/

Logement vaudois

L’analyse pertinente de la BCV

1 Déc 2021 | Articles de Une

Dans les années à venir, le marché vaudois du logement devrait globalement rester proche de l’équilibre. C’est le principal message délivré par les auteurs d’une étude présentée voilà quelques jours à Lausanne. Les surfaces de terrain disponibles pour la construction de nouveaux logements et l’évolution de la population devraient globalement être en phase. Cependant, un risque d’offre excédentaire à l’échelle du canton existe.

Réalisée par Yvan Schmidt et François Yenny de CBRE Switzerland (que leur cabinet i-Consulting a intégré), cette étude – la cinquième d’une série – est éditée par l’Observatoire BCV de l’économie vaudoise et bénéficie du soutien de l’État de Vaud, de la Banque cantonale vaudoise, de la Fédération vaudoise des entrepreneurs et de la Société coopérative d’habitation Lausanne. Dans la publication, on ne trouve pas seulement des chiffres et des graphiques: une enquête qualitative permet de cerner les aspects sociologiques du moment, en particulier la perception des acteurs du marché de l’immobilier vaudois.

En 2021, fin de la pénurie?

Entre les freins liés à des dimensions législatives (Plan directeur cantonal et Loi fédérale sur l’aménagement du territoire), une forte démographie et des propriétaires fonciers pas toujours disposés à voir leur terrain construit, le marché du logement vaudois a été passablement chahuté depuis le début du XXIe siècle. La situation a commencé à se tendre en 2001, avec un taux de vacance de 0,98%. Le marché s’est ensuite caractérisé par une pénurie, avec un taux de logements vacants d’à peine 0,43% en 2009. Avec la levée des freins, la situation s’est détendue graduellement et le taux de vacance est remonté à 1,37% en 2020. En 2021, il s’est stabilisé à 1,35% (1,66% sur le marché locatif), soit proche du seuil de 1,5% considéré comme correspondant à un marché équilibré (voir figures en page 15).
Conjointement à l’augmentation de la vacance, les loyers ont tendanciellement baissé. Après une hausse de 10% à 15% entre 2011 et 2014, les prix sont à un niveau similaire à celui de 2015 (voir figure en page 16).
Le nombre de nouveaux logements construits dans le canton a sensiblement augmenté, passant d’environ 2300 en 2001 à quelque 5500 unités en moyenne entre 2017 et 2021. Parmi les nouveaux logements, la part des objets en propriété individuelle a quant à elle chuté, passant d’environ 90% au début du siècle à un tiers en moyenne sur les cinq dernières années. La conséquence: les prix des objets en propriété ont fortement augmenté; en effet, ils ont été multipliés par environ 2,5 depuis 2000. Avec la Covid, un déséquilibre important entre l’offre et la demande se fait sentir, en particulier pour les maisons individuelles. Cependant, aucun risque d’explosion de bulle n’est à signaler, car les financements sont basés sur 5% de capacité à faire face aux charges d’intérêt (voir figures en page 16).

Risque d’offre excédentaire à l’échelle du canton.
Evolution du taux de logements vacants par district. (En haut : année 2015, en bas : année 2021)

Situation différenciée

Le niveau des prix pour les maisons familiales individuelles et les appartements en PPE varie toutefois selon les territoires concernés. Dans un autre document, également publié par la BCV en novembre de cette année, les indices des prix de transaction sont présentés sur la base de modèles d’évaluation développés par Wüest Partner. Ils portent sur des objets dits «de référence», définis comme étant des logements construits il y a moins de cinq ans, offrant un bon standard d’aménagement, une microsituation adéquate, ainsi qu’un volume ou une surface usuels. Les prix représentés sont donc indicatifs et reflètent des moyennes. Sur le marché, les prix peuvent varier par rapport à ces dernières en fonction des caractéristiques propres à un objet, le différenciant d’objets voisins. Par exemple, dans l’Arc lémanique, la qualité de la vue sur le lac peut justifier des différences de prix importantes (voir figures en page 17).

