Laurence s’apprête à faire campagne avec ses deux fidèles chevaux.

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Celles qui font la Suisse - Candidate aux élections fédérales d’octobre

Laurence Cretegny: l’agriculture dans le sang

18 Jan 2023 | Articles de Une

Elue l’an dernier au Parlement vaudois avec le meilleur résultat du canton, la députée PLR, présidente du Grand Conseil en 2021, vise désormais le National, en octobre 2023. «Il faut être à Berne, dit-elle, pour avancer dans les dossiers qui me tiennent à cœur: l’agriculture et l’aménagement du territoire». Normal pour cette paysanne de la commune de Bussy-Chardonney, dont elle fut la syndique durant 14 ans.

– Les paysans focalisent souvent l’attention. Les votations s’enchaînent – écornage des vaches, aliments durables, élevage intensif – et l’on attend celle sur la double Initiative paysage et biodiversité, dès que le Conseil fédéral aura ficelé ses contre-projets. Même si la population exprime à chaque fois son attachement à une agriculture forte, comment le monde rural gère-t-il cette pression régulière?
– Nous éprouvons une grande lassitude à devoir constamment nous justifier. Nous sommes injustement perçus comme des empoisonneurs ou des bourreaux d’animaux. Je défends une écologie responsable et pragmatique, pas idéologique. Il est assez facile de faire porter à notre secteur l’entière responsabilité d’une problématique bien plus large et complexe. Chaque durcissement des conditions d’exploitation en Suisse est la porte ouverte à des aliments importés, moins chers. La population se montre de plus en plus exigeante par rapport à la nourriture qu’elle consomme. Or, certains produits étrangers ne peuvent se targuer de provenir d’une agriculture aussi qualitativement surveillée que chez nous.
Nous devons apprendre à mieux communiquer avec les consommateurs, qui ont une entière liberté de choix. Le dialogue ville-campagne s’est resserré durant la pandémie, mais pour une question de praticité pour la population urbaine, les marchés à la ferme ont perdu de leur attrait. Fille de paysan, paysanne professionnelle et dans l’âme, je propose des activités agritouristiques dans notre ferme depuis 1990 et me bats depuis plus de trente ans pour la reconnaissance du travail d’entrepreneur du monde agricole et la qualité de nos produits vaudois et suisses.

– La crise climatique compte parmi les priorités de la droite pour les élections fédérales du 22 octobre prochain. Quels sont les objectifs du milieu paysan?
– L’agriculture participe clairement à l’effort commun de réduction du réchauffement climatique. Depuis très longtemps, la sécheresse a régulièrement sévi en Suisse. Notre secteur a toujours su s’adapter. Il faut lui faire confiance et continuer à l’appuyer. Aujourd’hui, avec les cycles de perturbations climatiques qui s’accélèrent, l’adaptation va de pair avec l’évolution des recherches agronomiques qui permettent la diversification et la sélection de variétés plus résistantes. La culture du tournesol n’a que vingt ans, alors qu’auparavant, il ne faisait pas assez chaud. Maintenant, on pense par exemple au sorgho, notamment pour l’alimentation animale. Nos forêts pourront bénéficier des études et essais sous serre qui sont menés dans le canton de Vaud sur la tolérance climatique des arbres durant les cinquante prochaines années. En matière d’irrigation, notre région a été très proactive, avec des bassins de rétention d’eau. Depuis cinq ans, des fermes pilotes ont adopté des régimes alimentaires différents pour les vaches et des additifs qui permettent de réduire la production de méthane, puissant gaz à effet de serre qui résulte de leur rumen. Les paysans y viennent progressivement.
Le milieu paysan semble être bien représenté au Conseil national, mais on dirait que le Conseil fédéral n’entend que celui qui crie le plus fort. Nous devons vraiment nous faire entendre, quitte à apprendre à crier plus fort!

