Après de longues heures d’angoisse, le forcené fut arrêté.

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Lieux de crime

Le forcené de Notre-Dame

29 Juin 2022 | Articles de Une

En pleine crise familiale et professionnelle, un forcené s’était retranché dans la sacristie de la Basilique Notre-Dame de Genève et avait blessé deux hommes par balle. Le chef de la police Laurent Walpen était intervenu au premier rang pour déloger l’individu.

Aux Etats-Unis ou ailleurs, la presse se fait – hélas! – régulièrement l’écho de prises d’otages, de forcenés retranchés dans une école, une église. Et, malheureusement, ce genre d’affaire se termine souvent dans un bain de sang. Peu de gens s’en souviennent, mais Genève a aussi connu son «forcené», à l’église Notre-Dame, à côté de la gare Cornavin. C’était il y a plus de vingt ans. Le 14 décembre 1996, juste après l’office de la fin de journée, l’abbé de la basilique s’apprête à partir lorsqu’un homme d’une cinquantaine d’années l’approche, lui demande s’il peut se confesser. L’ecclésiastique donne son aval, mais auparavant, le quinquagénaire souhaite téléphoner. A l’époque, les portables ne sont pas monnaie courante… Depuis la sacristie, l’homme lance alors plusieurs coups de fil; le ton monte avec ses interlocuteurs. Vers 19h30, l’abbé l’informe qu’il doit bientôt fermer l’église; il pénètre dans la sacristie. C’est le choc. L’individu tient dans sa main un Astra 9mm pointé sur le sacristain. Plusieurs coups sont tirés: deux balles atteignent les genoux du sacristain. Le prêtre est blessé à la jambe droite. Dans l’église se trouvent trois femmes, dont une religieuse qui réussit à donner l’alerte.
Rapidement, les services de secours se rendent sur les lieux. Les blessés sont évacués. Il n’y a plus personne dans l’église Notre-Dame à l’exception du forcené, retranché dans la sacristie. En cette froide nuit de décembre, les gyrophares éclairent en partie un périmètre sécurisé sur un rayon de 300 mètres. Les bus sont stoppés. La tension est palpable. Plusieurs tireurs d’élite sont en embuscade, les hommes de la Brigade d’intervention sont prêts et des spécialistes du déminage appelés en renfort, car l’individu retranché dans l’édifice religieux a prétendu être en possession d’une valise d’explosifs.

«Poursuivi par des tueurs»

L’état-major de la police, lui, a pris ses quartiers à l’Hôtel Cornavin. C’est le début de longues heures d’attente. Alors qu’aujourd’hui, la négociation serait menée par un professionnel, à l’époque, c’est le chef de la police en personne qui intervient au premier rang. Les renseignements qui sont remontés ont permis d’identifier le forcené: un Suisse de 52 ans, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats bâlois, en pleine crise familiale et professionnelle. «Il était avocat, officier de l’armée et rotarien. Presque comme moi. L’homme croyait être poursuivi par des tueurs», nous expliquera Laurent Walpen à l’occasion de son départ de la police, en évoquant cette affaire qui l’a marqué.

Ami commun

Laurent Walpen est entré en contact téléphonique avec le forcené. Les deux hommes se sont trouvé un ami commun. De fil en aiguille, le policier réussit à établir la confiance. Vers une heure du matin, une échelle est installée sur le côté latéral de la basilique Notre-Dame. En manteau bleu marine, le chef de la police grimpe les échelons. Il parvient à ouvrir la fenêtre de la sacristie. «Lorsque je me suis retrouvé en haut de l’échelle, gilet pare-balles et manteau sur le dos, je l’ai vu. Et là, je lui ai dit: «Bonjour confrère, ravi de vous rencontrer. Il a été surpris», racontera-t-il.
Il est alors 1h40 du matin en cette glaciale nuit de décembre. Le forcené de Notre-Dame est emmené par la police. Il aura tenu Genève en haleine plus de six heures.

 

Valérie Duby