Karine Bruchez.

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LA fête des maires - Karine Bruchez, Maire d’Hermance

«Le lien entre les gens me tient à cœur»

5 Avr 2023 | Articles de Une

Situé à l’extrémité septentrionale du canton de Genève, le village d’Hermance vit les pieds dans l’eau, bénéficiant d’une jolie plage sur le lac. Cette commune, l’une des plus petites du canton avec un territoire de 143 hectares, déploie un charme authentique qui a attiré de nombreux nouveaux habitants au cours des dernières années, comme l’explique Karine Bruchez, sa Maire.

-Vous effectuez votre second mandat en tant que Maire. Qu’est-ce qui vous a incitée à faire de la politique?
– En fait, je n’avais jamais pensé faire de la politique. Mon grand-père avait été Maire d’Hermance pendant douze ans et quand j’étais adolescente, je trouvais cela assez ennuyeux. On est venu me chercher pour le Conseil municipal; j’étais enceinte, à l’époque, mais j’y suis allée et j’ai été très bien élue. Deux ans après, en cours de législature, je suis devenue adjointe après le départ d’un titulaire. C’était en 2009 et j’étais la première femme de l’histoire de la commune à siéger à l’Exécutif. En 2011, j’ai fait le choix de quitter la liste du Maire pour créer la mienne, car je voulais davantage de liberté. J’ai été élue comme adjointe, puis après le décès du Maire en mars 2014, je lui ai succédé. Ma deuxième législature sera aussi la dernière. Après 18 ans à la mairie, où j’ai assumé différentes fonctions, c’est le moment d’arrêter. Ce sera difficile, car cela représente une grande partie de ma vie, mais il faut laisser la place à d’autres personnes et arrêter avant d’être lassée ou de lasser. Néanmoins, la relève est difficile à trouver, car l’investissement en temps est très important. Il est impossible de travailler à 100% et d’être Maire. Quand les candidats à la mairie réalisent qu’ils devront diminuer leur temps de travail d’au moins 20%, beaucoup réfléchissent. C’est un réel souci, car il ne faudrait pas avoir à l’Exécutif d’une commune uniquement des retraités et des mères de famille, ce ne serait pas représentatif.

– Vous n’avez jamais été tentée par le Grand Conseil?
– Ce n’est pas possible sans être affiliée à un parti. Et si la question avait dû se poser, j’aurais plutôt été intéressée par le Conseil d’Etat, qui est un organe exécutif. Mais franchement, c’est trop rude d’un point de vue humain. Vous êtes déjà beaucoup attaqué dans votre vie privée en tant que Maire, les réseaux sociaux n’arrangeant rien. Les gens ne font souvent pas la différence entre la fonction et la personne, ce qui est lourd à porter.

– Avez-vous un dicastère qui vous tienne particulièrement à cœur?
– J’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir les différents secteurs, ainsi que les institutions et leur fonctionnement, mais le plus important pour moi reste les liens entre les gens, quel que soit le sujet. Un bel exemple en est le Noël des aînés de la commune, Chaque année, les élèves de huitième viennent servir le repas aux personnes âgées et l’ensemble des élèves vient chanter des chants de Noël et apporter un cadeau fabriqué de leurs mains pour chaque aîné. Nous faisons tous partie d’une communauté. La personne doit être au centre de chaque décision, quel que soit le domaine. J’ai, du reste, toujours insisté sur le fait que j’étais la Maire de tous les Hermançois. Dans une petite commune comme la nôtre, il y a toujours 50% des habitants qui vous aiment et 50% qui ne vous apprécient pas. Je travaille toujours en collégialité avec mes adjoints et je respecte leur opinion.

Le charme incontestable d’Hermance.
Un des atouts d’Hermance: le lac.

– Comment évolue Hermance?
– La population a augmenté d’environ 30% de 2020 à aujourd’hui, ce qui représente une progression importante pour une petite commune. Hermance comptait 1221 habitants fin 2022. Une centaine de nouveaux résidents environ doivent encore arriver. La configuration des lieux a aussi évolué. Autrefois, la majorité de la population se trouvait dans le bourg, alors que maintenant, c’est le contraire. L’intégration des nouveaux arrivants se passe bien, mais elle a été moins aisée en raison de la pandémie. Il faut trouver un nouvel équilibre. Les «anciens» doivent accepter que les choses changent et les «nouveaux» doivent respecter ce qui était là avant leur arrivée. Nous avons eu le cas avec le camping. Certains nouveaux résidents ne comprenaient pas qu’il fasse partie intégrante de l’identité même d’Hermance, depuis des dizaines d’années. 

– Comment se fait l’intégration des nouveaux habitants?
– De manière assez naturelle, car les opportunités ne manquent pas. Nous avons la chance d’être une commune très active, avec de nombreuses animations, notamment les apéro-concerts gratuits qui se déroulent de mai à juin, un vide-grenier qui se tiendra le dimanche 20 août et également des soirées cinéma. Hermance compte beaucoup de sociétés villageoises, qui proposent beaucoup d’activités, ce qui facilite grandement l’intégration. Nous essayons toujours de nous renouveler. En 2021, qui était une année difficile en raison de la Covid, nous avons imaginé un rallye le dernier dimanche des vacances d’été, juste avant la reprise de l’école. Les postes étaient tenus par des membres des associations et les équipes étaient mélangées, anciens et nouveaux habitants. Ce fut un succès.

