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finance immobilière - Lombard Odier décrypte l’investissement immobilier (1er volet)

Investir en direct, via une société ou par le biais d’un fonds: quelle fiscalité?

16 Avr 2025 | Articles de Une

Dans une salle comble de professionnels et d’investisseurs, une conférence organisée par la banque Lombard Odier a mis en lumière un enjeu majeur souvent sous-estimé dans les stratégies patrimoniales: la structuration fiscale d’un investissement immobilier. Présentée de manière vivante et concrète, cette session a confronté les différentes options à la disposition de l’investisseur privé genevois, désireux d’acquérir un immeuble de rendement.

En introduction, Patrice Gras, responsable de la clientèle suisse à Genève chez Lombard Odier, a rappelé que «l’immobilier, comme l’or ou le franc suisse, est considéré, et à juste titre, comme une valeur refuge. L’actualité politique et économique nous démontre une fois de plus l’utilité pour tout investisseur de s’y intéresser et d’y consacrer une partie de son patrimoine». Dans ce contexte, comment s’y prendre pour diversifier encore davantage son portefeuille? Quelles sont les possibilités de détention d’un immeuble de rendement et leurs avantages/désavantages respectifs? Selon l’option choisie, qu’en est-il de la fiscalité? Autant de questions auxquelles deux experts de LO Patrimonia SA – Lea Baracchini, conseillère patrimoniale et avocate fiscaliste, et Samuel Meylan, responsable du conseil patrimonial pour la Suisse – ont apporté des éléments de réponse.

Eviter la case du professionnel de l’immobilier

Avant d’entrer dans le vif du sujet, les orateurs ont soulevé un point fondamental: est-ce qu’à un moment donné, l’administration fiscale pourrait considérer que l’on n’est pas un simple investisseur, mais un professionnel de la branche immobilière? La distinction n’est pas anodine. Elle peut transformer un impôt à 2% en cas de revente en fortune privée, en une ponction de plus de 50% si le contribuable est qualifié de professionnel. Autrement dit, un changement de casquette fiscale peut coûter très cher.
Parmi les critères développés par la jurisprudence pour établir ce statut: le lien avec la profession, la répétition d’opérations, l’intention de générer un gain grâce à un projet de développement, ou encore le recours à des fonds étrangers importants. Enfin, un investisseur s’associant à un architecte pour une promotion, par exemple, pourrait rapidement tomber sous le coup de cette qualification.

De gauche à droite: Franco Fortunato, Lea Baracchini, Julian Reymond et Samuel Meylan.

La comparaison chiffrée qui éclaire

Le cœur de la présentation reposait sur un exemple concret: un immeuble de rendement situé à Genève, d’une valeur fiscale de dix millions de francs, financé à hauteur de six millions par crédit hypothécaire. A partir de là, deux scénarios ont été modélisés. En détention directe, c’est-à-dire lorsque l’investisseur est propriétaire en nom propre de l’immeuble, il perçoit 500 000 francs de loyers bruts, supporte des charges et intérêts, et déclare un revenu net de 280 000 francs. Résultat: environ 165 000 francs d’impôts (fortune, revenu, impôt immobilier complémentaire).
Le second cas de figure concerne la détention indirecte (l’investisseur détient des actions d’une société propriétaire de l’immeuble): grâce à l’amortissement comptable et à une fiscalité plus douce sur les bénéfices (14% à 15% versus plus de 40% pour les personnes physiques), la charge fiscale directe tombe à 68 000 francs. En y ajoutant la fiscalité sur les dividendes distribués (environ 75 000 francs), le total grimpe à 143 000 francs. Résultat: un gain net de 20 000 francs par rapport à la détention directe.

L’impôt n’est pas le seul critère

Derrière les chiffres, plusieurs réflexions stratégiques ont été mises en avant. Avez-vous besoin des loyers pour vivre? Si oui, la détention directe garde l’avantage: pas besoin de passer par la société pour redistribuer les revenus, et donc éviter une couche d’imposition supplémentaire.
Autre facteur déterminant: la durée de détention. Si la vente de l’immeuble est envisagée, la détention directe permet de profiter du taux d’impôt sur les gains immobiliers réduit à 2% après vingt-cinq ans. En société, cette vente est toujours taxée à 14%, quel que soit le délai.
Enfin, la question de la transmission est cruciale. Pour un patrimoine familial à faire vivre et croître sur plusieurs générations, la société peut offrir plus de flexibilité et une meilleure gouvernance que l’indivision classique.

Et les fonds immobiliers,
dans tout ça?

La présentation a abordé une troisième voie, souvent méconnue: les fonds immobiliers. Contrairement à la détention directe ou via une société, ceux-ci offrent une fiscalité très avantageuse. Ils sont fiscalement transparents pour l’impôt sur la fortune, mais surtout, ils réduisent considérablement l’impôt sur le revenu: à Genève, on passe ainsi de 43% (impôt personnel) à environ 18% (niveau du fonds).
Pas étonnant dès lors que les investisseurs soumis à l’impôt forfaitaire – très présents à Genève – soient séduits par ce type de véhicule. Mais il faut en accepter les limites: aucun contrôle direct sur l’immeuble, mutualisation des actifs et une logique plus financière que patrimoniale.
Au terme de la conférence, le message était clair: la fiscalité ne doit pas être l’unique boussole. Le souhait de détention, le besoin de liquidité, les perspectives de transmission et la vision patrimoniale à long terme sont autant de critères à évaluer. En résumé, investir dans l’immobilier à Genève, ce n’est pas seulement une question de brique, c’est aussi et surtout une question de structure. Et comme l’ont rappelé avec justesse les intervenants: «Pour éviter les mauvaises surprises, mieux vaut être bien accompagné dès le départ».

 

Véronique Stein

Patrice Gras.
Lea Baracchini.
Samuel Meylan.
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