Le bailleur doit notifier formellement au locataire l’avis de fixation
du loyer lors de la conclusion d’un nouveau contrat de bail.

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LA CHRONIQUE JURIDIQUE de Me Patrick Blaser - Conclusion d’un nouveau bail

L’avis de fixation du loyer est obligatoire

21 Mai 2025 | Articles de Une

Dans un récent arrêt de principe du 19 mars 2025 (ATF 4A_239/2024), le Tribunal fédéral rappelle le caractère impératif de la règle qui impose au bailleur de notifier formellement au locataire l’avis de fixation du loyer lors de la conclusion d’un nouveau contrat de bail. Dans ce même arrêt, le Tribunal fédéral rappelle également les conséquences drastiques que la violation de cette règle peut entraîner, à savoir: la nullité du loyer prévu dans le bail, la fixation d’un nouveau loyer et le remboursement au locataire des loyers payés en trop.

Le contexte de fait à l’appui de cet arrêt est, en résumé, le suivant. Un locataire, au bénéfice d’une curatelle de représentation et de gestion, a conclu un bail pour un studio meublé. Ce contrat de bail a été cosigné par le locataire et par son curateur. Toutefois, le locataire n’a pas signé l’avis de fixation du loyer (formule verte) au moment de la conclusion du bail.
Pour cette raison, dans le cadre d’un litige judiciaire opposant le locataire à son bailleur lié à des défauts de la chose louée, le Conseil du locataire a, en particulier, conclu à ce que le loyer indiqué dans le contrat de bail soit annulé, que ce loyer soit revu à la baisse et que le montant des loyers perçus en trop soit remboursé au locataire.
Au vu des circonstances du cas d’espèce, les juridictions cantonales, puis le Tribunal fédéral dans son arrêt du 19 mars 2025, ont donné gain de cause au locataire. Et cela pour les raisons suivantes.

L’avis de fixation du nouveau loyer

Dans son arrêt, le Tribunal fédéral rappelle d’abord que lors de la conclusion d’un nouveau contrat de bail, le bailleur doit impérativement notifier au nouveau locataire la formule officielle «Avis de fixation du loyer lors de la conclusion d’un nouveau bail» (ci-après «la formule officielle»). 
Le bailleur doit notifier cette formule officielle au locataire au moment de la conclusion du bail ou, au plus tard, le jour de la remise de la chose louée.
L’objectif de cette formule officielle est d’informer expressément le locataire qu’il peut contester le loyer initial lorsqu’il estime que ce dernier serait abusif. Et cela en saisissant le Commission de conciliation en matière de baux et loyers dans un délai de 30 jours à dater de la réception de la chose louée. Pour permettre au locataire de se faire une opinion sur le caractère abusif, ou non, de son loyer, la formule officielle doit impérativement comporter les mentions suivantes:
• le montant de l’ancien loyer annuel et la date de son entrée en vigueur;
• le montant du nouveau loyer annuel et sa durée;
• les éventuelles clauses d’échelonnement ou d’indexation;
• le montant des frais accessoires;
• les motifs précis qui expliquent l’augmentation du nouveau loyer par rapport au dernier loyer.
L’objectif de ces exigences légales est d’empêcher toute pratique de hausse abusive de loyer lors d’un changement de locataire. Corollaire juridique de cet objectif: lorsque le bailleur ne notifie pas à son locataire l’augmentation du nouveau loyer au moyen de la formule officielle, le bail reste valable, mais la majoration du loyer est nulle.

Le bailleur doit prouver qu’il a notifié l’avis au locataire

Lorsque le locataire conteste que la formule officielle lui ait été remise, contrairement à ce que soutient le bailleur, il appartient au bailleur de prouver qu’il a dûment notifié cette formule officielle au locataire. Si le bailleur n’est pas en mesure d’apporter cette preuve, le locataire peut, dans le cadre d’une procédure judiciaire, invoquer la nullité du loyer fixé dans le contrat de bail. Dans le cas d’espèce jugé par le Tribunal fédéral, les tribunaux ont estimé que le bailleur n’avait pas rapporté cette preuve.
En premier lieu, force était effectivement de constater que la formule officielle ne comportait ni la signature du locataire, ni même celle du curateur qui lui avait été désigné. Par ailleurs, le fait, dans le cas d’espèce, que le représentant du bailleur n’ait pas été entendu comme témoin par les tribunaux, mais qu’il ait uniquement indiqué par écrit qu’il avait bien remis au locataire la formule officielle lors de l’état des lieux d’entrée, que ce dernier avait toutefois refusé de signer, n’a pas été retenu comme preuve suffisante par les tribunaux.
En effet, le seul témoignage écrit de ce représentant du bailleur ne constitue pas un moyen de preuve prévu par la loi. Ce d’autant plus qu’en l’occurrence, le bailleur n’avait même pas demandé à ce que son représentant soit formellement entendu comme témoin pour, cas échéant, confirmer son témoignage écrit.

Abus de droit du locataire?

