Pierre Duboux, représentant la troisième génération à la tête de l’entreprise, a passé la main à Robin Crisinel.

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Régie Duboux SA

La vie commence à septante ans

9 Nov 2022 | Articles de Une

Et si la vie commençait à septante ans? Alors qu’elle souffle sept fois dix bougies, la régie Duboux SA à Lausanne a créé au 1er octobre un département dédié aux PPE et son président et CEO, Robin Crisinel, est sur le point de reprendre la part du capital détenue par la famille fondatrice. L’entreprise entend cependant garder son caractère familial, ainsi que le nom qui l’a accompagnée jusqu’ici avec succès, en raison des valeurs qui lui sont associées.

On ne choisit pas sa famille, dit le proverbe. Pas pour Pierre Duboux, 64 ans, représentant la troisième génération à la tête de l’entreprise. Libéral, ainsi qu’il se définit, Pierre Duboux a éduqué ses enfants dans le libre choix de leur voie. Ils se sont orientés hors du domaine de l’immobilier.
Lorsqu’en 2001 il engage Robin Crisinel comme gérant immobilier, il se sait des atomes crochus avec l’ancien gardien de but du Lausanne Sports et du FC Sion, porteur d’un titre de dessinateur en génie civil. Dès 2005, Pierre Duboux l’associe au capital de l’entreprise. Aujourd’hui, à 49 ans, l’ancien footballeur, désormais titulaire d’un brevet de gérant et d’un diplôme d’administrateur de biens, est sur le point de reprendre une société qui a grandi de 6 à 43 employés et a essaimé sur la Riviera, sur la Côte et à Genève.

Une famille d’élection

Par cooptation du dernier représentant de la famille fondatrice, Robin Crisinel représente la quatrième génération à la tête de la société. Il a en quelque sorte été adopté par Pierre Duboux, à l’image des anciens Romains qui voulaient ainsi s’assurer une descendance digne d’eux. Pas de risque cependant, que Robin Crisinel ne se transforme en Brutus pour un Pierre Duboux incarnant César!
Ensemble, les deux hommes ont défini en 2003 un business plan, qui, vingt ans plus tard, est quasiment réalisé. Il fixait des objectifs de croissance géographiques et quantitatifs, reposant sur une stratégie de conseils personnalisés, de proximité et de continuité des relations avec la clientèle et les fournisseurs de service, tels par exemple les artisans du bâtiment avec lesquels la régie travaille.
«Nous voulions développer l’activité de gérance pour une clientèle privée, mais nous avons réalisé que les fonds immobiliers et les propriétaires institutionnels appréciaient aussi la stabilité relationnelle que nous proposions», constate Robin Crisinel. Ces multipropriétaires sont un facteur de croissance important de la régie. L’activité de gérance, dont les honoraires sont en hausse de 10% par an, et la gestion de PPE représentent quelque 97 millions de chiffre d’affaires annuel, soient les deux tiers du volume d’affaires de la société.

Genève comme le Valais

En 2012, la régie Duboux SA s’est étendue à Genève, en reprenant le portefeuille d’une agence existante et en ouvrant son capital au directeur de cette dernière, Bernard von Gunten. Ce canton représente aujourd’hui 10% à 15% du chiffre d’affaires de l’entreprise. «Le marché genevois a cela de commun avec le marché valaisan qu’il est maîtrisé par les régies du lieu, relève Pierre Duboux. En quarante ans, je n’ai vu qu’une nouvelle structure prendre pied dans ce canton».
Reste qu’avoir un pied au bout du lac permet notamment de servir les clients vaudois qui y possèdent des biens. La régie Duboux SA vient par ailleurs d’engager un courtier à Genève, mais reste fidèle dans ce canton aussi à son mantra de croissance par la qualité.
Au chapitre des innovations, la création au 1er octobre d’un département PPE, distinct de celui de la gérance au sein duquel les PPE étaient jusqu’ici regroupées, est un signal adressé à un marché que de nombreux concurrents délaissent, car il impose aux collaborateurs de consacrer des dizaines de soirées par an aux assemblées de copropriétaires. Un département dédié aux rénovations a également été mis sur pied, pour accompagner les clients, notamment en lien avec l’amélioration de l’efficience énergétique de leurs biens.

«Nos clients nous jugeront aussi sur nos outils»

La régie Duboux SA s’efforce encore d’être aux côtés de sa clientèle institutionnelle dans les démarches ESG, c’est-à-dire d’amélioration de ses bilans environnementaux et sociaux, ainsi que de sa gouvernance. A l’interne, la régie se dote d’une gestion documentaire entièrement informatisée. «Je suis friand de plates-formes qui permettent de collaborer mieux, dit Robin Crisinel, d’autant que dans dix ou quinze ans nos clients seront d’une autre génération et nous jugeront aussi sur nos outils».
Plus largement, le défi des années à venir tient en deux chiffres, estime Pierre Duboux: il faut loger chaque année 8000 nouveaux habitants dans le canton de Vaud et 80 000 en Suisse, soit l’équivalent de la ville de Bienne. En regard, il n’y a plus de terrain à bâtir. La licence de pilote d’hélicoptère de Robin Crisinel lui donnera-t-elle un atout sur ses concurrents pour dénicher, du ciel, la parcelle oubliée?

 

Cesare Accardi

GROS PLAN

Une transition en douceur

 

«Ce sera une transmission en douceur; mais il y aura une rupture: il n’y aura plus de Duboux impliqué dans la société, annonce Pierre Duboux. Nous avons cependant décidé de garder le nom, car il est associé à des valeurs de proximité et de qualité».
Son successeur, Robin Crisinel, n’avait jamais songé travailler dans l’immobilier. «En un jour, Pierre Duboux m’a convaincu de le rejoindre», se souvient-il. «J’ai vite vu les qualités de Robin et compris que si je voulais le garder je devais l’intéresser à l’entreprise», souligne Pierre Duboux. «Pierre m’a appris l’écoute, à ne pas m’énerver, à réfléchir avant d’agir. Il a d’énormes qualités humaines et professionnelles, ainsi qu’un charisme hors norme», souligne Robin Crisinel.
Difficile de passer l’épaisseur d’une feuille de papier entre les deux hommes. «Quand nous avons déménagé au Petit-Chêne, j’ai presque espéré que Pierre s’y oppose en raison du coût des nouveaux locaux. Mais non!», regrette à demi-mot Robin Crisinel. Des souvenirs de désaccord sur la marche de l’entreprise? Aucun, répondent en chœur les deux hommes.
Le déménagement au Petit-Chêne, en 2019, a permis de réunir tous les collaborateurs en un seul lieu, ce qui facilite les échanges et la connaissance mutuelle. «Une entreprise familiale se distingue par une taille contrôlable. Dans l’immobilier, c’est une qualité», relève Pierre Duboux. «Quand je suis arrivé en 2001, Jacques Duboux, le fils du fondateur, saisissait encore tous les chiffres à la main, se souvient Robin Crisinel. Il y avait six employés, des gens d’une valeur humaine incroyable, une vraie famille».
Combien de temps Duboux Immobilier pourra-t-elle encore rester une entreprise familiale? Non que son actionnariat soit menacé, ni qu’elle songe à se vendre à un grand groupe, mais parce que, comme le dit Robin Crisinel «nous voudrions rester comme lorsque nous étions six, mais ce n’est plus possible». Où est la limite du nombre de collaborateurs au-delà duquel les relations changent? Robin Crisinel l’ignore, mais il sait que si la régie continue à attirer de nouveaux clients, il le découvrira et devra agir en conséquence.