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Le Prix Pritzker à Diébédo Francis Kéré

L’Afrique à l’honneur pour la première fois

23 Mar 2022 | Articles de Une

Il n’y a pas de récompense plus prestigieuse en architecture que le Prix Pritzker, décerné en 2022 à l’architecte burkinabé Diébédo Francis Kéré. Ce qu’on appelle aussi le Nobel de l’architecture vient ainsi d’être attribué pour la première fois à un architecte africain.

Un encouragement bienvenu à l’architecture africaine.

L’architecte de 56 ans né au Burkina Faso, l’un des pays les plus pauvres du monde, qui se classe au 20e rang mondial du plus faible PIB par habitant, recevra 100 000 dollars et une médaille de bronze. Il rejoint la prestigieuse cohorte des récipiendaires du Pritzker: I. M. Pei, Oscar Niemeyer, Norman Forster, Tadao Ando, pour ne citer que ces architectes de légende entrés dans l’histoire de l’architecture et dont les réalisations sont admirées dans le monde entier.
Ces dernières années, le jury d’experts a couronné du Prix des bureaux socialement conscients, qui défendent l’architecture comme expression du bien commun. Avec l’attribution du Pritzker 2022 à Kéré, le comité oriente le projecteur sur la valeur de la durabilité, qui a toute son importance tant en matière d’environnement que de respect de la communauté humaine au service de laquelle l’architecture se doit d’être. Kéré emploie un grand nombre de citoyens burkinabés pour des travaux de menuiserie, de soudure, de fabrication de briques, de maçonnerie et de peinture, le tout en grande proximité avec le milieu qui accueille la construction. C’est là une première forme de durabilité. Celles et ceux qui ont construit eux-mêmes les bâtiments dans leur région les connaissent et peuvent les réparer en cas de besoin.

Un architecte formé à Berlin

Diébédo Francis Kéré est diplômé de l’Université technique de Berlin depuis 2004. Après ses études, au lieu de rester en Europe, il est retourné au Burkina Faso, afin de contribuer à la construction d’infrastructures dont son pays avait et a encore besoin. Connaissant le succès, Kéré a ouvert en 2005 des bureaux à Berlin, même si son cabinet Kéré Architecture est installé principalement au Burkina Faso.
On peut souligner que le style architectural de Diébédo Francis Kéré, qui a grandi sans électricité ni accès à l’eau potable et a été le seul de sa famille à fréquenter l’école, vise à une intégration dans le paysage, grâce à l’utilisation de matériaux locaux, notamment l’argile, et en utilisant des formes sobres aux tons chaudes qui s’allient au terrain, comme pour en faire partie naturellement. En raison des fortes températures, qui avoisinent les 37 degrés au Burkina Faso, Kéré construit des murs d’argile très épais, qui maintiennent une température plus modérée. Dans le processus de création et de construction, il associe la population utilisatrice du bâtiment, qui se l’approprie ainsi plus facilement, après avoir participé à toutes les étapes du projet et de sa réalisation.

Des œuvres présentes sur tous les continents

Si Kéré a projeté et réalisé plusieurs constructions en Afrique (au Bénin, au Mali, au Togo, au Kenya et au Mozambique), notamment des logements pour enseignants au Burkina Faso, des écoles, des établissements de santé, il a aussi conçu en 2017 le Pavillon éphémère de la Serpentine Gallery à Londres. Il a aussi réalisé un pavillon en rondins de pin joints en fagots, à partir d’arbres morts, dans le Fischtail, dans le Montana américain.
Projetant et réalisant des constructions durables au service des populations, Kéré travaille «dans des pays marginalisés, où les contraintes et les difficultés sont nombreuses et où l’architecture et les infrastructures sont absentes», ont souligné les organisateurs du Prix Pritzker dans leur communiqué. Il est certain que ces valeurs, déjà pratiquées par les architectes dans d’autres pays et continents, vont prendre de l’importance à l’avenir. Diébédio Francis Kéré sera alors considéré comme un pionnier.

 

Laurent Passer