Culture - Loin des polémiques passées
Genève aura-t-elle enfin son nouveau MAH?
Le premier appel à projet pour la rénovation et l’agrandissement du Musée d’art et d’histoire date de 1998. La saga continue. Après l’échec dans les urnes du projet de Jean Nouvel, en 2016, la Ville de Genève présente un nouveau projet retenu sur concours, signé par deux jeunes architectes locaux. S’il ne rencontre pas d’écueils, il pourrait être réalisé en 2035.
Image de synthèse du projet lauréat. Musée d’art et d’histoire de Genève, entrée principale.
Ni tabula rasa, ni dénaturation patrimoniale, ni atteinte à la butte de l’Observatoire, sujet à polémique, mais un projet qui préserve l’existant tout en finesse, en lui ajoutant quelques 4000 m2 d’espace utile. Le tout sans nouveau bâtiment, ni surélévation. Même l’intervention souterraine se limitera au strict minimum. Signée Fanny Noël et Diego Lopez, jeunes architectes locaux, le concept tout de sobriété tourne radicalement le dos à la proposition de Jean Nouvel imaginée dans la mouvance de l’architecture iconique censée doper l’attractivité touristique des villes, à l’image du Guggenheim de Frank Gehry à Bilbao (le grand maître aux dépassements du budget légendaires n’a pas peur de se comparer aux géants). L’idée de la Municipalité est bien de redescendre sur terre, alors que les menaces d’un référendum planent toujours à Genève, avec les résultats dévastateurs que l’on sait. Chef du département de la culture, Sami Kanaan affirme avoir «tiré les leçons du passé».
L’institution sort de sa forteresse
Quarante-huit projets internationaux ont été mis sous la loupe du jury fort de vingt-quatre experts, en septembre 2023. Choisi à l’unanimité en avril dernier sur les dix projets retenus, «Umwelt» présenté par le bureau genevois, fait de l’institution un musée ouvert. Blindé d’exigences, le concours visait non seulement l’architecture et la restauration au sens strict, mais aussi le paysage. De quoi désenclaver le musée ceinturé par deux grands boulevards et une imposante colline, en remodelant son intégration urbaine et paysagère. Avec la collaboration des architectes-paysagistes de l’Atelier Plum, sis lui aussi à Genève, le projet verdit. «La canopée va tripler dans le périmètre et les sols seront perméabilisés», relève la patronne sortante de l’Aménagement, Frédérique Perler. La promenade de l’Observatoire est renforcée et l’espace de végétation amené jusqu’au pied du musée.
Piétonnisé et végétalisé, le boulevard Emile-Jacques-Dalcroze, qui conservera l’accès au parking Saint-Antoine, rejoindra le quartier de Rive réaménagé. «Architecte du musée construit en 1910, Marc Camoletti avait prévu une sorte de jardin à la française descendant en gradins jusqu’au centre-ville, note Marc-Olivier Wahler, directeur du musée. L’idée n’a pas pu être concrétisée, mais le projet me tient à cœur. Un musée réellement connecté à la ville est un lieu dans lequel on peut avoir envie d’entrer spontanément».
Le musée de demain
A l’heure des évolutions sociétales et culturelles, l’esprit d’ouverture est aussi celui qui souffle sur l’institution, plus que jamais à la recherche de son avenir. Elargir le rôle d’un musée et multiplier les manières de l’habiter est au centre du concept du MAH de demain. Et le projet d’agrandissement y fait écho. Des espaces généreux seront aménagés sous la toiture et dans les étages des deux anciennes écoles des Casemates et des Beaux-Arts (extensions qu’on avait estimées «impossibles» lors des débats passés). Un foyer public de plain-pied s’ouvrira sur le passage Burlamachi et les Casemates seront transformées en parcours d’exposition. La circulation est pensée comme une promenade continue qui traverse l’ensemble des bâtiments, grâce à la création de deux passerelles. Le parcours est rythmé par des moments de respiration, avec des salles de lecture et deux cours intérieures végétalisées, offertes au dialogue entre art et nature. La toiture devient accessible au public. Le foyer, le restaurant et la salle de conférence seront autonomes, avec des horaires d’ouverture indépendants du musée.
Bien qu’aucune estimation chiffrée n’ait été communiquée par les autorités, le coût du projet englobant l’ensemble du réaménagement urbain devrait avoisiner 300 millions de francs. Après l’enveloppe de 19,9 millions votée par le Municipal en septembre 2023, un deuxième crédit d’études complémentaires sera présenté dans trois ans. Viendra ensuite le crédit qui devrait permettre une réalisation à l’horizon 2025.