A titre subsidiaire, le bailleur a souligné, que le fait pour le locataire d’invoquer la nullité de l’augmentation de loyer plusieurs années après avoir conclu le bail, était constitutif d’un abus de droit. Ce d’autant plus, dans le cas d’espèce que le locataire bénéficiait des services de curateurs professionnels qui l’avaient assisté lors de la conclusion du bail et ne pouvaient pas ignorer l’exigence légale d’une formule officielle lors de la conclusion de tout nouveau contrat de bail.
Cet argument n’a toutefois pas rencontré d’écho favorable auprès des tribunaux. Ces derniers ont en effet retenu que les curateurs en question n’avaient aucune formation juridique particulière. Par ailleurs, la procédure n’avait pas permis d’établir que les curateurs en question connaissaient l’exigence juridique de la notification de la formule officielle lors de la conclusion d’un nouveau contrat de bail.
De surcroît, dans le cas en question, le locataire, sous curatelle de représentation et de gestion, avait conservé l’exercice de ses droits civils. Le locataire pouvait par conséquent signer lui-même le contrat de bail et la formule officielle d’augmentation de loyer. Ce qu’il n’a pas fait, s’agissant de la formule officielle.
Dans ces circonstances, le fait que le locataire invoque ce vice de forme ne peut pas, selon les tribunaux, constituer un abus de droit.

Prescription de la demande de remboursement des loyers perçus en trop?

Dans cette affaire, le bailleur a encore invoqué, à titre subsidiaire, que la demande de remboursement des loyers perçus en trop, formulée par le locataire, était prescrite. A ce propos, le Tribunal fédéral a d’abord rappelé dans son arrêt que le locataire pouvait, sur le plan judiciaire, se prévaloir en tout temps du fait que le bailleur ne lui avait pas notifié la formule officielle lors de la conclusion du bail et d’obtenir de ce fait que les tribunaux fixent un nouveau loyer.
S’agissant spécifiquement de la restitution des parts de loyers payés indûment par le locataire, l’action de ce dernier en répétition de l’indû se prescrit, selon le droit actuel, par trois ans (mais par un an dans le cas d’espèce encore soumis à l’ancien droit).
Dans ce cadre, le délai de prescription ne commence toutefois pas à courir à partir du jour de la conclusion du bail, mais seulement à partir du jour où le locataire a eu connaissance de son droit de répétition. Selon le Tribunal fédéral, on peut considérer que le locataire a connaissance de son droit à répétition à partir du moment où il connaît suffisamment d’éléments pour fonder et motiver son action en justice.
Est déterminant le moment où le locataire a une connaissance effective de son droit et non celui où le locataire aurait pu ou dû connaitre ce droit en faisant preuve de l’attention commandée par les circonstances.
Toujours selon le Tribunal fédéral, cette connaissance effective intervient lorsque le locataire apprend que l’absence de la formule officielle liée à son bail entraîne juridiquement la nullité du loyer initial et son droit à se faire rembourser le montant des loyers payés en trop. En fait, l’ignorance du locataire est présumée! Cette présomption n’est renversée que dans la mesure où l’administration des preuves permet d’établir que le locataire connaissait ses droits, notamment parce qu’il avait été confronté antérieurement à cette problématique dans le cadre de précédents contrats de bail.
Cela étant, dans le cas d’espèce, les tribunaux ont estimé que ce n’est qu’en consultant un avocat, pour d’autres raisons liées au bail, que le locataire, et ses curateurs, ont finalement pris connaissance de leurs droits et déposé en justice dans l’année leur demande en nullité du loyer initial et en restitution des loyers perçus en trop.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Tribunal fédéral a par conséquent confirmé, par son arrêt du 19 mars 2025, que c’était bien à juste titre que les juridictions cantonales avaient admis la nullité du loyer initial, fixé un nouveau loyer initial largement réduit et condamné le bailleur à rembourser au locataire les montants des loyers perçus en trop depuis l’entrée en vigueur du contrat de bail.

Nouvel avis de fixation du loyer dès le 1er octobre 2025

Il convient de profiter de cet arrêt rendu par le Tribunal fédéral pour rappeler que la teneur de l’avis officiel de fixation du loyer sera modifié, avec effet au 1er octobre 2025.
En effet le Conseil fédéral, dans l’objectif d’accroître la transparence des baux et loyers, a décidé que l’avis officiel de fixation du loyer devrait, dès le 1er octobre 2025, comprendre deux données supplémentaires qui n’existent pas dans l’avis actuel de fixation du loyer.
Les nouveaux avis de fixation du loyer lors de la conclusion d’un nouveau contrat de bail devront en effet impérativement indiquer:
– les taux hypothécaires de référence;
– la valeur de l’indice suisse des prix à la consommation déterminants pour l’ancien loyer.
A ce jour, la teneur précise du nouvel avis de fixation du loyer n’a toutefois pas encore été publiée.

 

Patrick Blaser
Avocat associé de l’Etude Borel
& Barbey, Genève
Juge assesseur au Tribunal administratif
de première instance
patrick.blaser@borel-barbey.ch

Patrick Blaser.
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