presse - Dernier numéro
Il était une fois l’immobilier
C’est une aventure qui aura duré plus de trente ans et qui se termine – hélas! -aujourd’hui avec ce dernier numéro. Fondé par Thierry Oppikofer en mai 1993, le Journal de l’immobilier, supplément à succès du «Journal de Genève», est ensuite devenu un hebdomadaire à grand tirage, appelé «Tout l’immobilier». En effet, le «Journal de Genève», lâché par ses actionnaires, a été vendu en 1998 au groupe vaudois Edipresse et fusionné avec un quotidien lausannois pour créer «Le Temps». Enfin, en 2021, le même «Temps» est venu chercher l’équipe de «Tout l’Immobilier» pour créer le nouveau «Journal de l’Immobilier»… avant de changer de président, de directeur, de ligne et de stratégie.
Mais foin des péripéties: le Journal de l’Immobilier n’a pas seulement connu une longue et brillante réussite économique, il a aussi et surtout changé radicalement la perception de l’immobilier à Genève et en Suisse romande. Ce n’était pas une aventure économique, en fait, mais une aventure culturelle!
L’immobilier, c’est beaucoup plus que l’immobilier! Ce n’est pas seulement une activité économique et sociale aussi indispensable que terriblement compliquée et exigeante, avec son maquis invraisemblable de normes souvent kafkaïennes, c’est aussi et avant tout une formidable machine culturelle, sociale et politique; c’est une fabrique surpuissante de créations architecturales et d’émotions esthétiques qui ne s’arrête jamais, au cœur de la société et de la vie quotidienne des gens. Notre rédaction a le mérite de l’avoir fait comprendre (sauf à certains…).
Le rôle moteur de l’immobilier
C’est pourquoi Thierry Oppikofer, en créant ces médias de l’immobilier, avait tenu d’emblée à saisir et à faire vivre l’immobilier dans toutes ses dimensions, les sempiternels problèmes de manque de logement ou de coût des loyers, qui monopolisaient et stérilisaient alors toute discussion, ne devant plus occulter le rôle moteur et le formidable dynamisme de l’immobilier et de ses multiples acteurs: promoteurs, constructeurs, architectes, ingénieurs, designers, maçons, artisans, peintres, électriciens, plombiers, serruriers, bref tous ceux que l’on appelle amicalement «les gars du bâtiment».
L’aventure a commencé en 1993, quand Thierry Oppikofer, spécialiste de politique internationale puis correspondant parlementaire à Berne, a créé le Journal de l’immobilier comme un supplément hebdomadaire du défunt «Journal de Genève». Elle a continué au lendemain de la fin du quotidien genevois, quand il a fondé Tout l’immobilier, qui a vécu plus de vingt ans avant de disparaître à son tour en 2021. Thierry Oppikofer a fondé alors le Journal de l’immobilier, distribué en caissettes et joint au quotidien «Le Temps». Un parcours avec le même fil rouge: la passion pour un secteur aussi vital que créatif et optimiste.
«Immobilier et humanisme»
«Immobilier et humanisme», c’est la devise que Thierry Oppikofer avait choisie pour notre hebdomadaire. Deux termes qui, loin de s’exclure, n’ont cessé de s’éclairer et de s’enrichir mutuellement, l’intention étant de favoriser le développement d’un parc de logements aussi variés et agréables à vivre que possible. L’immobilier était présent avec toute sa rigueur et sous tous ses aspects (projets, promotions, problèmes de financement ou de rentabilité, assurances, questions juridiques), mais l’humanisme n’était jamais absent et l’accompagnait toujours, s’efforçant de prendre en compte et d’anticiper les conséquences de l’acte de bâtir – et donc de la création d’un immeuble ou d’un quartier entier (les Vergers à Meyrin, L’Etang à Vernier) – sur la future manière de vivre des habitants. Le Journal de l’immobilier s’intéressait à l’esthétique des bâtiments et à l’harmonie de l’urbanisme, mais aussi à l’aménagement intérieur de la maison (ameublement, décoration, design, style, jardinage).
Un glissement des mentalités
Une double démarche qui, au fil des ans, a radicalement transformé la perception de l’immobilier dans la population genevoise et romande. Une sorte de glissement des mentalités, une nouvelle manière de ressentir son environnement, une atmosphère nouvelle, moins crispée et plus apaisée, à la fois plus rationnelle et plus sensible. Faire aimer l’immobilier, n’était-ce pas impossible? C’est pourtant ce que le Journal de l’immobilier a fini par réaliser en faisant découvrir l’incroyable vitalité et l’originalité des bâtisseurs et des promoteurs genevois et romands. Le journal s’arrête aujourd’hui, hélas, victime à sa manière de la toute-puissance d’Internet et de la fin du papier, mais il aura accompagné et peut-être favorisé des décennies de croissance.
«J’ai labouré la mer», disait à la fin de sa vie Simon Bolivar (1783-1830), le grand libérateur de l’Amérique latine, en voyant que tout ce qu’il avait fait se décomposait sous ses yeux. Le Journal de l’immobilier a labouré la terre, la ville, la campagne, l’architecture, l’urbanisme…
Le temps n’est pas à l’amertume, le Phœnix renaîtra!