L’Arc lémanique toujours prisé.

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Analyse de Wüest Partner pour le JIM

La hausse des taux ne fait pas (encore) peur

18 Mai 2022 | Articles de Une

La tendance haussière constatée durant l’année 2021 (voir le Journal de l’Immobilier No 20, du 16 février 2022, disponible sur www.jim.media) semble se confirmer pour le premier trimestre 2022. Tous les cantons romands affichent en effet des croissances comprises entre 1% (Neuchâtel) et 3,5% (Valais) pour le segment des villas. Le seul canton à connaître une très légère correction est le canton du Jura (-0,3%).

Les hausses sont toutes positives concernant les appartements PPE, avec une fourchette comprise entre 0,4% (Genève) et 3,2% (Valais). Les effets de la remontée des taux d’intérêt ne se ressentent donc pas encore sur les taux de l’offre et les prix. Compte tenu d’un certain décalage entre les annonces (offre) et les transactions effectives, il est possible que les éventuelles conséquences se perçoivent plutôt au cours du 3e ou 4e trimestre 2022. Il est également possible que malgré la remontée des taux, la demande soit encore soutenue, alors que l’offre peine à suivre.
Nous avions noté, lors de l’analyse du trimestre dernier, que le taux de l’offre des logements en propriété avait atteint des niveaux historiquement bas, de l’ordre de 2,5% à 5,5% en fonction des cantons et des segments (PPE ou maison individuelle). Le manque d’objets, cumulé à l’épargne constituée durant la crise, pourrait encore permettre à des ménages d’acquérir malgré des taux d’intérêt moins attractifs.

Niveau et évolution des prix dans les cantons

Le niveau des prix fait référence à la moyenne pondérée des prix communaux au 1er trimestre 2022 (pondération par le parc correspondant) pour les villas et PPE et au 4e trimestre 2021 pour les locatifs. Les évolutions correspondent aux taux de croissance pour les périodes de 2012 à 2022, de 2019 à 2022 et de 2021 à 2022 pour les villas et PPE, ainsi que de 2011 à 2021, de 2018 à 2021 et de 2020 à 2021 pour les locatifs.

L’Arc lémanique toujours prisé

Si l’on observe plus en détail les évolutions trimestrielles des prix pour Genève et Vaud et bien que de manière générale ces dernières soient positives, les conclusions divergent légèrement en fonction du segment.
En effet, la croissance pour les maisons individuelles a été de 2,4% pour Genève et de 2,5% pour le canton de Vaud. Des hausses encore significatives sur un trimestre, ce d’autant que les prix absolus sont les plus élevés en comparaison romande.
La rareté des terrains en zone villas et les effets du télétravail avec des besoins plus importants en surface intérieure (bureau à domicile), mais également extérieure, renforcent donc l’attrait de ce segment.
En revanche, si l’on compare les taux de croissance pour le segment des appartements PPE, le canton de Vaud enregistre une hausse de 2,4% (très proche de l’évolution des maisons individuelles), alors que pour Genève, l’augmentation n’est «que» de 0,4%.
Comme pour les villas, il est à noter que Genève connaît très largement les prix moyens les plus élevés (environ CHF 1’800’000.- pour un logement de 110 m2 en moyenne dans le canton). De plus, les surfaces construites
en m2 sont plus importantes que pour les villas, le nombre unitaire de logements offerts est donc également plus important. Enfin, la réglementation spécifique genevoise des zones de développement avec prix contrôlés permet d’alimenter le stock avec des prix plus abordables et de concurrencer les logements PPE du marché libre.

