Alan Roura: prêt pour le Vendée Globe 2024.

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L’année de tous les défis pour Alan Roura

24 Avr 2024 | Articles de Une

Il n‘est plus le jeune marin fougueux et audacieux qui avait réussi à prendre le départ du Vendée Globe en 2016 – plus jeune concurrent, à 23 ans, de l’histoire de l’épreuve – en bouclant in extremis son (tout petit) budget, mais il est toujours aussi chaleureux et éminemment sympathique. A la barre désormais de son bateau Hublot, le navigateur genevois Alan Roura a rendez-vous cette année avec deux courses mythiques: Lorient-New York la semaine prochaine et son troisième Vendée Globe en novembre.

Il est né à Genève où il a eu une enfance tout à fait particulière, traversée et vivifiée d’emblée par un grand souffle de liberté. Avec ses parents et ses deux sœurs, Alan Roura a vécu jusqu’à 12 ans sur un bateau amarré au quai des Eaux-Vives, à côté du Jet d’eau, avant de partir en famille pour un tour du monde en bateau qui a duré des années. L’école genevoise, il ne l’a pas connue et il ne semble pas en avoir ressenti un manque quelconque, mais il a baigné d’emblée dans l’école de la vie: la passion de la mer, les rencontres, les escales çà et là, la découverte des pays lointains et des autres cultures, l’apprentissage de toute sorte de métiers, à commencer par celui qui est devenu le sien, celui de marin. Fait amusant: l’un des premiers articles consacrés au jeune conquérant des mers était paru en 2016 dans le défunt hebdomadaire «Tout l’Immobilier», grâce à l’intercession résolue de Gérard Sermier, patron de l’agence Media Impact.

Un nouveau bateau à sa main

Etabli en Bretagne depuis une douzaine d’années, et depuis dix ans à Lorient où se trouve sa petite PME de huit personnes, Alan Roura vit avec sa femme Aurelia, qui s’occupe de sa communication, et avec leurs deux petits enfants, leur fille Billie, 3 ans et demi, et leur garçon Marley, qui a tout juste trois mois. Nous l’avons rencontré la semaine dernière à Genève, où il a passé quelques jours pour des contacts avec des partenaires et des sponsors. Souriant, volubile, plus enthousiaste et plus passionné que jamais, il nous parle de cette année 2024 qui se profile d’ores et déjà comme une année cruciale: il a un nouveau bateau (catégorie Imoca), celui de l’ancienne légende de la voile Alex Thompson, qu’il a profondément transformé l’hiver dernier, pendant quatre mois, et il prendra le départ (entre autres) de deux courses en solitaire importantes: Lorient-New York et, pour la troisième fois, le Vendée Globe.

Lorient-New York, course de légende

«On a fait pour 200 000 euros de travaux, explique-t-il, on a mis le bateau à nu sur le chantier, découpé l’intérieur, refait le ballast, tout l’avant, mon poste de garde, posé un nouveau jeu de voiles, mis en place mes réglages… Mes premières impressions sont très bonnes et je le sens déjà à ma main. Je vais faire deux ou trois sorties au large en fin de semaine, mais je vais vraiment découvrir le bateau pendant la course Lorient-New York dont le départ aura lieu dimanche 28 avril prochain. C’est une légende de la course au large, elle est née vers 1968-69, Eric Tabarly l’a gagnée, il y a eu ensuite des duels épiques avec Alain Colas. Pour une fois je vais partir de la maison, à Lorient, et je me réjouis déjà de l’arrivée à New York, ça va être magique. C’est une course compliquée, avec des dépressions, des vents forts, des courants contraires, et on n’est jamais à l’abri d’un gros coup de météo. Mon bateau n’aime pas tellement naviguer contre les courants, ce sera l’occasion de voir comment il réagit».

A nous deux, Vendée Globe!

Une course mythique mais directe et relativement brève, une douzaine de jours, qui sera une préparation et une sorte d’entraînement avant le grand challenge de l’année, le Vendée Globe, le tour du monde en solitaire et sans escale, qui s’élancera le dimanche 10 novembre depuis les Sables d’Olonne. A la barre de son bateau Hublot, son prestigieux sponsor, Alan Roura sait qu’il est très attendu.
«Mon premier Vendée Globe, explique-t-il, c’était en 2016. J’étais un peu comme l‘horloger qui monte sa boîte et qui ne sait pas trop comment faire. On fait comme on peut, on se débrouille, c’est super! Mon deuxième Vendée Globe, je l’ai préparé avec l’idée que je devais le boucler, car même si je cours toujours pour gagner, je savais que le plus important était de terminer sans casse. Le Vendée Globe est chaque fois plus dur et plus exigeant sur tous les plans: sportif, financier, relationnel avec les médias et les réseaux sociaux. Le premier, je l’ai préparé en seize mois, mais le prochain, en novembre, je le prépare depuis trois ans. Il y a des sélections, des courses obligatoires… Après Lorient-New York, je vais encore passer quelque 120 jours en mer mais l’essentiel, c’est que le bateau arrive en forme au Vendée Globe».

«On est une vingtaine à pouvoir gagner»

Alan Roura pourrait-il, pour sa troisième participation, viser le podium? Son nouveau bateau, conçu par lui et pour lui, pourrait-il créer la surprise? «Je pense que nous sommes une vingtaine à pouvoir le gagner, explique-t-il, ensuite il y aura tous les aléas de la course, la fiabilité des bateaux, les conditions météo… Dans ma tête, je partirai pour gagner, même si je sais que je n’aurai pas le bateau le plus rapide. Il faudra bien descendre l’Atlantique et entrer dans le Sud en bonne position; il y aura forcément des coups à jouer. J’ai un coach physique et un coach mental, et je serai fin prêt. Le plus important c’est le mental, c’est très dur d’être tout seul sur un bateau, au milieu de l’océan, pendant plus de quarante jours. Ça demande des ressources, des forces intérieures; il faut se mettre une certaine pression, mais pas trop. On bosse vingt heures sur vingt-quatre avec, de temps en temps, de petites tranches de sommeil de vingt minutes au maximum. Il n’y a pas beaucoup de place pour le plaisir, même si on peut savourer parfois un lever ou un coucher de soleil sur l’océan».

 

Robert Habel