L’extension conçue par Peter Zumthor devrait être inaugurée à l’horizon 2025-2026.

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ART

La Fondation Beyeler, 25 ans et un renouveau magistral

8 Fév 2023 | Articles de Une

Avec l’ouverture du chantier de son ambitieuse extension projetée par le célèbre architecte Peter Zumthor, le temple de l’art, aux portes de Bâle, a conjugué la spectaculaire célébration de son quart de siècle avec un nouvel élan projeté à la jointure de la nature et de l’architecture. En attendant l’inauguration du bâtiment d’ici 2026-2025, place au programme 2023, qui réserve de belles surprises.

Vingt-cinq ans déjà. A la Fondation Beyeler, dans la petite ville de Riehen près de Bâle, le public a pris l’habitude de conjuguer le temps de l’art et celui de la contemplation face à la campagne suisse et aux proches collines allemandes. Les Nymphéas de Monet dialoguent avec un bassin à nénuphars à travers une grande baie vitrée, des sculptures contemporaines s’exposent dans le jardin à l’anglaise où l’édifice dessiné par l’architecte génois Renzo Piano est devenu l’exemple même de l’harmonie à la croisée de l’architecture, de l’art et de la nature. Avec ses façades revêtues de roche volcanique et ses transparences rythmées comme une promenade de lumière, le bâtiment se fond dans l’environnement, comme s’il avait toujours existé. Ouvert en octobre 1997 par le couple de galeristes Ernst et Hildy Beyeler, le musée provoque alors le choc jouissif des amateurs en présentant un ensemble qui réunissait le meilleur de ce qui était passé entre les mains de ces marchands d’art depuis les années 1950. Nul ne s’attendait à tant de Cézanne, Matisse, Picasso, à tous ces Roy Lichtenstein ou Mark Rothko. Le temps a passé. Aux côtés de l’art moderne, l’art contemporain a pris ses aises avec Sam Keller (ex-Monsieur Art Basel) qui, depuis le décès du fondateur, en 2010, chapeaute la Fondation. Les acquisitions s’orientent alors du côté de Louise Bourgeois, Philippe Parreno ou Félix Gonzales-Torres. C’est avec l’exposition d’un spectaculaire extrait de cette collection riche de quatre cents œuvres que la Fondation a, jusqu’à cette fin janvier, célébré en grand son quart de siècle. Une occasion rare de découvrir des acquisitions récentes présentées pour la première fois et des œuvres majeures trop peu montrées. Le manque de place y est pour beaucoup. Avec l’art qui s’est habitué à de grands espaces clairs défiant les sages périmètres, la croissance régulière de la collection, les expositions temporaires à succès qui se multiplient, le musée qui fut agrandi en l’an 2000 a fini par se révéler trop étroit.

Les Nymphéas de Monet donnant sur le parc et l’étang aux nénuphars.

Nouveau joyau architectural

Durant des mois, le nom de l’architecte choisi pour l’extension du musée était resté secret, même durant les jours très bavards d’Art Basel 2016. En 2017, la Fondation présentait le projet de Peter Zumthor, le célèbre architecte bâlois honoré par le Prix Pritzker. Depuis longtemps dans les rêves de Sam Keller, la réalisation démarre enfin. Avec la récente ouverture du chantier, c’est une nouvelle alliance entre art, architecture et nature qui se profile à l’horizon 2025-2026.
L’architecture de Peter Zumthor, esprit singulier réputé pour sa poétique rigueur, devrait renforcer, en termes ultra-contemporains, ce rapport au paysage qui caractérise le musée d’art le plus fréquenté de Suisse. Choisi parmi les propositions de onze bureaux d’architecture du monde entier, le projet, implanté sur le parc Iselin-Weber adjacent, comporte trois bâtiments distincts, dont l’un dédié à l’administration et un pavillon de plain-pied entièrement vitré, réservé aux manifestations. Lové entre des arbres centenaires, l’édifice muséal s’offre au contraire comme un monolithe misant sur l’opacité et quelques grands cadrages choisis sur le parc. L’enveloppe en calcaire du Jura de couleur coquillage donne à l’édifice sculptural une sorte de silencieuse sensualité. Au final, le renouveau des lieux permettra d’ajouter 1500 m2 à la surface d’exposition, actuellement de quelque 3500 m2, tout en doublant les espaces verts.

2023 sous le signe de la découverte

Artiste colombienne invitée dans le cadre de la magistrale exposition anniversaire de 2022, Doris Salcedo (*1958), figure majeure de l’art contemporain, nous revient du 21 mai au 17 septembre 2023 à travers une grande exposition en solo. Une première dans un musée suisse pour la plasticienne qui, à travers ses installations, objets et sculptures, se penche sur les flux migratoires et les cycles sans cesse répétés de la violence, des deuils et de l’indignation qu’ils engendrent. En parallèle, un ensemble de toiles des années 1980 de Jean-Michel Basquiat, dispersé aux quatre coins du monde, sera réuni pour la première fois. Auparavant, le programme débute, dès fin janvier jusqu’au 21 mai, avec une première rétrospective consacrée à Wayne Tiebaud (1920-2021), peintre américain et l’un des pères du pop art, célèbre pour ses représentations de gâteaux, jouets et tubes de rouges à lèvres. L’année invite à d’autres événements temporaires, avec notamment, du 19 février au 1er mai, une rétrospective d’œuvres tardives de Picasso, hommage au cinquantième anniversaire de sa mort. Du 17 septembre au 28 janvier 2024, l’automne sera marqué par la présentation d’une cinquantaine de chefs-d’œuvre rarement donnés à voir de Niko Pirosmani (1862-1918), artiste géorgien légendaire, mais encore largement méconnu. A quand un petit hommage en filigrane à Jean Planque, ce génial collectionneur vaudois? Dénicheur, conseiller, acheteur et «œil» du galeriste Ernst Beyeler de 1954 à 1972, respecté par Picasso, protégé par Dubuffet, il ouvrit aussi très discrètement sa boîte à couleurs. En sont issues des œuvres discrètes, sorties de la clandestinité après le décès, en 1988, de cet homme fou d’art qui n’a jamais estimé le sien, à force de se passionner pour les grands maîtres du XXe siècle.

 

Viviane Scaramiglia

Une installation de Doris Salcedo présentée à la Fondation Beyeler.

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