Attrait du Valais confirmé

De tous les cantons romands, le Valais semble être le plus prisé, avec des hausses de prix de respectivement 3,5% et 3,2% sur le dernier trimestre pour les segments des maisons individuelles et des appartements PPE.
Alors que l’on peut interpréter les croissances plus faibles des autres cantons comme les premiers signes de la hausse des taux d’intérêt, le regain d’attractivité du Valais ne faiblit pas. La volonté de trouver un domicile dans une région moins urbanisée, que ce soit en plaine ou en montagne, inciterait les ménages à continuer à chercher dans le canton. La généralisation du télétravail a également joué un rôle et accentué les demandes.
Au contraire du Valais, les régions fribourgeoise, neuchâteloise et jurassienne connaissent un ralentissement de la croissance des prix.
A noter toutefois que si l’on observe les augmentations des prix depuis 2012 pour Fribourg, Neuchâtel et le Jura, les valeurs sont très élevées (+45,5%, +41,1% et +50,9% pour les villas et +37,2%, +44,8% et +35,7% pour les logements PPE), alors que sur la même période, le Valais a connu une hausse plus modérée de +21,3% pour les villas et +17,6% pour les appartements PPE. Les effets cumulés de la Lex Weber et de la révision de la LAT ont touché plus durement le marché valaisan que le reste des cantons romands.

Un marché locatif toujours sous tension

Le niveau des loyers suit la même tendance que celle des prix des objets en propriété. Le dernier trimestre montre en effet des hausses de 1,8% à 2,3% des niveaux de loyer pour les cantons romands, hors Genève et Vaud.
L’Arc lémanique connait des hausses bien plus modérées de 0,3% (Genève) et 0,9% (Vaud). Comme illustré auparavant, c’est aussi l’Arc lémanique qui dispose du niveau de loyer absolu le plus élevé. Il n’est donc pas surprenant d’y retrouver des croissances inférieures. Par ailleurs, l’arrivée sur le marché d’anciens baux avec des niveaux de loyers inférieurs vient également stabiliser le niveau des loyers proposés. Ce phénomène est plutôt observé dans les régions très dynamiques en termes d’activité de la construction et de demande.

 

WÜEST PARTNER
Vincent Clapasson
©Wüest Partner/Journal de l’Immobilier

De tous les cantons romands, le Valais semble être le plus prisé.

Thème spécial

L’effet de la durabilité sur la valeur des immeubles

Avec le réchauffement climatique, les conditions météorologiques extrêmes devraient se multiplier et s’intensifier. Par exemple, on a recensé cinq jours tropicaux (i.e. lorsque la température dépasse 30°C en journée) en Suisse en 2020, et on s’attend à ce qu’en 2060, ce nombre soit multiplié par trois. La ville de Genève est encore plus touchée par le réchauffement climatique, avec en moyenne quinze jours tropicaux en 2020, qui passeraient à trente-deux en 2060.

La Suisse vise la neutralité climatique d’ici 2050. Pour atteindre cet objectif, l’exploitation des immeubles devra devenir neutre en CO2, car l’immobilier est responsable du tiers des émissions de CO2 sur notre territoire. Ainsi, les dépenses seront importantes ces prochaines années. Or, selon un sondage réalisé auprès de 237 investisseurs institutionnels immobiliers de Suisse, 49% d’entre eux seraient prêts à payer davantage pour un bâtiment qui émet très peu de C02. Il est légitime de se demander si l’investissement dans l’immobilier durable apporte une valeur ajoutée. Pour y répondre, Wüest Partner a réalisé une étude empirique sur les conséquences de la durabilité sur la valeur de marché des immeubles de rendement.
La question centrale de l’étude était la suivante: comment évolue la valeur de marché de deux immeubles qui ne se distinguent que par le fait que l’un est chauffé au mazout ou au gaz, et donc émet du CO2, et que l’autre est chauffé par une pompe à chaleur, donc sans émissions de CO2? Pour l’établir, Wüest Partner a analysé près de
40 000 contrats de bail conclus entre 2015 et 2020 pour environ 2400 immeubles d’habitation, ainsi que 432 transactions d’immeubles d’habitation réalisées depuis 2017.
Pour chacun des immeubles examinés, les émissions de CO2 provenant d’énergies fossiles ont été modélisées de manière détaillée. Ainsi, les chauffages au mazout et au gaz émettent en moyenne 25 kg de CO2/m2/an dans les immeubles d’habitation en Suisse. Sur la base des données individuelles, l’étude a permis d’analyser l’effet statistique du type de chauffage sur les prix (loyers et taux d’escompte) des immeubles, en prenant en compte les différences de qualité des objets, liées à la situation, à l’état et au standard d’aménagement qui ont également un impact sur les prix.

