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Après le boom du télétravail

Le bureau suivra-t-il l’évolution du magasin?

11 Mai 2022 | Articles de Une

Frappés par le contexte sanitaire, ces derniers mois ont vu émerger un nouveau concept dans le secteur de l’immobilier tertiaire: le e-office. A l’instar du e-commerce dans le secteur de détail, il traduit une nouvelle conception des bureaux et de leurs espaces, avec une priorité donnée à «l’expérience» pour le collaborateur comme pour le consommateur.

Nos vies ont été bouleversées par la crise sanitaire. Une de ses conséquences est naturellement l’essor du e-commerce. Les achats en ligne se sont multipliés pour répondre à nos besoins immédiats, stimulant le secteur de la logistique et nécessitant du commerce physique qu’il se réinvente pour survivre. Les magasins sont plus petits et deviennent parfois des flagships, un lieu où l’on peut voir et apprécier les produits avant de les commander dans la e-boutique. Les centres commerciaux s’adaptent et suivent cette tendance: les surfaces devenues libres sont transformées en espaces communs qui s’animent pour offrir aux consommateurs une expérience de visite unique.
Une trajectoire qui n’est pas sans rappeler celle du tertiaire. Avec la généralisation du télétravail, les open-spaces sont délaissés. Les salariés travaillent de chez eux, pour les plus chanceux dans une pièce dédiée, dans un coin du lieu de vie aménagé temporairement pour les autres.

Evolution claire
ou faux-semblant?

C’est ainsi que le e-office semble s’être imposé. Dématérialisés, délocalisés, les espaces de bureaux se vident, les actifs cherchant des lieux de vie excentrés, mais plus grands afin d’accueillir cette pièce en plus qui deviendra leur nouveau bureau. Et à l’instar du e-commerce qui a renforcé le secteur de la logistique avec la multiplication de plates-formes, le e-office touche le résidentiel, dont le marché a explosé depuis le début de la crise sanitaire.
Alors, quid des bureaux? Après toutes ces années de règne incontesté, sont-ils morts? Pas vraiment, ne serait-ce parce que nombre de patrons se sont aperçus que le télétravail était nettement moins productif que le travail tout court. Un chef d’entreprise parlait même, dans un récent débat, de «téléfarniente». Tout comme les commerces physiques, les immeubles tertiaires se réinventent néanmoins et proposent une nouvelle expérience; les surfaces dédiées au travail se réduisent pour laisser plus de place aux espaces de convivialité. Avec la généralisation de nouveaux modes de collaboration, les entreprises déploient des moyens inédits pour que le bureau redevienne une destination. Cet enjeu d’attractivité engendre un basculement entre «utilisation» et «consommation» de cette classe d’actifs. Désormais, la recherche de «l’expérience» prend le dessus. Un environnement où les collaborateurs s’apparentent plus à des consommateurs.

Multicanal

Tout comme le e-commerce, le e-office se doit également d’être multicanal. Le télétravail a été organisé pour rester, et les bureaux doivent pouvoir intégrer davantage d’usages numériques permettant aux collaborateurs à distance de vivre une continuité de «l’expérience» proposée en «présentiel». Autant d’innovations qui replacent l’humain au centre selon certains, qui intensifient encore la numérisation de la vie quotidienne selon d’autres. Langage corporel, contact direct manquent pour créer de vrais échanges si certains ne sont présents que par vidéo.
Au-delà de l’aménagement, la manière dont les bureaux sont occupés devient plus flexible. Les propriétaires sont à la recherche de solutions pour optimiser la rentabilité de leurs mètres carrés vacants. On constate une réelle attente sur le marché.

Les propriétaires sont à la recherche de solutions pour optimiser la rentabilité de leurs mètres carrés vacants.

Le numérique et l’humain

Dans cette nouvelle donne, le property manager joue un rôle d’allié naturel dans la transformation et l’évolution des usages. Les actes de gestion traditionnels (équipements, baux, charges, services…) ne sont plus la finalité de sa mission, mais constituent des moyens indispensables pour imaginer une offre d’usage adaptée à chacun. Cette conscience croissante fait de l’humain l’élément central de la gestion des immeubles, car elle ne peut se faire sans une bonne connaissance du bien géré, ni une réelle proximité avec ses utilisateurs. Pour développer la valeur ajoutée de l’actif, il faut de nouvelles connaissances des comportements et des besoins, notamment par l’analyse des données numériques produites par le bâtiment lui-même. L’innovation technologique nourrit ainsi l’innovation opérationnelle, au service de l’utilisateur. Il importe aussi d’écouter celui-ci, l’être humain ne se réduisant pas à des algorithmes ni à des tableaux numériques, fussent-ils dynamiques ou croisés.
A l’époque, les acteurs du e-commerce avaient mobilisé des experts en marketing pour opérer un virage nécessaire; le e-office, lui, doit s’appuyer sur des acteurs de terrain, au plus près de l’expérience qu’ils souhaitent proposer. Dans ce changement de paradigme, les property managers sont un élément clef pour aider les investisseurs et les propriétaires à proposer des lieux qui correspondent aux attentes des utilisateurs, toujours en quête de services.

 

Vincent Naville