Atelier d’architecture Jacques Bugna

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Jacques Bugna

«J’aime l’architecture imaginative»

3 Nov 2021 | Articles de Une

Il aime imaginer, méditer, concevoir et construire des bâtiments de toute sorte et de toute taille. Pour Jacques Bugna, la diversité des projets et des réalisations est à la fois un challenge et une incitation à la créativité. Rencontre.

Il nous accueille dans son grand bureau, dans le quartier de Malagnou. Jacques Bugna porte sur lui son tempérament d’artiste, il a toujours la même allure d’esthète: silhouette fine et élancée, catogan, regard vif et attentif, sourire discret mais profond. Un discours très réfléchi aussi, où l’on ressent clairement une réflexion qui ne s’arrête jamais. «Je peux dire que notre bureau est l’un des dix plus anciens de Genève, explique-t-il, puisqu’il a été fondé par feu mon père, Arthur, en 1951. J’ai fait mon stage chez lui, mais nous n’avons travaillé ensemble qu’un ou deux ans, car il est décédé assez jeune. J’ai repris le bureau en 1983, à 24 ans. C’était une année complexe: je dirigeais le bureau qui comptait une vingtaine de collaborateurs mais, au début, je n’avais pas encore terminé mon diplôme d’architecte. J’avais obtenu auprès du Département des travaux publics de l’époque une dérogation pour pouvoir déposer des demandes d’autorisation de construire».

Des réalisations très variées

Architecte de père en fils, une même passion pour l’acte de construire, une même envie de multiplier les projets les plus divers et d’innover, d’être original. «Nous avons fait beaucoup d’immeubles de logements, dit Jacques Bugna, mais aussi des réalisations dans tous les genres: des organisations internationales, des écoles, des maisons individuelles, petites ou grandes, des centres sportifs, des immeubles administratifs, le restaurant de l’OMS, le nouvel Hôtel de police, l’extension de l’Institut Florimont, le garage Audi et Seat à Vernier, le siège du
World Economic Forum, le nouveau terminal de Genève Aéroport… Ce choix de la diversité, c’est un peu la spécificité de notre bureau. Cela nous oblige, d’un projet à l’autre, à sortir des sentiers battus et à développer nos idées. La deuxième particularité de notre bureau c’est que nous avons une clientèle aussi bien privée que publique. Nous répondons à de nombreux appels d’offres et nous participons à de nombreux concours, avec un taux de réussite assez important».

Jacques Bugna.

Le nouveau terminal de l’aéroport

Sa plus grande réalisation actuelle, la plus spectaculaire en tout cas, c’est le nouveau terminal de Genève Aéroport. L’Aile Est, ou l’aile gros porteurs, pour être précis. Un bâtiment de 22 mètres de large et de 520 mètres de long, sur deux étages, qui surprend et séduit aussitôt par sa façade inclinée qui donne, comme le dit Jacques Bugna, «une dynamique exceptionnelle». Un rythme unique, une impression de légèreté. La construction est achevée depuis juillet dernier, mais il reste quelques aménagements et mises au point à apporter avant l’inauguration officielle et la mise en service.
«Nous n’avions jamais réalisé un bâtiment pour un aéroport, dit Jacques Bugna, et quand le concours international a été lancé, je l’ai regardé vaguement mais j’ai vite renoncé car je ne me sentais pas à l’aise. Et puis le bureau d’architectes anglais de Rogers Stirk Harbour + Partners nous a appelés. Richard Rogers c’est l’architecte qui a construit Beaubourg à Paris, avec Renzo Piano, en 1977, il a obtenu le prix Pritzker. On ne se connaissait pas, mais ses partenaires ont proposé de nous associer dans le cadre de ce projet».
Trente-trois bureaux en lice, une sélection implacable et, finalement, le succès que Jacques Bugna attribue à ce surcroît d’audace dû à la collaboration entre deux bureaux d’architectes et deux bureaux d’ingénieurs. Un projet d’une extrême complexité, tant dans la conception que lors de la réalisation, qui a duré des années, à partir de 2013, et qu’il a fallu mener évidemment alors que l’aéroport était en activité et que les avions continuaient de décoller et de se poser juste devant, sur le tarmac. Il a aussi fallu construire une tranchée couverte pour assurer la continuité de l’accès direct à partir de la France!

L’Aile Est de Genève Aéroport.

Voir Genève au premier
coup d’oeil

Le gros avantage de ce nouveau terminal, c’est qu’il permettra aux passagers d’embarquer et de débarquer de leur avion en toute facilité, en marchant. Plus besoin d’attendre un bus! Autre idée simple et géniale, comme œuf de Christophe Colomb, les passagers ne devront plus utiliser les tunnels qui relient aujourd’hui les satellites au terminal principal; ils pourront voir d’emblée le ciel et le paysage.
«Quand nos confrères anglais sont arrivés à Genève, reprend Jacques Bugna, ils nous ont fait une remarque intéressante. Ils nous ont dit qu’ils venaient de faire un vol magnifique, avec le passage le long des Alpes puis la descente sur le lac. Un spectacle de toute beauté! Mais en sortant de l’avion, ils se sont très vite retrouvés dans ces souterrains animés principalement par des panneaux publicitaires. Nous avons voulu faire en sorte que les passagers, avec le nouveau terminal, puissent avoir immédiatement une belle vue sur Genève et les montagnes qui l’entourent. Ce sera le cas!». Le nouveau terminal sera comme une invitation à l’art de vivre et à l’élégance qui font le charme de Genève.

Rénovation complète, agrandissement et surélévation de trois étages d’un immeuble du XIXe siècle.

Jacques Bugna ne veut pas concevoir toujours la même chose. Il aime le changement, la diversité, la surprise, il aime réfléchir à des demandes complexes, des demandes qui l’étonnent. Par exemple, une rénovation complète, un grandissement et une surélévation d’un immeuble du XIXe siècle, à la rue de la Scie, dans le quartier des Eaux-Vives; un ensemble constitué de cinq immeubles à l’angle de la route de Malagnou et du chemin Rieu, qui cherche le dialogue aussi bien avec le lieu cultuel juif qu’avec l’école Le Corbusier qui le jouxtent… Autant de défis qui permettent de se réinventer en permanence, autant de constructions qui montrent à quel point l’architecture, à Genève, est devenue forcément, ne serait-ce que par la densité et les innombrables contraintes de la ville, un exercice d’imagination!

 

Robert Habel