Coût d’acquisition d’un nouveau chauffage par type de chauffage
(CHF par logement).
Frais accessoires: acomptes des locataires par type de chauffage
(en CHF par m2).

Énergie durable: des coûts d’investissement plus élevés …

Le passage d’un chauffage au mazout ou au gaz à une pompe à chaleur entraîne des frais supplémentaires. Sur la base des données des 2400 immeubles, l’installation d’un nouveau chauffage à énergie fossile coûte en moyenne 1300 francs par logement (1400 francs pour le mazout et 1200 francs pour le gaz). En revanche, le coût d’acquisition s’élève à plus de dix mille francs pour les pompes à chaleur). Si on calcule l’investissement dans une pompe à chaleur sous la forme de mensualité, cela représente un surcoût de 34 francs par logement et par mois par rapport à celui d’un nouveau chauffage au mazout ou au gaz (39 francs contre 5 francs pour le chauffage au mazout ou au gaz).

… des loyers nets plus élevés…

L‘analyse des baux indique que dans un immeuble d’habitation chauffé par une pompe à chaleur, le loyer net est en moyenne supérieur de 40 francs par logement et par mois au loyer net d’un immeuble identique mais chauffé au mazout ou au gaz. Pour le locataire, cette hausse de loyer est en grande partie compensée par une baisse des charges (acompte de charges et frais accessoires) de 33 francs par logement et par mois. Ce qui représente, en termes de loyer brut, une hausse de 7 francs par logement et par mois.

… et des taux d’escompte plus faibles

L’observation des transactions effectives permet de tirer les enseignements suivants: en moyenne, une réduction de CO2 de 1 kg/m2 représente une baisse du taux d’escompte de 0,4 points de base. Ainsi, comme le passage d’un chauffage à énergie fossile à énergie durable permet d’économiser en moyenne 25 kg de CO2/m2, le taux d’escompte d’un immeuble équipé d’une pompe à chaleur est inférieur à celui des immeubles chauffés à l’aide de combustibles fossiles de 10 points de base. En termes de valeur de marché, le passage à la pompe à chaleur, avec la réduction des émissions de CO2 induite, permet d’augmenter la valeur de marché grâce à cette baisse du taux d’escompte.

Conclusion

Ces résultats peuvent s’interpréter de la manière suivante: en moyenne, grâce à des potentiels locatifs plus élevés et à des taux d’escompte légèrement inférieurs, les immeubles d’habitation dont l’exploitation est neutre en carbone présentent une valeur de marché supérieure à celle des immeubles chauffés à l’aide de combustibles fossiles, même si les coûts d’investissement sont plus lourds. Sur la base des données de l’étude de Wüest Partner et selon la conjoncture actuelle de taux, la plus-value s’élève à 4% en moyenne. Ainsi, un investisseur serait disposé à payer plus pour un immeuble chauffé à énergie durable que pour un immeuble chauffé à l’aide de combustibles fossiles. Le conflit ukrainien vient de nous montrer notre dépendance énergétique vis-à-vis des énergies fossiles. Si le conflit dérape ou s’enlise, on devrait certainement assister à une intensification de la hausse des prix de l’énergie. Dans la perspective de coûts d’investissement plus élevés, la propension à payer des investisseurs institutionnels devrait certainement gagner en importance.

 

WÜEST PARTNER
Vincent Clapasson
©Wüest Partner/Journal de l’Immobilier