Des apprentis et étudiants des métiers du bois rassemblés avec leurs enseignants et Claude Haegi (premier plan), autour du «Tram du bois».

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construction - Lignum-Genève

Le bois dans la construction: Genève amorce-t-elle un tournant?

4 Sep 2024 | Articles de Une

Les qualités du bois dans la construction et les aménagements intérieurs sont démontrées: c’est un matériau écologique et renouvelable qui s’inscrit dans les enjeux climatiques d’aujourd’hui. Il peut remplacer avantageusement les matériaux conventionnels de construction – comme le béton et l’acier – moins favorables à l’environnement. Cependant, la Suisse occidentale, et Genève en particulier, ne sont pas en avance dans ce domaine. Mais cela pourrait bien changer! Au moment de passer le témoin à Roger Beer, le président de Lignum-Genève (filière du bois et des forêts) Claude Haegi revient sur plus de vingt ans d’engagement, tout en se montrant confiant dans l’avenir.

Lignum-Genève est la branche cantonale de Lignum Suisse qui regroupe les divers acteurs de la filière bois, de la forêt jusqu’à ses différents usages. «Il y a 35 ans, l’initiative de créer Lignum-Genève est venue de l’Etat, par le biais d’Eric Matthey, ingénieur forestier, et du Conseiller d’Etat Pierre Wellhauser, mon prédécesseur», relate Claude Haegi. Dès lors, les associations professionnelles furent contactées pour devenir membres fondateurs de Lignum-Genève. A la fin des années 1990, alors Conseiller d’Etat (parti libéral) et fortement impliqué dans les problématiques liées au développement durable – notamment par le biais de la Fondation Fedre pour le développement durable des régions -, Claude Haegi est approché pour reprendre la présidence de Lignum-Genève. A l’époque, les constructions bâties en bois se font rares à Genève: des maisons individuelles, des surélévations, ici et là. «Ça ronronnait quelque peu», se souvient-il.

Le choc déclencheur

En 1998, Claude Haegi est invité à participer, avec Thomas Büchi (Charpente Concept), au Forum international Woodrise de Bordeaux, une rencontre portant sur les constructions de moyenne et grande hauteur en bois dans le monde. Prendre connaissance de ces merveilles architecturales réalisées en bois fut un véritable déclic: Lignum-Genève change alors de braquet et booste complètement son action. «Il fallait le faire, nous l’avons fait», se souvient Claude Haegi. En 1999, Lignum-Genève se charge d’organiser la prochaine édition Woodrise; pendant quatre jours consécutifs, le Pavillon Sicli accueille des professionnels, des responsables politiques ainsi que le grand public dans un espace entièrement réaménagé en bois pour l’occasion. Afin d’éviter que le soufflé ne retombe, des soutiens financiers exceptionnels sont débloqués, aussi bien pour la tenue de l’événement que pour son suivi. «Il s’agissait de provoquer une prise de conscience en faveur du bois et de la formation auprès des acteurs genevois, c’est-à-dire de provoquer un choc déclencheur», résume Claude Haegi.

Un tram habillé aux couleurs du bois

L’action de sensibilisation spectaculaire qui a suivi fut le «Tram du bois». Son but: promouvoir les formations, depuis les métiers de la forêt jusqu’à ceux traitant les divers usages du bois (bûcherons, menuisiers, charpentiers, ébénistes, techniciens et ingénieurs). Ce tram a circulé pendant un an et demi (2022-2023) sur toutes les lignes du canton, tandis que des spots passaient régulièrement dans l’ensemble des véhicules du réseau. «En parallèle, nous avons poursuivi nos démarches auprès du Conseil d’Etat, en vue d’une politique environnementale mieux axée sur les constructions en bois, performantes énergétiquement et apportant un réel confort de vie», commente le président de Lignum-Genève. Le succès n’a toutefois pas été au rendez-vous à Genève, comparativement à Zurich où les projets sont nombreux et audacieux, et à Vaud, qui a emboîté le pas.

Le Forum Woodrise s’est tenu au pavillon Sicli en 1999.