En fonction de la croissance démographique

Le potentiel d’accueil de nouveaux habitants d’ici 2040 s’élève à quelque 116 000 personnes, essentiellement dans les agglomérations et les autres centres régionaux. Il a été estimé dans le cadre de cette étude, sur la base du stock de terrains disponibles à court terme (situés en zone à bâtir et non construits) et dans le futur (issus des nouveaux plans d’affectation). En matière de demande, les perspectives démographiques de l’organe «Statistique Vaud» ont été adaptées en fonction du ralentissement constaté ces dernières années. Le scénario moyen table sur 163 000 nouveaux habitants dans le canton d’ici 2040, le scénario haut sur une augmentation de la population de 209 000 personnes et le scénario bas sur 116 000.
A court terme se dessine un taux de vacance stable, à environ 1,5%, voire augmentant en cas de faiblesse de l’économie. Si les scénarios démographiques haut ou moyen devaient se concrétiser, la situation pourrait devenir tendue dans dix à quinze ans, voire moins. Il serait alors nécessaire de réalimenter la réserve de terrains constructibles pour continuer de faire face à la croissance démographique et éviter une nouvelle pénurie de logement. Dans le cas du scénario de croissance démographique bas, les stocks seraient suffisants et le marché resterait relativement équilibré, quasiment jusqu’en 2040. Et en cas d’affaiblissement plus prononcé de la croissance démographique – un scénario à ne pas négliger au vu des défis présents (restrictions pour les sociétés actives à l’international en raison des incertitudes sur les relations avec l’Union européenne notamment) – l’offre excédentaire déjà présente dans certains districts (Aigle, Broye-Vully, Jura-Nord vaudois ou Ouest lausannois) pourrait se généraliser.
Selon le rythme de construction et l’évolution démographique, les taux de vacance maximaux projetés (jusqu’à 3%) s’inscrivent à un niveau nettement moins élevé que dans l’étude précédente de la série, publiée en 2017. Cette dernière chiffrait le risque d’offre excédentaire avec un «taux de vacance potentiel» (écart entre la croissance attendue de la population et le potentiel total d’accueil des réserves de terrains) qui aurait pu atteindre 8% vers 2025 (seulement en cas de constructions sans retard, sans contrainte et sans adaptation aux conditions du marché). La réduction du risque d’offre excédentaire s’explique par le redimensionnement des réserves de terrain, par une thésaurisation dans certains cas plus présente que ce qui était envisagé, par la diminution de la taille moyenne des ménages, ainsi que par des recours, en particulier contre les projets de densification (oppositions, y compris à l’échelle des plans d’aménagement).

Indice des prix : 1.des logements locatifs  2.des transactions pour les appartements en PPE  3.des transactions pour les maisons individuelles.

Le logement qui nous correspond

Les auteurs de l’étude insistent: si l’on souhaite maximiser les chances des logements d’être durablement occupés, il est indispensable de les construire de manière à ce qu’ils répondent aux aspirations des ménages. Cela ne concerne pas uniquement les logements locatifs: la hausse des prix de l’immobilier en propriété montre un déficit de l’offre dans ce secteur, un sujet qui devrait être pris en compte de manière conjointe aux réflexions relatives aux logements locatifs, afin de s’assurer de répondre aux besoins de l’ensemble de la population.
Pour compléter l’analyse statistique, quatre acteurs importants du marché de l’immobilier (Retraites Populaires, Bernard Nicod, Comptoir Immobilier, Gerofinance) ont été interrogés dans le cadre d’une enquête qualitative. Ceux-ci «représentent» un parc locatif de près de 40 000 logements, répartis dans le canton de Vaud. Les réponses ont été restituées de manière synthétique avec un accent sur les éléments clefs. Ainsi, les interlocuteurs relèvent que les facteurs de prix et de qualité du logement incitent au changement. Avec la pandémie, un grand nombre de ménages a cherché à quitter les centres urbains, mais aussi à trouver des appartements avec balcon ou terrasse lorsqu’ils occupaient un logement qui n’en avait pas. Le taux de rotation (nombre de de déménagements) est élevé: 10% de logements changent de locataire chaque année et la durée de relocation s’avère plus longue qu’auparavant. En parallèle, les logements à vendre qui se trouvaient en campagne ont rapidement trouvé preneur. Cet important mouvement vers la campagne induit par la Covid va à l’encontre de la volonté de densification des centres prônée par les autorités.

Synthèse et perspectives

Cette étude a confirmé les projections démographiques de la précédente, publiée en 2017. Elle a en outre servi à tirer des enseignements sur la croissance moins forte qu’attendue du taux de vacance. Les auteurs soulignent que les localisations qui nécessitent une production supplémentaire permettant de répondre aux attentes de la population sont Lausanne, Nyon et Morges. A contrario, des localités comme Moudon et Lucens, par exemple, peinent à attirer de nouveaux habitants. De manière générale, la pénurie demeure pour les logements en propriété. Ce mode d’occupation correspond au désir d’une large part de la population et il serait judicieux de prévoir des développements immobiliers adaptés. En parallèle, le risque d’une vacance structurelle spécifique à certains types de logement ne peut pas être exclu, les ménages privilégiant souvent des logements neufs. Des qualités moindres et l’obsolescence énergétique d’une partie non négligeable du parc ancien pourraient être une nouvelle problématique, à laquelle les propriétaires et les collectivités publiques devront faire face.

 

Véronique Stein

Prix des maisons familiales individuelles.
Prix des appartements en propriété par étages (ppe).

EXPLOREZ D’AUTRES ARTICLES :