Des camions bien visibles, mais qui ne restent que peu de temps sur chaque parcelle

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Genève vibre pour la bonne cause

La géothermie: un potentiel énergétique infini

13 Oct 2021 | Articles de Une

A quoi peuvent bien servir ces étranges boîtiers orange disposés à même le sol dans divers endroits du canton de Genève? Ce sont des géophones, outils indispensables à la campagne de prospection du sous-sol pilotée conjointement par l’Etat de Genève et SIG-Services industriels de Genève. Les images géophysiques 3D récoltées permettront de cartographier précisément les couches souterraines du bassin genevois afin de localiser les sites les plus favorables à l’exploitation de la géothermie. Cette ressource locale et propre est essentielle à la transition énergétique, pour se chauffer et se rafraîchir. A Genève, nous recourons actuellement à 91% aux énergies fossiles (mazout, gaz) pour la thermique, provoquant ainsi de fortes émissions de CO2. Il est donc temps de changer de cap!

«La transition écologique implique d’accélérer le développement des énergies renouvelables et la géothermie n’est donc plus une option, mais une nécessité, déclare Antonio Hodgers, conseiller d’Etat chargé du Département du territoire. Il ajoute: les objectifs climatiques du canton, notamment inclus dans le Plan Climat cantonal adopté en juin 2021, visent à réduire nos émissions de CO2 de 60% d’ici à 2030 et à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050». Ainsi, la géothermie est une énergie d’avenir qui pourrait couvrir 20% des besoins du canton en chaleur (chauffage et eau chaude) et en froid d’ici 2035. Dans les trois ou quatre années à venir, on peut déjà s’attendre à son exploitation. Quartiers d’habitation, zones industrielles, bureaux ou serres agricoles bénéficieront de cette ressource disponible 24 h/24 et 365 jours par an.

La connaissance des profondeurs de la terre

«Nous avons beaucoup de peine à nous représenter le sous-sol, dont l’obscurité véhicule des craintes, souligne Michel Meyer, responsable géothermie à SIG. De plus, les forages sont souvent associés à des puits de pétrole, nécessitant des méthodes d’extraction qui génèrent des nuisances et sont sources d’importante pollution. En réalité, nous sommes un pays d’eau et exploitons cette ressource depuis la nuit des temps». L’eau qui circule sous nos pieds est réchauffée par la température de la terre qui augmente avec la profondeur, à raison de 30°C par kilomètre. Elle peut atteindre plus de 100°C à 3000 mètres de profondeur. La géothermie consiste à exploiter cette ressource sous forme de chaleur ou pour produire de l’électricité. Le programme GEothermies vise à améliorer la connaissance du sous-sol genevois et à élaborer un cadre institutionnel favorable au développement de cette énergie. Il comprend trois phases: la prospection, l’exploration par forage et l’exploitation.
A Genève, même si les techniques sont connues, la géothermie de faible et moyenne profondeur s’est peu développée jusqu’à présent, à l’exception des sondes géothermiques. Cette situation s’explique par une méconnaissance du sous-sol, ainsi que par un certain manque d’expérience et des bases légales peu adaptées. Ces lacunes sont en train d’être comblées. Afin de compléter les informations déjà obtenues lors de précédentes mesures (2014-2020), la campagne de prospection géothermique actuelle représente une étape décisive avant le passage à l’exploitation. Environ 12 000 parcelles, sur une surface de 190 km2, sont concernées. Du 13 septembre à fin octobre 2021, des camions vibreurs sont déployés sur la majeure partie du canton et quelques communes de France voisine. Ces véhicules émettent de courtes vibrations dans le sous-sol, qui se propagent et dont les échos sont enregistrés par des capteurs posés en surface. Les images 3D obtenues renseigneront sur les localisations les plus favorables aux futurs forages géothermiques, à savoir ceux présentant des débits d’eau suffisants pour l’exploitation. A noter que l’eau chaude recherchée se trouve généralement dans les zones naturellement fracturées et les couches perméables (calcaires).

