Le nouveau visage du Théâtre de Carouge.

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Nouveau Théâtre de Carouge

Jean Liermier: «Le Théâtre a déjà un supplément d’âme»

27 Oct 2021 | Articles de Une

Totalement reconstruit, le nouveau Théâtre de Carouge sera inauguré vendredi 5 novembre avant deux Journées «portes ouvertes» samedi 6 et dimanche 7 novembre, où toutes les personnes intéressées pourront visiter les lieux. Un bâtiment fin et imposant, avec ses lignes élégantes, ses façades en briques beiges et ses espaces vitrés qui lui donnent un style très original et accueillant. «Je dirais que le théâtre vibre et respire déjà, confie son directeur, Jean Liermier, on sent qu’il a été puissamment rêvé et désiré par ses futurs utilisateurs, aussi bien les comédiens que le public».

Il est enthousiaste, bouillonnant, passionné: Jean Liermier, directeur du Théâtre de Carouge depuis 2008, est impatient d’inaugurer et de faire découvrir son nouveau théâtre, entièrement reconstruit sur le même emplacement connu de tous les Genevois, à la rue Ancienne à Carouge, à côté de la Salle des fêtes rénovée. Une sacrée aventure! Des années de travail et de passion, d’audace et de ténacité, pour un résultat impressionnant: libéré des échafaudages et des bâches qui en barraient la vue, le nouveau Théâtre de Carouge projette une silhouette dense et élégante, avec ses murs beiges qui lui donnent un petit air léger et désinvolte, une sorte de discret parfum venu du Sud. En tout, 300 000 briques posées à la main, l’une après l’autre, dans un souci de rigueur et d’harmonie. «La lumière change légèrement tout au long de la journée et selon la météo, remarque Jean Liermier; elle donne au bâtiment un aspect à la fois organique et intemporel, qui correspond exactement à l’identité de notre théâtre». Toutes les p rsonnes intéressées pourront d’ailleurs découvrir le théâtre de l’intérieur, lors des deux Journées «portes ouvertes». Il y aura plusieurs possibilités: soit une visite libre avec un parcours déterminé, soit l’écoute de deux petites présentations par Jean Liermier à 11 heures et à 17 heures, soit des visites guidées pour lesquelles il faut s’inscrire à l’avance.

Jean Liermier, directeur du Théâtre.

«Un travail collectif pour un outil fantastique»

Cette reconstruction du Théâtre de Carouge, explique Jean Liermier, c’est une oeuvre collective, un projet qui aura rassemblé les rêves et les envies d’une large partie de la société. «Le bâtiment est magnifique, s’exclame-t-il, c’est l’architecte lausannois François Jolliet, de l’atelier Pont 12, qui l’a réalisé après un concours: nous ne pouvions pas rêver mieux! Nous avons travaillé ensemble dans une harmonie parfaite, en dialoguant énormément, en réunissant au maximum nos expériences et nos compétences. Nous avons eu la chance aussi d’avoir une entente idéale avec la Ville de Carouge qui a la maîtrise de l’ouvrage, où Philippe Waller nous a accompagnés et aidés sans relâche. Nous avons désormais un outil fantastique qui nous donne envie de faire rayonner le théâtre et de partager notre passion avec le plus de gens possible». Tout commence en septembre 2017, après le résultat d’un vote référendaire: les citoyens approuvent très largement la reconstruction du théâtre votée par le Conseil municipal de Carouge, mais combattue par le parti MCG. «Le Théâtre de Carouge était réparti jusqu’alors sur quatre lieux éloignés, explique Jean Liermier. Il y avait le théâtre proprement dit avec la grande salle François-Simon, une petite salle et une salle de répétition un peu plus loin, à la rue Ancienne, et un troisième lieu, à Vernier, où nous avions les Ateliers et enfin les costumes tockés au Collège Madame de Staël…. Comme nous fabriquons absolument tout pour une pièce de théâtre, nous avons des ateliers très importants de menuiserie, de serrurerie, de vêtements, où travaillent un grand nombre d’artisans. En reconstruisant le nouveau théâtre, nous avons tout rassemblé au même endroit, ce qui est beaucoup plus pratique et rationnel. C’est un énorme progrès, qui va faciliter notre travail».

