Pour leur réglementation aussi, les notaires sont structurés sur une base cantonale. Il en résulte de grandes différences, notamment en ce qui concerne le statut et la formation.
Trois formes d’organisation cohabitent en Suisse. Dans le modèle du notariat officiel, aussi appelé notariat d’Etat, ces juristes sont employés par l’Etat. C’est par exemple le cas à Zurich et Schaffhouse. La Suisse romande a adopté le modèle libéral, dans lequel le notaire exerce sous la surveillance de l’Etat, mais à son compte et à ses risques. Il existe enfin des formes mixtes. En outre, à Genève et dans le canton de Vaud, on ne peut être à la fois notaire et avocat. En Valais, à Neuchâtel ou à Fribourg, par exemple, ce cumul est possible.
Genève connaît une particularité: l’existence des clercs de notaires et d’avocats. Ils sont titulaires d’un titre décerné au terme d’un examen cantonal. Ils prennent en charge des formalités administratives telles que la rédaction de projets d’actes, le conseil aux clients, la tenue des répertoires, l’envoi de courriers ou le dépôt des actes au Registre foncier et au Registre du commerce.

La profession se féminise et rajeunit. A Genève, la majorité de la relève est féminine. Dans le canton du Jura, la moitié des notaires sont des femmes. Elles sont près d’un tiers dans le canton de Vaud, 36% à Fribourg, 28% à Neuchâtel et environ un quart en Valais.

Un nombre variable

En Suisse romande, seul Fribourg limite le nombre de notaires. Ils ne peuvent être plus de 55 et sont aujourd’hui 54. Le Valais en compte 183, Vaud 112, Genève 52, Neuchâtel 36 et le Jura 17. Ces différences tiennent à la fois à la superficie des cantons, à la possibilité ou non d’exercer une autre profession en sus du notariat, mais aussi à la durée des études, y compris le stage que tous les cantons imposent aux futurs notaires.
Les prérequis pour être admis en tant que stagiaire sont identiques d’un canton à l’autre: posséder au minimum un Master en droit délivré par une Université suisse, être de nationalité suisse et jouir de l’exercice des droits civils. Le cursus est de deux ans dans le canton de Vaud et d’un an en Valais, mais de quatre ans à Genève, qui a les études les plus longues de Suisse.

De plus en plus de femmes

Au terme de ce parcours, le futur notaire sera assermenté. A Genève, la formule est la suivante: «Je jure ou je promets solennellement: de rédiger fidèlement et conformément à l’intention des parties tous les actes que je serai appelé à passer; de ne recevoir aucun acte qui puisse tourner au déshonneur et au détriment de l’Etat ou qui soit contraire aux lois et aux règlements; d’expédier à chacun les actes qui lui appartiendront, sans retenir ou supprimer aucun d’entre eux pour favoriser une partie au préjudice de l’autre; de conserver soigneusement et en bon ordre tous les actes et titres qui se feront en mes mains et, en général, de me conformer avec honneur et fidélité à tout ce qui est prescrit par les lois, relativement à mon office».
La profession se féminise et rajeunit. A Genève, 18 des 52 notaires nommés sont des femmes, comme dix des 17 stagiaires: autrement dit la majorité de la relève est féminine. Dans le canton du Jura, la moitié des notaires sont des femmes, elles sont près d’un tiers dans le canton de Vaud, 36% à Fribourg, 28% à Neuchâtel et environ un quart en Valais.

Une profession appelée à se numériser

Que gagne un notaire? Selon une étude du site lohncheck.ch, publiée en décembre 2021, le salaire moyen des notaires en Suisse s’établit à 8000 CHF par mois, sur treize mois. En données annuelles, ce revenu s’établirait entre 77 988 CHF et 116  988  CHF. Environ un notaire sur deux gagnerait plus de 100 000 CHF par an.
La Suisse n’est pas en pointe quant à l’émission d’identités électroniques, ni quant à la numérisation des procédures et processus liés à la justice et au droit. Cependant, l’instrumentalisation électronique des actes notariaux se profile. Elle imposera aux études de protéger leurs minutes des cyberattaques. Aucun canton romand n’a à ce jour inclus de sensibilisation à cette menace dans son curriculum menant au notariat.

Comment choisir son notaire?

L’acheteur d’un bien immobilier a le privilège de choisir le notaire chez lequel la transaction sera officialisée. Inutile de chercher l’étude la moins chère, en Suisse romande les émoluments des actes authentiques sont arrêtés par le Conseil d’Etat du canton concerné. Pour son activité de service public, en effet, le notaire a droit à une rémunération et perçoit les frais correspondants aux sommes qu’il doit payer à l’Etat, tels les frais de mutation et les droits d’enregistrement.
Et que ce soit à Genève, Vaud, Neuchâtel ou en Valais, ne comptez pas sur la publicité pour vous aider dans votre choix de cet officier public, elle est interdite. Internet change quelque peu cela, en ce sens que chaque étude s’est dotée de son site propre, mais la sobriété reste la règle. Les temps changent, la discrétion reste.

Cesare Accardi