– Qu’en est-il de l’immobilier?
– La commune a acheté un terrain voilà 30 ans. Il est situé à l’entrée du village et, pour le moment, utilisé comme parking provisoire. Nous avons un projet pour construire 32 logements et faire un parking souterrain de 200 places. Les appartements seront destinés en priorité aux aînés de la commune et aux jeunes qui ont grandi à Hermance et veulent revenir s’installer ici. Les loyers des logements seraient modérés, afin de donner la possibilité au plus grand nombre d’en profiter. 
Cette parcelle est la seule que possède la commune; un tel projet ne peut donc pas se faire ailleurs. Mais ce projet est contesté entre autres par les voisins de la parcelle. Un référendum a été lancé; il faut voir maintenant s’il aboutit ou pas. Si le projet se poursuit, nous pouvons espérer avoir l’autorisation de construire en mai 2025. Le projet coûtera environ 30 millions de francs. Ce montant élevé s’explique par le parking souterrain qui comprendra 50 places pour les habitants de l’immeuble et 150 pour le public. Celles-ci permettront d’éviter que les voitures se parquent dans le village, ce qui est un problème récurrent dans la commune.

– Justement, celui-ci souffre-t-il du trafic pendulaire?
– La circulation est un sujet délicat, en raison de notre situation proche de la frontière. Dans les années 50, les habitants s’en plaignaient déjà! Il y a quelques années, nous avons instauré des zones de stationnement avec macaron, pour empêcher les voitures ventouses dans le village qui mécontentaient les habitants. Ceux-ci paient maintenant 200 francs par an pour un macaron et aujourd’hui tout le monde est satisfait du système mis en place. Toujours dans le but de limiter le trafic et de favoriser la mobilité douce, nous avons travaillé avec la Maire de la commune française de Chens-sur-Léman pour que le bus aille jusque-là. Pendant les trois premières années, les frais étaient assurés par les communes. Une fois que la ligne est devenue un succès, elle a été reprise par le Canton pour la partie suisse. Maintenant, l’idéal serait que le bus aille jusqu’à la commune de Messery, en France. Par ailleurs, Hermance a la chance d’être bien desservie avec deux bus, dont l’un bénéficie d’une fréquence de toutes les sept minutes le matin.

– La gestion d’une commune de la taille d’Hermance passe obligatoirement par la collaboration avec d’autres communes. Quelle est la situation pour Hermance?
– Le canton de Genève compte 45 communes, ce qui est trop, à mon avis. Je pense que l’avenir passe par des fusions comme cela peut être le cas en Valais. Cela étant, je suis consciente que d’un point de vue affectif et émotionnel, une fusion est toujours difficile à faire accepter. A Hermance, nous faisons beaucoup d’intercommunalité, on y est obligé. Par exemple, pour la police municipale, nous sommes huit communes et pour la crèche quatre. Nous avons aussi créé depuis le 1er juin 2022 le Service social littoral. Les communes de Corsier, Hermance et Anières travaillent désormais avec celle de Collonge-Bellerive, qui était déjà dotée d’un tel Service. Nous pouvons donc offrir maintenant à la population une palette de prestations personnalisées pour les enfants, les familles, les aînés, mais aussi pour les personnes en difficulté ou isolées, ce que nous n’aurions pas pu effectuer sans nous regrouper.

– Hermance possède aussi une plage publique. Comment est-elle gérée?
– Notre plage est payante pour les non-résidents de la commune, du 15 mai au 15 septembre: 1 franc pour les enfants jusqu’à 16 ans et 4 francs pour les adultes. L’année dernière, le Conseil d’Etat genevois s’est lancé dans une modification d’une loi afin de permettre l’accès à toutes et tous, et donc d’interdire les plages communales réservées aux seuls habitants ou payantes. Nous avons négocié avec l’Etat: les plages devraient pouvoir rester payantes, mais nous ne pourrons plus faire profiter nos habitants de la gratuité. Une situation qui ne rencontre pas mon adhésion; nous trouverons une manière d’y remédier, j’en suis certaine.

– Quelle est votre politique en faveur de l’environnement?
– Nous travaillons avec SIG à l’élaboration d’un plan lumière sur l’ensemble de la commune. Nous sommes déjà passés au led et nous réfléchissons à un système de détecteurs de présence pour allumer la lumière. Le village étant protégé, nous ne pouvons pas installer de panneaux solaires et très difficilement des pompes à chaleur: nous n’avons donc pas beaucoup de solutions pour arrêter les énergies fossiles. En revanche, nous avons le projet de continuer à installer des écopoints pour les déchets, afin de supprimer à terme le porte-à-porte pour la collecte des ordures ménagères. Nous avons aussi supprimé la vaisselle jetable lors des manifestations. Pour l’instant, nous avons un partenariat avec un prestataire de vaisselle réutilisable et nous réfléchissons actuellement à la possibilité pour la commune d’acheter de la vaisselle en faïence, ce qui nous paraît encore plus intelligent au niveau environnemental et que nous pourrions louer à un prix très raisonnable aux organisateurs d’événements. 

– A ce sujet, quelle est l’offre culturelle dans la commune?
– Nous avons la Fondation Auer Ory pour la photographie, la Fondation Brocher qui propose plusieurs conférences chaque année, mais aussi beaucoup de manifestations organisées par la commune, telles que des apéros-concerts, du cinéma, etc. et d’autres par les sociétés villageoises telle la Vogue d’Hermance le 17 juin, gérée par le Club de rugby, de foot et de tennis; le 9 juillet verra la traditionnelle Fête du sauvetage, avec son concours de rame. Nous fêterons aussi les 120 ans de notre fanfare en juin, les 40 ans du Club nautique et les 50 ans du Groupe théâtral, avec la présence des «Dicodeurs» cet automne.

 

Propos recueillis
par Virginia Aubert

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