Les demandes de permis suivent actuellement une tendance à la baisse dans toute la Suisse.

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Thème spécial (Wüest & Partner)

L’activité de construction en Suisse romande

30 Nov 2022 | Articles de Une

Nous l’avons vu précédemment: l’une des raisons qui expliquent la forte augmentation des prix des logements et des loyers ces dernières années est une diminution de l’offre. Cela est notamment lié à un ralentissement de l’activité de construction. Les demandes de permis suivent actuellement une tendance à la baisse dans toute la Suisse, et la Suisse romande ne fait pas exception (figure 1). Si l’on compare le nombre de demandes de permis au 3e trimestre 2022 avec la moyenne des cinq dernières années, on observe une très forte baisse dans les cantons de Genève (-56%) et du Jura (-42%) et dans une moindre mesure dans le canton de Vaud (-16%). Les cantons de Neuchâtel et du Valais affichent en revanche une progression sensible de l’activité de construction. La baisse des demandes de permis peut s’expliquer d’une part par les défis que rencontre actuellement le secteur de la construction (voir pages suivantes), et d’autre part par la tendance à la hausse du taux de vacance des logements observée jusqu’en 2020 (voir notre article dans Le Journal de l’Immobilier No 44, du 7 septembre 2022, disponible sur www.jim.media).

Figure 1: Demandes de permis pour des constructions neuves (nombre de logements: sommes annuelles glissantes).
Figure 2: Demandes de permis pour des rénovations et transformations (sommes annuelles glissantes).

Rénovation et transformation ont le vent en poupe

Alors que les demandes de permis pour le neuf ont globalement diminué en Suisse romande au cours des dernières années, les demandes pour la rénovation et la transformation ont quant à elles fortement progressé (figure 2). En comparant une fois encore les demandes de permis au 3e trimestre 2022 avec la moyenne des cinq dernières années, l’on constate une très forte hausse dans la majorité des cantons romands, allant de +30% en Valais et dans le canton de Vaud à +150% à Neuchâtel. Genève et le Jura font cependant exception, enregistrant une légère baisse des demandes de permis.
Les demandes de permis déposés dans la transformation et rénovation concernent principalement des travaux permettant de rendre la maison ou l’immeuble plus durable et moins énergivore, comme par exemple l’amélioration de l’isolation du bâtiment, la rénovation du chauffage ou la pose de panneaux photovoltaïques. Dans le cadre de l’objectif «zéro net» pour 2050, de nombreuses aides au niveau cantonal et communal sont disponibles pour ce genre de travaux, ce qui stimule la demande. Les événements des derniers mois ont encore mis en exergue les problèmes liés aux énergies fossiles, à leur disponibilité et à leurs coûts, ce qui devrait avoir pour effet de rendre d’autant plus prégnantes les questions de consommation d’énergie des bâtiments pour les investisseurs et les propriétaires, et donc de donner une nouvelle impulsion à la demande.

Hausse des taux d’intérêt et problèmes de capacité: les défis du secteur de la construction

Le secteur de la construction est confronté à de nombreux nouveaux défis cette année. La hausse des taux d’intérêt, par exemple, rend les projets de construction ou de transformation plus coûteux. L’analyse des données historiques montre ainsi qu’une hausse de 1% des taux hypothécaires entraînerait un recul de 0,5% des investissements dans la construction. Il faut donc s’attendre à ce que certains projets de construction soient repoussés, redimensionnés, voire annulés.
Le secteur de la construction fait en outre face à des limites de capacité en ce moment. D’abord, les chaînes d’approvisionnement ont été perturbées par l’épidémie de Covid-19, ainsi que par la guerre en Ukraine. Du côté des transformations, l’offre ne parvient pas à suivre la demande, par exemple en ce qui concerne l’installation de pompes à chaleur ou de panneaux solaires. En parallèle, la pénurie de main-d’œuvre n’épargne pas le secteur de la construction. Les dernières données de l’Office fédéral de la statistique indiquent en effet qu’il manque actuellement plus de 8000 travailleurs qualifiés dans le secteur de la construction, et environ 40% des entreprises affirment avoir des difficultés à recruter. Cela constitue un frein important au développement de nouveaux projets.

Renchérissement de la construction: quelles conséquences?

En avril 2022, l’OFS annonçait une augmentation de 8,1% des prix de la construction; cette hausse est d’une ampleur inédite. Trois facteurs principaux contribuent au coût de la construction: les matériaux, l’énergie et les salaires (figure 3). Entre 2021 et la fin du 1er semestre 2022, les prix des matériaux de construction sont montés en flèche. À titre d’exemple, le prix de l’acier a augmenté de presque 60% au cours de l’année 2021. Depuis cet été, l’évolution des prix des matériaux de construction affiche une certaine accalmie, mais ces derniers restent néanmoins très élevés par rapport aux années précédentes. La construction étant une activité passablement gourmande en énergie, ses coûts sont fortement touchés par l’explosion des prix de l’énergie de ces derniers mois. Finalement, le contexte actuel d’inflation et de pénurie de personnel entraîne une hausse des salaires, du moins en termes nominaux. Cette hausse (environ 2% pour cette année) est certes d’une ampleur bien moindre que celle des autres facteurs d’influence, mais elle contribue néanmoins aussi dans une certaine mesure au renchérissement de la construction.
Quels pourraient être les effets de ce renchérissement sur l’activité de construction à court et moyen terme? D’après une étude récente de Wüest Partner, une hausse de 1% des coûts de la construction entraînerait une baisse de 0,37% des investissements réels dans la construction de logement pendant la même année. L’effet est plus fort pour le neuf (-0,46%) que pour la transformation (-0,15%). Cet effet négatif n’est cependant que de courte durée. Dès l’année suivante, on observe généralement un effet de rattrapage et les investissements dans la construction repartent à la hausse. Il est donc probable que l’activité reprenne de plus belle d’ici un à deux ans, une fois les prix stabilisés et les problèmes de capacité résolus (ou du moins atténués). D’autant plus que la demande est toujours très forte, que ce soit pour les logements neufs (ce qui est dû notamment à la croissance démographique) ou pour les transformations.

 

VINCENT CLAPASSON
WÜEST PARTNER
©WÜEST PARTNER/JOURNAL DE L’IMMOBILIER

1. Variation par rapport au semestre de l’année précédente; état: avril 2022.
2. Variation par rapport à l’année précédente; état: T2 2022 (2022:estimation).
3. Variation par rapport au mois de l’année précédente; état: août 2022.
Figure 3 : Prix de la construction et facteurs d’influence.

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