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construction - Renforcement du contrôle des activités sur les chantiers genevois

«L’arrêt d’activité est le meilleur moyen de perturber les fraudeurs!»

26 Juin 2024 | Articles de Une

Le Conseil d’Etat genevois, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux des métiers du bâtiment – soit le patronat, notamment la Fédération genevoise des métiers du bâtiment (FMB), ainsi que les syndicats -, a procédé à la modification du Règlement d’application de la Loi sur l’inspection et les relations du travail (RIRT). Entrée en vigueur l’année passée, cette révision concrétise le nouveau dispositif légal permettant d’interrompre les travaux des entreprises sur les chantiers en cas d’infraction. Quant à la délégation aux instances paritaires, les contrats de prestations amendés sont sur le point d’être signés. Nicolas Rufener, secrétaire général de la FMB, apporte des éclaircissements sur la question.

– Quels sont les problèmes récurrents sur les chantiers de construction?
– Il est courant que les maîtres d’ouvrage soient peu regardants, une situation dont les entreprises tricheuses profitent largement, en particulier lors de marchés publics. Une rémunération incorrecte des travailleurs ou de la sous-traitance à des conditions non conformes aux Conventions collectives de travail (CCT) équivaut à une concurrence déloyale.

– Qu’est-ce qui prévalait jusqu’à présent en matière de contrôle des chantiers?
– Les partenaires sociaux effectuaient déjà des contrôles pour s’assurer du respect des conditions de travail. Ces dernières sont consignées dans les Conventions collectives de travail (CCT) déclarées de force obligatoire. Les autres aspects – comme la sécurité, les règles pour les travailleurs détachés, les charges sociales – relèvent de compétences étatiques. Cependant, les moyens à disposition des instances de contrôle étaient relativement limités. Il nous arrivait de stopper l’activité d’une entreprise, mais il s’agissait d’un arrêt «théorique» d’exercer. Nous avons souhaité ancrer cette procédure d’arrêt dans la législation genevoise: la suspension immédiate de l’activité sur le chantier est un moyen à la fois dissuasif et coercitif.

– En quoi consiste le principal changement?
– Désormais, la loi prévoit clairement que si des entreprises ne collaborent pas aux contrôles, ne fournissent pas les renseignements demandés ou sont gravement en infraction avec les dispositions impératives des CCT (salariales, prestations sociales, etc.), leurs activités peuvent être stoppées immédiatement. En tant que partenaires délégués, nous disposons des compétences pour intervenir; dans les trois jours, nous sommes tenus de transférer toutes les informations idoines à l’Etat (OCIRT), qui confirmera ou non la décision. Le maître d’ouvrage est alors averti de l’arrêt de l’un de ses prestataires et voit son chantier touché. Nous espérons que ce dispositif donnera lieu à des pratiques plus vertueuses, ainsi qu’à davantage de vérifications en amont. Bien entendu, le principe de proportionnalité est appliqué: seuls les cas les plus graves seront suspendus, car il s’agit le plus souvent de soupçons d’infraction. Nous ne visons ni les infractions plus légères, ni les entreprises un peu négligentes… qui feront néanmoins l’objet de sanctions.

– Que se passe-t-il ensuite?
– Une fois la suspension effective, l’entreprise ne pourra reprendre ses activités tant qu’elle n’aura pas démontré sa remise en conformité, par exemple le respect du tarif conventionnel.

– Ce système existe-t-il dans d’autres cantons?
– Nous sommes précurseurs dans ce domaine à Genève. Ailleurs, les pratiques sont plus libérales. A noter par ailleurs que le badge paritaire d’identification des travailleurs, largement utilisé dans notre canton, offre en parallèle de nombreux atouts, car il assure de son côté un contrôle quotidien des travailleurs. C’est une autre facette du dispositif de contrôle.

– Quel message adressez-vous aux entrepreneurs?
– A ceux que je représente à la FMB: nous nous donnons tous les moyens pour maintenir une concurrence efficace et loyale. Ensemble, nous devons nous battre contre les entreprises de la construction qui trichent et font de l’ombre aux entreprises citoyennes. Nous offrons des conditions de travail élevées et de qualité, tout en assurant la relève. Continuons sur cette voie!

 

Propos recueillis par Véronique Stein

Nicolas Rufener, secrétaire général de la FMB.