Carlos Moreno est un passionné. Il aime la ville, cette forme de vie qui rassemble et qui fédère toutes les énergies.

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Les constructeurs genevois invitent Moreno

La ville du quart d’heure est l’avenir de la ville

26 Oct 2022 | Articles de Une

Il a eu une intuition extraordinaire: la ville idéale, c’est celle qui offre à ses habitants un accès fiable et rapide, en l’espace d’un quart d’heure au maximum, à tous les services (cafés, magasins, écoles, médecins) qui rendent la vie heureuse. Professeur à la Sorbonne, Carlos Moreno était voilà quelques jours l’invité de l’Association des promoteurs constructeurs genevois (APCG).

Comment repenser la ville? Comment refaire de la ville ce lieu d’échanges et d’interactions qu’elle fut jadis? Pour Carlos Moreno, Colombien en exil depuis 43 ans et Français de cœur et d’esprit, la réponse tient en une formule: en refaisant la ville du quart d’heure. Urbaniste vedette dans le monde entier, Carlos Moreno était l’invité de la «Rencontre de l’APCG» qui accueillait également le conseiller d’Etat genevois Antonio Hodgers. Une rencontre entre deux amis latinos, Hodgers étant d’origine argentine, aussi volubiles l’un que l’autre et qui ont en commun le goût de la convivialité et l’envie de faire avancer les choses.

Les Vergers à Meyrin, quartier
du quart d’heure

C’est dans l’écoquartier des Vergers, à Meyrin, construit entre 2016 et 2019, que la soirée s’est tenue en présence de la quasi-totalité des membres de l’association. Un lieu qui cristallise, à sa manière, cette recherche de la proximité et de l’interaction que l’on retrouve dans la ville du quart d’heure. Les Vergers, c’est un quartier qui fait partie de la ville de Meyrin, mais qui se déploie dans une sorte d’autonomie avec ses espaces délimités, ses immeubles qui se répondent, sa logique urbanistique, sa vue ouverte sur le Jura. Des esplanades, des écoles, des cafés, des potagers urbains, des poulaillers, des arbres, des pistes pour les vélos, les voitures étant quant à elles exclues et solidement contenues dans trois grands parkings… Les Vergers est un écoquartier où il fait bon vivre, comme l’a constaté Carlos Moreno après avoir déambulé dans cet espace sympathique avec les membres de l’APCG.

Romain Lavizzari, Antonio Hodgers et Carlos Moreno.

Pour une ville vivante

Très convivial, séduisant et charmant avec son accent hispanique, Carlos Moreno est un passionné. Il aime la ville, cette forme de vie qui rassemble et qui fédère toutes les énergies, et il voudrait la rendre encore plus vivante, plus vibrante, plus forte. L’humanité vit de plus en plus dans les villes, remarque-t-il, et le phénomène ne pourra que se poursuivre et s’amplifier dans les prochaines années. Mais comment, contraint de vivre en ville, au milieu de millions d’autres êtres humains, pourra-t-on ressentir un sentiment de liberté et de bonheur? Le drame de l’homme du XXIe siècle est d’ores et déjà bien connu, c’est celui d’une perte de sens, d’une contradiction et d’une dispersion forcée entre vie personnelle et vie professionnelle. Le drame ultime, en fait, c’est que les gens ne peuvent plus habiter près de leur lieu de travail, comme c’était le cas autrefois, mais qu’ils doivent faire des déplacements de plus en plus longs entre leur domicile et leur emploi. Ils se perdent pour aller travailler, ils se perdent pour rentrer chez eux…

Reprendre le contrôle des espaces publics

Comme Carlos Moreno l’a répété devant l’APCG, il est possible de transformer radicalement la ville et de la réinventer en reprenant le contrôle de ses espaces publics. Les espaces publics, explique-t-il, c’est tout cet immense espace où la vie des gens se déroule, c’est cet immense espace où l’être humain, aujourd’hui encore, rencontre ses semblables, fait ses courses, discute, échange, vit. Les espaces publics, dit-il, ont été comme vidés et accaparés, sans que personne ne s’en rende vraiment compte, par la voiture. Ils ont été saccagés, perdus, abandonnés… Une autoroute urbaine traversait Paris, par exemple. D’où ce paradoxe insensé: les gens ne trouvent plus l’essentiel près de chez eux, mais doivent aller le chercher souvent très loin, augmentant leurs déplacements et leur mal-être.
«La ville enviable, dit Carlos Moreno, c’est celle qui offre les services élémentaires, que ce soit en matière de commerces, d’écoles, de sport, de culture. C’est la ville qui rend les gens heureux parce qu’elle leur donne les choses essentielles. Nous avons parlé de la ville du quart d’heure parce que c’est la ville à taille humaine qui correspond aux besoins des gens. Dans les rues accaparées par les voitures, nous sommes en train de recréer des espaces de vie: des magasins, des lieux de sport, des cafés, des lieux de rencontre…».

Genève du quart d’heure

Pour Antonio Hodgers, la ville du quart d’heure, c’est celle qu’il essaie de mettre en œuvre à Genève depuis des années. Le nombre de frontaliers, aujourd’hui, ne cesse d’augmenter de manière vertigineuse, avec tous les problèmes qui en découlent, à commencer par un nombre record de déplacements en voiture. Les gens ne peuvent plus vivre près de leur lieu de travail; ils sont contraints de s’exiler pour se loger à une heure ou deux heures de voiture. Quelle est la solution? Ce serait de construire la ville en ville, de développer la ville en ville. La ville du quart d’heure est-elle possible à Genève? Du moins est-elle tentante.

 

Robert Habel

GROS PLAN

L’APCG

 

Présidée par Romain Lavizzari, l’Association des promoteurs-constructeurs genevois (APCG) a été fondée en 1989 par les membres du «Groupement des promoteurs-constructeurs genevois», ancienne section de la Chambre genevoise immobilière. A ce jour, l’APCG compte une quarantaine de membres. Son secrétaire général est Philippe Angelozzi.
L’APCG a notamment pour buts de regrouper les professionnels de la branche en activité dans le canton de Genève, de représenter et défendre les intérêts de ses membres et de veiller à ce que soient préservés les intérêts des tiers recourant aux services de ses membres.
Elle est particulièrement attentive à ce que ses membres exercent leur activité de manière conforme à l’éthique professionnelle, dans le respect des prescriptions légales, dans l’intérêt général et avec le souci de sauvegarder les intérêts des tiers avec lesquels ils sont en relation.