Suzanne Zenker.

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LES FEMMES DANS L’IMMOBILIER - Susanne Zenker, CFF Immobilier

«Garantir une culture de qualité du bâti»

5 Avr 2023 | Articles de Une

Les CFF sont l’un des acteurs clefs de l’immobilier en Suisse, au travers des installations ferroviaires et des immeubles ou terrains dont ils sont propriétaires. Susanne Zenker, membre de la Direction de CFF Immobilier et responsable du Développement, répond à nos questions.

– Susanne Zenker, quelles sont la mission et les responsabilités de CFF Immobilier?
– CFF Immobilier veille à la sécurité, à la propreté et au confort dans les gares, véritables cartes de visite des CFF. La division les transforme en hubs de mobilité efficaces. En collaboration avec les villes et les communes, les sites à proximité des gares et qui n’ont plus de vocation ferroviaire sont transformés en quartiers attrayants et vivants, ce qui favorise l’accès au train. Développer et densifier ainsi les sites au cœur de la mobilité accélère la répartition modale au profit des transports publics et assure des revenus réguliers à long terme pour le système ferroviaire. Ainsi, CFF Immobilier fait partie des chemins de fer intégrés. Cela signifie que tout ce que nous faisons contribue au bon fonctionnement de l’ensemble de l’entreprise et à sa santé financière à long terme. Les recettes des opérations immobilières restent à 100% dans le système ferroviaire et sont réinvesties dans l’infrastructure, par exemple. Plus d’un million de clients du rail en profitent chaque jour.

– Quel est le rôle que se donnent les CFF dans la mise en œuvre des politiques de logement en Suisse?
– Les CFF ne font pas de politique, mais mettent en œuvre le mandat de leur propriétaire, soit la Confédération. Celui-ci consiste à développer les zones qui ne sont plus nécessaires à l’exploitation et à assurer ainsi des revenus récurrents à long terme, au profit du système ferroviaire. En ce qui concerne l’offre de logement, cette mission est déployée avec la mesure nécessaire: sur un total de 12 000 logements en 2037, environ la moitié seront proposés avec un loyer modéré. Ces logements seront soit construits par les CFF, soit développés en collaboration avec des coopératives. Il ne faut pas oublier que les CFF ne sont pas un acteur important sur le marché du logement. Les 12 000 logements mentionnés pour 2037 ne représentent que 0,5 % de l’ensemble du marché suisse du logement locatif.

– Quelle est la stratégie immobilière des CFF en matière de construction de logement?
– Un quartier ne fonctionne que s’il est vivant. Pour cela, il faut une grande diversité d’affectations. Nos objectifs sont donc les suivants: proposer une offre large de logement et des rez-de-chaussée accessibles au public, avec des activités qui animent les espaces publics et contribuent à la qualité de vie du quartier. Des enseignes locales et des lieux identitaires vont non seulement répondre aux attentes des habitants du quartier, mais attirer également ceux des quartiers environnants. Citons par exemple le Parc du Simplon à Renens/VD.

– Quelle est la taille actuelle du parc immobilier des CFF?
– Le parc immobilier actuel des CFF porte sur trois portefeuilles: quelque 800 gares et arrêts constituent le portefeuille «Gares». Le portefeuille «Objets de placement» contient environ 150 objets en cours de planification et de construction. Le troisième portefeuille «Objets d’exploitation» comporte quelque 200 bâtiments et surfaces occupés par les CFF (notamment immeubles de bureaux, centres d’entretien, ateliers, entrepôts et locaux commerciaux). Cela représente au total environ 12,2 millions de m2 de surface de foncier et 3500 bâtiments.

Central Malley/VD.

– Quels sont les principaux projets immobiliers actuels des CFF en Suisse romande?
– Le site de Central Malley est le plus important projet actuellement en construction en Suisse romande. Situé sur les communes vaudoises de Prilly et Renens, il représente plus de 42 000 m2 de surfaces commerciales, de bureaux et de logement. CFF Immobilier construit également un immeuble à côté de la gare de Cully/VD, comportant 24 appartements et quelque 1500 m2 de surface dédiée au commerce. Le dernier bâtiment du quartier du Parc du Simplon, à Renens, sera mis en service l’année prochaine et abritera notamment le centre d’exploitation Ouest des CFF, équivalant à une tour de contrôle du trafic ferroviaire. Non loin de là, le dernier bâtiment situé à l’est de la gare de Renens verra sa construction démarrer cette année, une fois le permis de construire reçu. Il abritera logements, bureaux, surfaces commerciales, mais également, au sous-sol, 153 places de stationnement pour les voitures, ainsi qu’une vélo-station de 300 places.

