Romain Lavizzari, président de l’APCG.

/

CONSTRUCTION - La qualité des projets immobiliers au cœur des débats

L’APCG, force de proposition

25 Jan 2023 | Articles de Une

En automne 2021, l’Association des promoteurs-constructeurs genevois (APCG) a publié une Charte Qualité. Les grands principes du développement durable y sont énoncés, en les appliquant au métier de constructeur-promoteur-développeur. L’étape suivante est désormais franchie: l’association détaille ses propositions afin d’agir de manière concrète sur le terrain, en partenariat avec les services administratifs et les autorités politiques, ainsi que les autres associations représentatives de la branche. Cette Charte et les propositions – présentées à la dernière assemblée générale de l’APCG – ont fait l’unanimité des membres.

Chacun dit s’inscrire dans le processus vertueux de la qualité. Mais lorsqu’on aborde les divers paramètres de la construction, cela se complique clairement, d’autant plus que les acteurs concernés se heurtent, depuis quelques temps, à des variables conjoncturelles (pandémie, inflation, augmentation des taux d’intérêt, prix des matières premières et coûts de construction, etc.). La Charte Qualité élaborée par l’APCG constitue une ligne de conduite, un élan pour l’association et ses membres.
«Fruit de nombreux échanges, ce document réaffirme la volonté des promoteurs-constructeurs d’intégrer notamment le développement durable dans leurs activités, souligne Romain Lavizzari, président de l’APCG. La Charte Qualité agit ainsi comme un référentiel qui permet aux professionnels de réfléchir sur la place du bâti dans l’écosystème en tenant compte de ses habitants et de leurs besoins économiques, sociaux et environnementaux».

Approche trop restrictive

Pour l’APCG, il s’agit d’appliquer les valeurs définies dans la Charte Qualité et de les mettre en œuvre aussi souvent que possible, en adéquation avec les spécificités et les contraintes de chaque projet. Malgré cette volonté, les promoteurs-constructeurs sont confrontés à une panoplie de lois astreignantes et souvent contradictoires, couplées à une administration fonctionnant en silos dissociés ou encore à des modèles de financement pas ou peu incitatifs. Comme on le sait – et cela s’est confirmé pendant la pandémie – la qualité d’une construction ne se mesure pas uniquement aux limites physiques du logement; elle va bien au-delà, incluant les espaces communs et extérieurs. L’APCG estime que l’évaluation qualitative actuelle basée sur le système d’évaluation des logements (SEL), ne prend pas suffisamment en compte certains paramètres. «Cet outil facultatif, qui permet de quantifier les caractéristiques d’un projet notamment dans la zone de développement et selon la perspective d’un bonus qualitatif lié à la construction, est devenu obsolète», déplore Romain Lavizzari.
Rappelons que le SEL – qui consiste en une modification du Règlement d’exécution de la Loi générale sur le logement et la protection des locataires (RGL – I 4 05.01) – est issu d’un groupe de réflexion composé de représentants du Département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (DALE, actuel Département du territoire), de la Commission d’architecture, de la Fédération des architectes et ingénieurs (FAI Genève) et de divers maîtres d’ouvrage. Il fait suite aux «Rencontres du logement» de 2014-2015, à l’occasion desquelles avaient été identifiées les difficultés à produire des projets novateurs en raison des normes de l’époque.

Pour l’APCG, il paraît intéressant de remettre à l’ordre du jour un mode de calcul du prix du loyer au mètre carré, plutôt qu’à la pièce.

La qualité a un coût

Bien que faisant partie de l’évaluation actuelle, la quote-part de certains lieux de «respiration» – tels que balcons, loggias, couloirs et espaces de partage (salles multi-usages, ateliers de bricolage, etc.) – reste marginale; par conséquent, le coût de ces espaces se retrouve très souvent à la charge du maître d’ouvrage et/ou du développeur. Les membres de l’APCG préconisent d’augmenter substantiellement leur importance dans l’analyse quantitative établie par le système SEL.
Quant à la plupart des aménagements extérieurs (potagers urbains, gestion de l’eau à ciel ouvert, maintien de la pleine terre par une réduction des sous-sols pour faciliter la plantation de végétaux, transitions entre espace privé et public, etc.) et de l’électromobilité, ils ne sont pas pris en compte dans la pondération du SEL, alors que les investissements liés sont souvent très importants. «Il faut arrêter de faire passer tous ces coûts sur l’acte de construire. La grille qualité doit évoluer, afin d’intégrer ces critères et de rendre justice à l’ensemble des programmes», affirme le président de l’APCG.

Autre bastion auquel s’attaque le Comité de l’association: le prix à la pièce, plutôt qu’au mètre carré. Ce système – actuellement en vigueur – incite les constructeurs à multiplier le nombre de pièces au sein des logements. Pour l’APCG, il paraît intéressant de remettre à l’ordre du jour (c’était le cas dans le passé) un mode de calcul du prix du loyer au mètre carré, plutôt qu’à la pièce. «Une approche en termes de surface fait sens, puisqu’elle favorise des propositions typologiques différenciées, adaptables aux évolutions des modes de vie, note Romain Lavizzari. Ainsi, des projets d’appartements de type lofts – aisément transformables en pièces cloisonnées -, ne verraient plus leur financement prétérité».

Enfin, l’APCG souhaite porter un changement dans le mode de fonctionnement de la Commission d’architecture. L’association de praticiens propose une collaboration conjointe dès les premières phases du projet, faisant évoluer le paradigme d’une unique analyse au moment de l’autorisation de construire – pouvant être très peu incitative, voire punitive pour la qualité du projet – à un accompagnement vertueux tout au long de son développement, jusqu’à son dépôt en autorisation de construire. En découleront, pour les maîtres d’ouvrage, davantage d’efficacité dans l’opération et de visibilité sur l’enveloppe budgétaire en question.

Bonus surfacique et/ou bonus à la pierre

A l’image du bonus jusqu’à récemment octroyé dans le domaine énergétique, l’APCG souhaite également remettre en vigueur une mesure simple et efficiente: le bonus surfacique. Selon les membres du Comité, une augmentation de la densité sans incidence foncière devrait être accordée aux projets proposant par exemple des espaces non ou peu rentés (locaux artisanaux, associatifs, culturels, etc.), dévolus à la vie sociale de l’immeuble ou de son quartier. De manière plus large, la logique du bonus surfacique pourrait concerner diverses politiques publiques touchant des questions environnementales, de mobilité ou de services.

Dans le prolongement de cette proposition, une plus grande reconnaissance des mesures mises en œuvre dans les projets conduisant à une meilleure durabilité d’un immeuble – dans sa construction et son exploitation – et de leurs coûts induits paraît indispensable. Le président de l’APCG relève que la majoration du prix de revient de ces interventions pourrait être subventionnée par un bonus à la pierre, selon une politique des loyers davantage en adéquation avec l’objet et les services fournis.

«Afin de répondre aux ambitions sociétales de qualité et de durabilité, les acteurs privés et publics doivent développer des visions globales et partagées, tout en procédant à des arbitrages», résume Romain Lavizzari. Cet ensemble de propositions – qui émanent d’une association dont les membres contribuent à la majeure partie de la création de logement dans le canton de Genève – donneront certainement lieu à un dynamisme renouvelé dans le secteur de la construction!

 

Véronique Stein