La solution est sous nos pieds

La géothermie s’intègre dans le développement des réseaux thermiques structurants, aux côtés d’autres sources d’énergie que sont la biomasse, l’incinération des déchets ou la récupération de l’énergie thermique du lac et des cours d’eau. Mais arrivera-t-on pour autant à couvrir l’ensemble de nos besoins en chaleur et en refroidissement? Christian Brunier, directeur général de SIG, l’affirme. «En recourant à un mix d’énergies renouvelables, nous faisons non seulement du bien à la planète mais aussi à l’économie locale. En Suisse, nous dépensons entre 8 à 15 milliards de francs par année en combustibles fossiles! Si on réinjecte une partie de cet argent dans notre économie, cela créera une dynamique forte, notamment en termes de création d’emplois. Sans parler du fait que de nombreux pays qui produisent des énergies fossiles ne sont pas des exemples de démocratie…». Autre avantage de l’énergie issue de la géothermie: elle n’a pas besoin d’être importée. Son prix est compétitif et stable; il peut être garanti dans le temps, contrairement aux énergies fossiles. En effet, le prix du mazout ou du gaz peut changer en quelques jours; il est lié à des marchés incertains et fluctuants, comme nous le démontre malheureusement l’actualité. En outre, pétrole et gaz ne sont pas illimités et il s’agit de ressources polluantes, de plus en plus taxées. Les propriétaires qui font appel à la géothermie devancent les règlements, tout en bénéficiant de subventions et d’abattements fiscaux non négligeables.
L’Etat prévoit de déléguer à SIG le développement et la gestion des réseaux de la thermique renouvelable. Leur réalisation, qui a déjà débuté, représente le chantier du siècle pour le Grand Genève, succédant à celui du Léman Express. «Les Services industriels de Genève vont investir environ 1,5 milliard de francs sur dix ans pour la construction de réseaux thermiques écologiques, puis le marché local investira 1,5 milliard supplémentaire pour assurer les connexions à ces réseaux», note Christian Brunier. Ce dernier insiste sur le fait que SIG intervient exclusivement sur l’infrastructure de base; on collabore (pour la formation par exemple) avec les entreprises privées de chauffage-ventilation, en veillant à n’empiéter, en aucun cas, sur leur travail.

La campagne de prospection s’inscrit dans une dynamique de collaboration transfrontalière établie depuis plusieurs années

Pourquoi ne pas aller plus vite?

Les expériences menées à Bâle ou Saint-Gall, qui ont fait trembler le territoire, incitent à la prudence. «En effectuant une cartographie 3D précise et en menant parallèlement des études pointues, nous diminuons drastiquement les risques sismiques, poursuit Christian Brunier. Contre le changement climatique, on est dans un marathon, pas dans un sprint! Plusieurs villes prennent aujourd’hui exemple sur notre manière de procéder». Afin d’éviter toute pression financière et de temps, source d’incidents, SIG a effectué la première étape sans attente de rentabilité. A noter que les forages se feront sans fracturation et sans produit chimique; si des énergies fossiles – comme du gaz de schiste – étaient rencontrées par hasard, la loi genevoise interdirait d’y toucher. La seule ambition est donc de trouver de l’eau chaude et pure à moyenne profondeur.
Deux sondages exploratoires ont été réalisés, à Satigny et à Lully. Comme l’explique Michel Meyer, «les résultats préliminaires sont encourageants: ils montrent, pour le premier site, une source d’eau à une température de 33°C, avec des débits très importants, à 700 mètres de profondeur. En revanche, à Lully, où un forage de plus de 1400 mètres de profondeur a été réalisé, la température de 53°C était certes plus élevée, mais les débits sont restés faibles». Le sous-sol genevois, bien qu’offrant un potentiel intéressant, est complexe et hétérogène; il comprend des nappes éparpillées à des profondeurs variables. Les configurations géologiques du plateau suisse sont similaires à celles des bassins parisien et munichois, régions chauffées massivement à la géothermie, mais qui ont fait l’objet d’explorations/exploitations pétro-gazières importantes.

Cadre facilitateur

Comme nous le savons, les ressources du sous-sol n’ont pas de frontières. La campagne de prospection s’inscrit dans une dynamique de collaboration transfrontalière établie depuis plusieurs années. Le Grand Genève bénéficiera ainsi d’un socle commun de données publiques, en vue d’une gestion coordonnée des ressources naturelles à disposition.
Les promoteurs et constructeurs disposent aujourd’hui de structures d’accompagnement visant à faciliter leurs démarches (voir www.ge-energie.ch). Des experts sont présents pour les orienter en fonction des projets et des secteurs: la géothermie est-elle la solution adéquate? Peut-elle s’intégrer dans une planification plus globale, qui recourt à d’autres ressources renouvelables? Cette aide est précieuse pour tout porteur de projets, lui évitant des risques (financiers, environnementaux, etc.) ou des échecs éventuels.

 

Véronique Stein

GROS PLAN

Aucun risque

 

Dotés des dernières technologies, les camions collectent les données durant la nuit (de 21h à 6h), impliquant lors de leur passage des vibrations et des nuisances sonores liées essentiellement au moteur des camions. Ils n’effectueront en principe qu’un seul passage par adresse et n’ont pas d’impact sur les bâtiments ou les infrastructures du sous-sol (respect de la norme suisse SN 640-312A). Les boîtiers – 20 000 en tout – sont déposés à l’emplacement où les véhicules s’arrêteront pour vibrer. Veuillez ne pas les déplacer, les abîmer ou les enlever!

 

Pour en savoir plus: www.geothermies.ch

 

Quant aux forages géothermiques de faible et de moyenne profondeurs, il faut savoir qu’ils s’apparentent à un chantier classique. Ces interventions sont conformes à la législation en matière notamment de bruit, de sécurité, de traitement des déchets et de trafic.

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