De gauche à droite: Frank Pilger, directeur-adjoint de la SCHG; Jean-Charles Dumonthay, secrétaire général de la SCHG; Marc Müller, fondateur Impact Living; Raphaël Bach, architecte EPFL SIA; Pierre Olivier, ancien chef de secteur Développement durable de la Ville d’Onex; Benoist Guillard, Municipal en charge de l’énergie de la Ville d’Yverdon-les-Bains et Danielle Nardone, présidente de la Coopérative Le Chêne.

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Sixième journée de l’ARMOUP

Le facteur humain au cœur de la transition énergétique

29 Mai 2024 | Articles de Une

Pour sa sixième Journée des collectivités pour le logement d’utilité publique, le 23 mai à la Tour-de-Peilz / VD, l’Association Romande des Maîtres d’Ouvrage d’Utilité Publique (ARMOUP) abordait le thème du moment: la rénovation énergétique. Sous le titre «Rénovation du bâti, cœur de la transition énergétique», six orateurs venus de l’administration, la recherche et la pratique et une table ronde de partage d’expérience ont attiré quelque 130 personnes de toute la Suisse romande et du canton de Berne.

Il y a en Suisse quelque 150 000 professionnels actifs dans la transition énergétique, explique Luc Trottier, du bureau d’architectes Lutz Associés à Fribourg. En regard, le pays rénove 1% de son parc bâti par an. Atteindre en 2050 le zéro net d’émission de CO2, comme le veut le Conseil fédéral, imposerait de rénover 3% du parc par an, soit trois fois plus. Comment y parvenir sans tripler les professionnels? En rénovant trois fois mieux, répond Luc Trottier, qui invite à viser systématiquement la norme
Minergie P.
Penser uniquement en termes de normes et de rendement énergétique est cependant trop restrictif. Pour qu’un projet de rénovation réussisse dans sa dimension technique, il faut prendre en compte l’usage du lieu, donc ses occupants, explique Jean-Charles Dumonthay, secrétaire général de la Société coopérative d’habitation de Genève (SCHG). Il en va de l’acceptation par les habitants de travaux qui peuvent entraîner des nuisances, mais aussi plus largement de la définition de paramètres concrets.
Une remarque illustrée par Marc Müller, fondateur du bureau d’études Impact Living, à propos d’un immeuble rénové à Nyon: le dimensionnement de la pompe à chaleur qui remplaçait la chaudière à mazout était conforme aux normes. A l’usage pourtant, la pompe s’est révélée trop puissante, car les habitants se sont montrés exemplaires dans leur gestion des locaux.

Inclure les usagers

L’usager est un paramètre important, approuve Pierre Olivier, consultant en énergie. Et de citer une étude genevoise qui indique que 85% des projets qui recourent à une assistance à la maîtrise d’ouvrage énergétique et une assistance à la maîtrise d’usage (AMU) atteignent ou dépassent leurs objectifs énergétiques. Récent, le concept d’AMU est utilisé depuis une dizaine d’années pour décrire la prise en compte de l’utilisateur final d’un bâtiment, ses besoins, ses attentes, ses habitudes, dans la définition et la planification d’un projet affectant un bâtiment ou un quartier.
A écouter les intervenants, le facteur humain est central à chaque étape d’un projet, à commencer par le choix des mandataires. Un participant narrait par exemple à l’heure du déjeuner sa mésaventure avec plusieurs installateurs de panneaux solaires dont les calculs standards ignoraient les spécificités de son bâtiment.

Un concept multiface

Une fois les études achevées, la conduite du projet est essentielle. Une institution qui possède un parc d’immeubles doit avoir une structure décisionnelle interne, souligne Marc Müller, et de donner les chiffres suivants: pour chaque tranche d’un million de francs de travaux, comptez 150 000 francs de prestations de services, notamment pour l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, et 50 000 francs de salaires aux professionnels, directeur, secrétaire général qui prennent les décisions.
La politique énergétique actuelle vise à relocaliser en Suisse les sources de production, grâce notamment à la transformation du parc bâti de consommateur en producteur d’énergie. Mais peut-on parler d’énergie verte si l’on ignore l’énergie grise? Les pays de l’Union européenne vont devoir se fixer des budgets carbone dès 2026, indique Tomas Jusselme, professeur associé à l’HEIA de Fribourg. Cela signifie que chaque secteur d’activité aura un capital à respecter. Les biomatériaux locaux, paille, bois, terre crue, ont beaucoup été cités durant cette journée, dont le mérite premier est sans doute d’avoir souligné à quel point la rénovation énergétique était un concept multiface.

 

Cesare Accardi