Deux salles pour accueillir le public: une de 460 places et une plus petite pour 135 spectateurs.

La vie entre deux théâtres

Reconstruire un théâtre, certes, mais comment faire, pendant les années de travaux, pour conserver les liens entre les comédiens et avec le public? Eh bien, en construisant un théâtre éphémère pour continuer les spectacles, tout en planifiant la construction du nouvel édifice! Un exercice un peu compliqué et vaguement schizophrénique, une sorte de dédoublement obligé, mais, au final, parfaitement réussi, d’autant que toutes les expérimentations positives du théâtre éphémère auront été utilisées aussitôt pour le nouveau! Les travaux pour le nouveau Théâtre de Carouge ont co mencé en mars 2018 et Jean Liermier a produit son premier spectacle en octobre de la même année à «La Cuisine», le nom du théâtre éphémère, à la rue Baylon, tout en préparant le retour à la rue Ancienne. Et l’on se rend compte, en parlant avec lui, qu’il s’est coulé un peu et même beaucoup, avec sa troupe, dans le rôle nouveau de l’architecte et même du designer, très sensible en tout cas aussi bien aux questions de lignes, d’espaces, de matériaux, de couleurs et de lumières, qu’à toutes les questions pratiques (grandeur de la scène, fonctionnement de la machinerie, forme des fauteuils…), qui conditionneront ensuite sa liberté de mouvement en tant de créateur et homme de théâtre. Car deux ordres de choses ne cessent de se mélanger: d’une part la réalité physique du bâtiment, avec sa rigidité et parfois sa dureté, mais, d’autre part, les flux d’énergie qui passent dans cet espace et qui lui donnent vie, vigueur, force. D’où ce lien mystérieux et dynamique entre un lieu et les émotions qu’il suscite, les sentim nts, les pensées qui vont s’y déployer et l’animer! Est-il nécessaire de dire que Jean Liermier a privilégié les lignes courbes, sinueuses, ouvertes, douces, bombées? Les lignes qui ouvrent la sensibilité, l’imaginaire, la réflexion, l’hésitation, le doute…

Le théâtre de tous les possibles

Le Théâtre de Carouge accueillera donc 460 spectateurs dans sa grande salle, 135 dans sa petite salle et éventuellement, pour un spectacle plus intimiste, quelques dizaines de personnes dans sa salle de répétition qui devra être adaptée pour l’occasion. L’aménagement intérieur du bâtiment vise à mettre les spectateurs à l’aise, à les recevoir le plus amicalement possible. A l’entrée, la billetterie à gauche et, à droite, le bar et un espace où l’on pourra manger avant ou après le spectacle. Pensé dans les moindres détails, le Théâtre de Carouge abritera aussi des salles adaptées, pour des entreprises souhaitant inviter leurs partenaires ou leurs clients. Et puis, dans l’allée extérieure qui longe le bâtiment, il y aura une angée de cerisiers japonais, des sakura, offerts par le Japan Club of Geneva, qui seront bientôt plantés et ajouteront une touche de poésie et de tendresse. Les liens entre la Ville royale du bon roi Victor-Amé et l’Empire du soleil-levant sont bien connus; la Fête japonaise annuelle est là pour le rappeler. «Nous avons remis le théâtre au milieu du village, dit Jean Liermier en riant. A chacune et à chacun d’en profiter!». Premier spectacle programmé, «Room», de James Thierrée, l’un des petits-fils de Charlie Chaplin, du mercredi 12 janvier au dimanche 6 février 2022.

ROBERT HABEL