L’alliance réussie du design et de la fonctionnalité

Etabli à Genève depuis 1975, TJCA – mené aujourd’hui par Bénédict Estier et Laurent Willimann, auxquels vont se joindre prochainement de nouveaux associés – est au bénéficie d’une longue expérience dans le domaine de l’aménagement d’espaces de travail. C’est à son équipe que l’on doit l’introduction des premiers bureaux nomades en 1995, une époque où le poste de travail fixe, associé à des fonctions précises, était l’unique modèle. Le passage à des locaux plus ouverts et flexibles est lié aux progrès technologiques, en particulier l’arrivée sur le marché des ordinateurs portables. La recherche du bien-être au travail s’est également introduite dans les réflexions; une thématique devenue aujourd’hui incontournable.
Alors que les technologies de l’information étaient en plein essor, TJCA a construit puis aménagé les locaux du campus administratif et technique de Reuters à la Pallanterie/ GE, entre 1995 et 2002. Ce projet phare – l’un des plus grands centres informatiques européens – a pris en compte la complexité technique sans reléguer au second plan les qualités architecturales. La flexibilité d’avant-garde, imaginée alors, a permis d’intégrer facilement toutes les nouvelles générations de serveurs informatiques et les nouvelles configurations de couloirs froids sans que des travaux majeurs ne soient nécessaires.

Donner une identité au lieu

Porté par ce premier succès, TJCA s’est vu confier d’innombrables projets, principalement en Suisse, parmi lesquels des bâtiments techniques d’une grande complexité (data centers, laboratoires, cliniques, fitness, etc.). Pour l’architecte Laurent Willimann, il n’y a pas de solution toute faite, la réponse est toujours contextuelle: il s’agit d’analyser la philosophie de travail et l’organisation de l’entreprise, ainsi que les besoins de communication versus d’isolement des employés. C’est sur cette base que l’agencement de l’espace sera défini, avec ses ambiances constituées de couleurs, de formes et de matériaux. Dans un second temps, TJCA proposera les produits les mieux adaptés, sans a priori quant aux fournisseurs et fabricants de mobilier. Les professionnels de TJCA recommandent de mener une réflexion le plus en amont possible du projet de construction, afin d’anticiper les besoins des futurs utilisateurs et d’éviter des interventions ultérieures qui pourraient s’avérer onéreuses.
Outre les développements immobiliers, l’agence TJCA est mandatée pour des rénovations-transformations: plusieurs banques de renom (JPMorgan, Bénédict Hentsch & Cie, Société Générale, BCGE), centres de santé (Clinique Générale Beaulieu), hôtels (Beau-Rivage, Bristol, Four Seasons, Hôtel des Bergues, Kempinski) et magasins (Ladurée, Foot Locker, Dosenbach, Denner) figurent parmi ses références. Les remises à neuf concernent aussi bien la décoration intérieure que les infrastructures techniques, électriques et sanitaires, en partenariat avec des ingénieurs spécialisés. S’ajoute la réfection des équipements de production d’énergie, afin de les remettre aux normes en vigueur. «Le défi est d’adapter les structures existantes et de mener à bien les chantiers sur des lieux qui, bien souvent, doivent rester en activité», poursuit Laurent Willimann. Dans certains cas, la composante patrimoniale est à intégrer, ce qui revient à trouver le bon équilibre entre modernisation et préservation d’éléments d’origine.

Disposés çà et là, des modules accueillant entre une et trois personnes sont propices à la concentration et aux échanges.

Le dernier étage est consacré à l’accueil des clients. La géométrie des lieux confère à l’espace une dynamique particulière.

Pour des espaces engageants

En 2020, la société Ernst & Young (EY) – active dans le domaine de l’audit, la fiscalité, des transactions et du conseil – a installé ses 5591 m2 de bureaux et ses 500 employés dans le quartier d’affaires Lancy Pont-Rouge (bâtiment B4). Afin d’aménager les locaux, répartis sur sept étages, elle a fait appel aux experts de TJCA. La phase d’audit, en tant que telle, n’a pas été nécessaire, puisque EY avait déjà établi un programme d’affectation et se basait sur sa vision Workplace for the future. TJCA a donc fait des propositions d’architecture et dégagé des grands principes, fondés sur des exemples de réalisations, qui ont été soumis à la direction.
Il en ressort un aménagement intérieur lumineux, aux lignes contemporaines. Six étages, dédiés aux collaborateurs, comprennent 269 places de travail non attitrées, ainsi que des open spaces, des team rooms (salles de projets), des salles de meeting ainsi que de nombreuses zones informelles avec mobilier collaboratif; des parois végétalisées animent l’espace. Disposés çà et là, des modules accueillant entre 1 et 3 personnes sont propices à la concentration et aux échanges. Des «cabines téléphoniques» permettent de faire un appel ou de participer à une vidéo conférence sans déranger ses collègues.
Au plafond, l’acoustique est dissimulée sous un design original et coloré. Une cafétéria, une salle de repos et des vestiaires avec douche se situent au 5e étage. Le bâtiment B4 – tout comme les autres édifices de Pont-Rouge – se caractérise par des noyaux techniques (ascenseurs et escaliers) imposants. TJCA a aménagé le pourtour afin de conserver une circulation périphérique. L’effet de couloir borgne est contourné grâce à la présence de vitrages, de luminaires et de matériaux choisis avec soin. A chaque étage, des éléments fonctionnels – tels que coins café, lounge – offrent des interruptions appréciées.
Le dernier niveau de la tour B4, surplombant Genève, est consacré à l’accueil des clients. La géométrie particulière des lieux, avec ses angles «cassés», confère à l’espace une dynamique particulière, tout comme les gaines techniques au plafond qui sont intégrées à un généreux élément indépendant. Une salle de conférence, divisible en deux, offre le confort acoustique nécessaire. Ainsi, TJCA a apporté aux locaux d’EY une touche unique qui s’exprime grâce à une multitude de détails. A noter que l’agence s’est chargée non seulement de la conception du projet, mais aussi de la direction et du suivi des travaux, une continuité synonyme de qualité.
A l’heure où l’habitude du télétravail persiste bien au-delà de la pandémie, les employeurs s’interrogent sur les «ingrédients» à réunir pour rendre les bureaux plus attrayants. Si le design est dans l’air du temps avec une sélection de mobilier souvent ludique et coloré, une certaine fonctionnalité est à préserver. Car on se rend au bureau quand même pour travailler…

Véronique Stein