Encourager la formation

Pourquoi Genève est-elle à la traîne? Les ingénieurs et architectes maîtrisant les techniques du bois sont peu nombreux. Pour obtenir un plus large usage du bois, la relève doit être assurée et le nombre de professionnels de la filière augmenté. Dans ce contexte, le Centre de Formation Professionnelle Construction (CFPC) joue un rôle déterminant en faveur des métiers du bois. Quelque 170 jeunes poursuivent à Genève leur apprentissage d’ébénistes, de menuisiers et de charpentiers, en formation duale (entreprise/école) ou au Centre.
En deux ans supplémentaires (Ecole Supérieure), ils deviennent techniciens des métiers du bois. «Je salue Marc Lehmann, doyen de la filière bois au CFPC, avec qui j’ai eu la chance de collaborer étroitement. Il a fait en sorte que les apprentis s’approprient leur programme d’études. Ce sont nos meilleurs ambassadeurs», s’enthousiasme Claude Haegi, qui remercie également Gilles Miserez, directeur général de l’Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (OFPC), autre précieux partenaire.
Au niveau des études supérieures, la Haute Ecole du paysage, de l’ingénierie et de l’architecture (Hepia) est active, par le biais de sa section Génie civil qui traite le bois, le métal et le béton. Mais la tendance actuelle nécessiterait d’accorder une place plus importante au bois dans cette filière. L’association Lignum attend «une étincelle» au sein de cet établissement de formation!

Et la suite?

Il est certain que l’Etat a joué un rôle déterminant pour Lignum-Genève et plus largement pour la promotion du bois. Il s’agit désormais de passer à l’action et de réaliser des constructions en bois. Si Claude Haegi a longtemps «dérangé», notamment avec ses prises de paroles lors des présentations du PAV, au moment de passer le témoin, il est un homme heureux. Plusieurs grands projets en bois vont sortir de terre par le biais de l’Etat pour une valeur d’environ un milliard. Ce mois s’ouvre le chantier du plus important projet pilote actuel de l’Etat, le nouveau bâtiment de la HES Santé à Champel, dans lequel le bois est omniprésent (nous présenterons ce sujet dans la prochaine édition du Journal de l’Immobilier). Cet engagement de l’Etat, représenté par Patrick Fouvy (directeur du Service cantonal du paysage et des forêts), s’est confirmé par un contrat de prestation conjointement signé par Roger Beer et Claude Haegi. En outre, des contacts prometteurs avec la CPEG, plus importante caisse de pension et plus gros propriétaire en mètres carrés de Genève, ont été établis, donnant une réelle impulsion à d’autres investisseurs.
Alors qu’attendre de plus? La suite, c’est le PAV, insiste le président sortant de Lignum-Genève. Aucun projet en bois n’est encore présenté dans ce périmètre. Mais le mouvement est engagé et le bois devient incontournable. «Il faut être irresponsable et incohérent si on ne va pas dans ce sens. On ne peut pas avoir de grands discours sur le développement durable et en faire si peu!», dit-il en évoquant le Plan Climat cantonal 2030 – deuxième génération. Pour Lignum-Genève, c’est une nouvelle étape qui débute aujourd’hui: il s’agit de consolider les acquis et d’entreprendre de nouveaux contacts avec les communes, les caisses de pension et promoteurs. Sans oublier la formation en maintenant les liens de proximité créés avec les apprentis et en renforçant ceux avec la direction de l’Hepia.

 

Véronique Stein

GROS PLAN

Pourquoi utiliser du bois suisse et de la région transfrontalière dans la construction?

 

Les raisons de construire en bois indigène sont multiples: ce matériau permet de limiter le recours au béton et l’exploitation de gravières; il offre une solution écologique grâce à sa capacité de stockage d’en moyenne une tonne de CO2 par m3. Par ailleurs, le bois étant une ressource renouvelable de proximité, son utilisation dans la construction locale contribue à en réduire sensiblement les exportations et les importations. Enfin, de l’exploitation des forêts au sciage et à la transformation du bois, le choix de ce matériau noble dans la construction favorise la réappropriation et le développement de savoir-faire, tout en valorisant l’économie locale.
Il est désormais reconnu que remplacer du béton et de l’acier dans les constructions par du hêtre, de l’épicéa ou du sapin est tout à fait faisable. Selon les particularités des projets, une mixité des matériaux avec du bois, de l’acier et du béton est une bonne solution. Avec notamment des façades en ossature bois, on apporte un confort thermique et acoustique optimal. De plus, ces façades limitent les dépenses énergétiques et offrent des qualités naturelles appréciées par les habitants-usagers.

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