Manufacture Audemars Piguet, en construction à Meyrin-Satigny/GE.

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Architecture

Le bureau genevois FdMP, dix ans d’architecture éclairée

10 Juil 2024 | Articles de Une

On lui doit, entre autres, les Manufactures Patek Philippe et Audemars Piguet, des logements, un immeuble carougeois fou de nature, le renouveau en cours de l’emblématique cinéma Plaza. Une brillante trajectoire et, pour les fondateurs, l’impression puissante d’expérimenter le plaisir rare d’une architecture qui appartienne à une culture, à un lieu, à l’humain.

A Plan-les-Ouates/GE, le volume épuré trouve sa force dans les jeux d’échelle déclinés en façade qui se nouent au contexte environnant. Les arrondis de coursives sculpturales ont choisi comme référence les cadrans de montre. Il y a aussi cette vibration de la lumière qui parcourt tous les étages. Chaque ligne est précisément tracée, chaque mise en œuvre définie, mais comme rien ne manque et rien n’est superflu, tout s’allège dans l’évidence du rôle et de l’image. Initiée en 2014, la nouvelle Manufacture Patek Philippe a été le premier mandat des trois architectes fondateurs du bureau FdMP, Oscar Frisk, François de Marignac et Christophe Pidoux. Une année décisive.
Cofondateurs en 2000 du bureau Group8, ils ont choisi de voler de leurs propres ailes, avec une équipe plus compacte et la volonté d’un centrage plus local. «Nous avons partagé des moments intenses, le vrai enthousiasme du développement de Group8 devenu un bureau avec des antennes en Asie. Nous avons ressenti le besoin d’un retour aux sources». Réduite à quinze collaborateurs, l’équipe privilégie dès lors des processus de travail intimes, autour de valeurs qui lui sont chères.

La relation au-delà du style

Les fondateurs se revendiquent architectes de situation. Au-delà du clonage, de productions à la chaîne ou de l’œuvre égocentrique, la posture du projet chez FdMP est relationnelle. L’acte de construire renvoie à l’appartenance à un ensemble de conditions socio-culturelles, à un lieu, à l’histoire, la mémoire, à la texture poétique d’une ville ou d’un paysage. Une philosophie qui se défie de la notion de style. Pas de marque de fabrique, les architectes n’en cherchent pas, mais l’engagement dans une démarche contextuelle, fondement d’une aptitude à insuffler une identité singulière à chaque projet. L’attitude du bureau, qui compte une centaine de projets à son actif, est restée fidèle à elle-même, à l’écho de ses réalisations chez Group8, comme l’Humanitarium, présence furtive et délicate à côté du siège du CICR, la rénovation du Centre William Rappard de l’OMC ou encore le Centre des Congrès Palexpo. «Nous faisons une architecture contemporaine qui marque le présent, avec la capacité de traverser les époques», explique François de Marignac.

A Pinchat/GE, Oval Housing enchâssé dans la nature.
Aujourd’hui, FdMP compte soixante collaborateurs.

2024, année charnière

Organisée pour les dix ans de FdMP, l’exposition de maquettes – destinée à voyager – reflète toute la variété des programmes explorés et la richesse des formes recherchées. Avec son aptitude à transformer n’importe quel programme et n’importe quelle situation en une expérience de maîtrise, d’émotion et d’intelligence, FdMP a conçu le siège Raiffeisen ouvert récemment à Lancy Pont-Rouge/GE, avec son mur intérieur en terre crue, prouesse technico-artisanale et esthétique. Au nombre des trente-cinq projets en cours de réalisations, un immeuble résidentiel à Eysins/ VD qui réinterprète les codes ruraux, des bâtiments pour séniors à Crans/VD, en synergie avec le quartier, réalisés avec des matériaux naturels, ou encore, à Prilly/VD, la loge d’entrée très organique du campus Unlimitrust de SICPA, leader du marché des encres de sécurité.
A Genève, la rénovation de Mont-Blanc Centre (Marc-J. Saugey, 1952) – étroitement lié aux innovations constructives du XXe siècle – sera terminée cet automne, tandis que le chantier de son emblématique salle de cinéma Le Plaza, ralenti par l’incendie d’août dernier, est en phase de réaccélération. A Meyrin-Satigny, exercice abouti entre préservation du caractère industriel des années 1960 et exigences de production contemporaines, le nouvel écrin pour le développement d’Audemars Piguet devrait être achevé l’an prochain.
A contrario, la force de la petite échelle fait foi dans le nid implanté en zone résidentielle veyrite. Fondue dans la nature très arborisée, la forme ovale du petit immeuble de deux étages de Pinchat/GE est dictée par la clairière qui l’entoure. Un ouvrage tout de discrétion, organicité et présence, qui sera livré cet été. Quant au projet de reconversion d’un immeuble de bureaux en logement, au Bouchet, toutes les études ont été menées en dialogue avec Swiss Prime Site, investisseur immobilier engagé dans la durabilité et l’économie circulaire par le réemploi des matériaux de construction.
Aujourd’hui, FdMP compte soixante collaborateurs. Le développement a conduit à l’arrivée de deux jeunes talents en tant qu’associés, Jill Duchosal-Pichon et Maxime Lécuyer. En 2022, le bureau a créé une structure dédiée à la direction des travaux, FdMP Réalisation. «Nous sommes dans une nouvelle phase, indiquent les fondateurs. Mais notre ancrage
local et nos processus de travail ne changeront pas».

 

Viviane Scaramiglia