– L’utilisation des pesticides devrait-elle être plus raisonnée? Comment traiter moins en maintenant une production qui n’abaisse pas davantage le taux net de 49% d’autosuffisance alimentaire en Suisse?
– Un bon tiers du territoire suisse est utilisé à des fins agricoles. Je rappelle que les prestations écologiques requises (PER), qui englobent 80% de ce territoire, sont l’une des réalisations centrales de la réforme de 1993. Liées à l’octroi des paiements directs, elles encouragent une production respectueuse de l’environnement, durable et conforme à la protection des animaux. Parallèlement, 19% des surfaces exploitées sont bio, mais leur rendement est inférieur en moyenne de 20% aux cultures «raisonnées» (PER) et certains produits de plaine s’y prêtent mal, comme le colza, la patate et la betterave sucrière.
Le manque d’engrais naturels doit nécessairement être compensé par des produits phytosanitaires, dont l’utilisation est limitée et clairement réglementée. Avec les effets positifs du projet Boiron, mené depuis 2005 par la Direction générale de l’environnement du canton de Vaud, la santé de nos rivières et des eaux souterraines se révèle compatible avec une agriculture utilisant des pesticides. L’expérience acquise avec sa station pilote de lavage des pulvérisateurs et engins agricoles devrait conduire au développement de cette stratégie.
Le Conseil fédéral devrait planifier la sécurité alimentaire avec un taux de production nationale d’au moins 60%. Or, il ne soutient pas cet objectif. Voyez notamment sa décision, en avril dernier, de convertir 3,5% des terres assolées, soit les meilleures terres arables, en surface de promotion de la biodiversité, alors que 19% de la surface agricole lui sont déjà consacrées. Il est incompréhensible de priver ainsi la production alimentaire de quelque
10 000 hectares.
De manière générale, la politique agricole émet chaque année de nouvelles normes et directives qui nécessitent un engagement humain et financier. Au lieu d’accumuler les obligations, il faudrait se laisser le temps d’en constater les effets. Il y a une dizaine d’années, par exemple, les hauts-marais étaient interdits au bétail. Aujourd’hui, on revient en arrière et on recourt à la pâture contre les espèces étouffantes. Ce manque de cohérence est fatigant.

– L’aménagement du territoire est votre autre cheval de bataille…
– L’agriculture est directement concernée par l’aménagement du territoire. Elle pâtit, en effet, du gaspillage du sol, qui lui ôte sa base de production. C’est préoccupant au vu du taux d’approvisionnement déjà bas en Suisse. Il s’agit de bien mettre en valeur les véritables terres productives et de déterminer celles qui le sont moins. L’expansion des forêts doit être contenue et ne pas s’étendre sur les terres cultivables ou les pâturages. Il faut une vraie vision d’ensemble au niveau cantonal et national, fondée sur des analyses approfondies des terrains.

– Par ses constructions, l’agriculture ne participe-t-elle pas aussi à la diminution des terrains cultivables?
– L’agriculture ne peut construire que dans la zone agricole. Pas moins de 90% des fermes sont hors zone à bâtir. Mais il faut la possibilité de les transformer, les agrandir ou leur donner une deuxième vie, lorsque l’agriculture n’est plus la principale activité de ceux qui y habitent. Nous n’avons pas fini d’en débattre. Actuellement en discussion au Parlement, une énième Initiative va nous tomber dessus prochainement. Intitulée «Contre le bétonnage de notre paysage», elle entend plafonner le nombre et la surface des bâtiments hors zone à bâtir. Cette Initiative met en danger l’innovation et le développement des constructions dans l’agriculture.

– Resterez-vous fidèle à votre idée de mener campagne en attelage?
– Oui! Comme lors de chaque campagne électorale, c’est sur mon attelage tiré par mes deux fidèles chevaux que je sillonnerai le canton à la rencontre de la population.

 

Propos recueillis par Viviane Scaramiglia

GROS PLAN

Laurence Cretegny, 55 ans, PLR:
une popularité jamais démentie

 

Dès 2009, syndique de Bussy-Chardonney durant 14 ans.
2012 Elue députée.
2017 Meilleur résultat absolu des élections cantonales.
2021 Elue à la présidence du Grand Conseil vaudois.
2022 Réélue au Grand Conseil vaudois, avec le meilleur résultat du canton.
1990 Activités agritouristiques à la ferme.
1994 Ouverture du marché à la ferme.
2017 Passation du domaine aux enfants, tout en maintenant sa collaboration.