Les terres appropriées à l’agriculture doivent rester en mains des paysans.

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La Chambre des notaires de Genève - Frédéric Ducret, notaire à Genève

Le droit de préemption au regard de la Loi fédérale sur le droit foncier rural

12 Juin 2024 | Articles de Une

La Loi fédérale sur le droit foncier rural (ci-après LDFR) est une loi entrée en vigueur en 1991 afin, notamment, d’assurer que les terres appropriées à l’agriculture restent en mains de personnes ayant la capacité de les exploiter et assurer ainsi leur caractère agricole, mais également d’éviter leur acquisition à des prix surfaits.

Pour ce faire, ladite loi, ainsi que ses règlements d’application, fixent notamment des règles s’agissant de l’acquisition, du partage, du morcellement ainsi que de l’endettement des terrains ou des entreprises agricoles.
L’objet de cet article concerne l’une des spécificités de cette loi, à savoir, le droit de préemption en faveur de certaines personnes et dans un ordre déterminé. Pour rappel, le droit de préemption est la faculté de pouvoir acquérir en priorité sur un tiers un bien immobilier.
La LDFR prévoit un droit de préemption qui peut être invoqué dans plusieurs situations, à savoir notamment la vente, la donation et l’aliénation à un autre parent ou conjoint de biens immobiliers soumis à cette loi. De plus, les règles ne sont pas les mêmes selon que l’opération immobilière concerne une entreprise agricole ou un immeuble agricole.
Quelles sont donc les personnes disposant d’un droit de préemption désignées par la LDFR selon la vente d’une entreprise agricole ou d’un immeuble agricole?
Lors de la vente d’une entreprise agricole, le droit de préemption est d’abord ouvert aux descendants de l’aliénateur et ensuite à chacun de ses frères et sœurs et à leurs enfants, pour autant que l’aliénateur ait acquis l’entreprise agricole en totalité ou en majeure partie de ses père et mère ou dans leur succession depuis moins de 25 ans. Les bénéficiaires précités sont encore soumis à deux exigences, à savoir démontrer qu’ils vont exploiter eux-mêmes l’entreprise et qu’ils en paraissent capables.
En cas de vente d’un immeuble agricole, chacun des descendants de l’aliénateur peut faire valoir un droit de préemption sur l’immeuble, à l’exclusion de ses frères et sœurs et neveux. Le descendant, qui souhaite exercer son droit de préemption, doit également être propriétaire d’une entreprise agricole ou disposer économiquement d’une telle entreprise et l’immeuble en question doit se situer dans le rayon d’exploitation de cette entreprise, usuel dans la localité.

Choix possible

En cas d’exercice du droit de préemption par plusieurs bénéficiaires précités de même rang, l’aliénateur a la faculté de pouvoir choisir celui d’entre eux qui pourra reprendre le contrat de vente.
La loi prévoit également le droit de préemption du fermier, afin de favoriser l’exploitant plutôt qu’un tiers. De même que pour le droit de préemption des descendants et des parents, la loi fait la distinction entre la vente (a) d’une entreprise agricole et celle (b) d’un immeuble agricole.
Dans le premier cas, le fermier doit établir qu’il entend exploiter lui-même l’entreprise et en paraît capable et que son bail à ferme date de plus neuf ans.
Dans le second cas, le bail à ferme doit dater de plus de six ans, le fermier doit être propriétaire d’une entreprise agricole ou disposer économiquement d’une telle entreprise et l’immeuble en question est situé dans le rayon d’exploitation de cette entreprise, usuel dans la localité.
Si deux bénéficiaires d’un droit de préemption, à savoir un descendant et un fermier, par exemple, souhaitent l’exercer à l’occasion d’une vente d’une entreprise agricole ou d’un immeuble agricole, la loi donne la priorité au descendant.
Dans son obligation d’information, le notaire doit pouvoir indiquer à l’aliénateur ainsi qu’au tiers-acquéreur qu’un droit de préemption pourra être exercé par un descendant ou un parent de l’aliénateur, mais de manière plus fréquente par le fermier exploitant. L’analyse de la transaction par le notaire est donc très importante.

Frédéric Ducret.