– Les CFF ont été accusés l’année passée de spéculer avec des loyers trop élevés, notamment avec des appartements dans les grandes villes, et d’agir de façon générale comme n’importe quel promoteur immobilier, sans considération de l’intérêt collectif qu’ils doivent servir. Qu’en est-il?
– Comme nous l’avons déjà mentionné, les CFF mettent en œuvre le mandat de leur propriétaire, qui est le suivant: développer les sites qui ne sont plus nécessaires à l’exploitation ferroviaire et garantir ainsi des revenus récurrents à long terme au profit du système ferroviaire. Avec leur offre de logement, les CFF prennent leurs responsabilités: la moitié de nos objets seront proposés à loyer modéré. Par nature, nos sites sont situés au centre des villes et des communes et marquent ainsi l’image et la qualité de vie des lieux. Il va de soi que les CFF ont ainsi la responsabilité de fournir de bonnes solutions. Nous assumons très volontiers cette responsabilité et misons sur une planification minutieuse, de sorte à garantir une culture du bâti de qualité et de créer des lieux où les gens se sentent bien. Pour y parvenir, nous suivons des processus établis qui ont fait leurs preuves; nous travaillons en partenariat avec les villes et les communes, nous impliquons la population dans des processus participatifs et nous recherchons les solutions urbanistiques et architecturales appropriées, par le biais de mandats d’études et de concours.

– Quelle est la stratégie en matière de mise en valeur du patrimoine ferroviaire utilisé et non utilisé (anciennes installations et gares désaffectées)?
– Nous voulons que le patrimoine ferroviaire historique vive. Cela signifie que nous en prenons soin, tout en l’adaptant aux exigences de notre époque. Le «Werkstadt Zürich» (jeu de mots entre Werkstatt, atelier, et Stadt, ville, ndlr), situé sur le site des anciens ateliers des CFF à Zurich-Altstetten, en est un parfait exemple. Ce projet de transformation se base sur l’imbrication de la substance historique, c’est-à-dire les installations ferroviaires en tant que marque forte de l’entreprise CFF, avec le réaménagement des espaces extérieurs publics et des interventions urbanistiques et de densification. Mais le développement ne se limite pas aux bâtiments et aux espaces extérieurs. Les affectations choisies sont également essentielles. Le «Werkstadt Zürich» offre des espaces, au cœur de la ville, au secteur de la production qui a longtemps été repoussé de plus en plus en périphérie.

– Quelles sont les valeurs de CFF Immobilier dans le domaine de la mobilité, de la culture du bâti et du développement durable?
– En tant que chemin de fer intégré, les CFF travaillent à l’interface entre l’aménagement du territoire et de la planification des transports. Pour le département «Immobilier-Développement» que je dirige, cela signifie que nous travaillons à l’interface entre la ville et la mobilité et que nous pouvons influencer cette interaction. En développant et en densifiant les villes dans les centres, en trouvant un équilibre entre bâti et espace libre, en créant des quartiers attrayants et vivants, nous attirons la population vers les gares et facilitons ainsi l’accès au train. En d’autres termes, nous veillons à ce que davantage de personnes se tournent vers les transports publics. Avec des lieux situés au cœur des villes et de la mobilité, nous façonnons l’image et la vie des centres urbains. En raison de cette responsabilité, nous nous devons d’être exemplaires et de garantir une culture du bâti de qualité. Nous souhaitons contribuer au développement durable de l’espace de vie. D’une part, en prenant soin de la substance existante et de l’héritage en matière de culture du bâti. D’autre part, en aménageant des quartiers attrayants et animés aux abords des gares et en apportant ainsi une valeur ajoutée aux villes, aux communes et à la population.
Pour y parvenir, nous développons les gares et les sites en suivant des processus établis, impliquant tous les acteurs importants. Grâce à ces processus standardisés, nous souhaitons créer des espaces de vie diversifiés de grande qualité et bien acceptés par la population. Ces espaces doivent répondre aux futures exigences de la société, en constante mutation, tout en préservant l’identité historique des lieux. Les procédures participatives, les concours d’urbanisme et d’architecture, ainsi que l’échange permanent avec les communes, les villes, les cantons, les autorités et le public sont essentiels au succès de nos projets.
Dans le cadre du développement de nos sites, nous entendons la durabilité au sens écologique, économique et social du terme. Elle place l’individu et ses besoins au centre de toute considération, pour faire des villes des lieux plus accueillants et plus intelligents. Nous mettons également l’accent sur la protection du climat, les économies d’énergie et la construction durable. L’objectif des CFF est d’atteindre la neutralité climatique et nous entendons diminuer nos émissions de moitié d’ici à 2030. L’économie circulaire, ou la construction circulaire qui consiste à réutiliser des matériaux existants, ne cesse de gagner en importance.

– La viabilité écologique est stratégiquement importante selon les CFF. Pour les gares, que cela signifie-t-il concrètement? Pouvez-vous donner un exemple concret dans une gare de Suisse romande actuellement en transformation?
– Les CFF sont en route vers la neutralité climatique. Ils entendent diminuer les émissions de moitié d’ici à 2030. Nous adoptons de nombreuses mesures dans les projets de réhabilitation et de construction, pour proposer à terme des bâtiments durables. La planification, la construction et l’exploitation des bâtiments se font dans un souci d’économie de ressources et d’efficacité énergétique.
La gare de Delémont, dans le Jura, est un bon exemple de gare écologique regroupant des projets innovants dans les domaines suivants:
• Domaine de l’énergie, grâce à une installation photovoltaïque transparente qui remplace l’avant-toit;
• Domaine du climat, avec la végétalisation des surfaces, qui leur évite d’être des îlots de chaleur;
• Domaine de la biodiversité, avec la création de petits espaces verts, qui constituent un habitat naturel pour les plantes et les animaux;
• Domaine de la préservation des ressources, avec la perméabilisation de l’asphalte, qui permet à l’eau de pluie de s’infiltrer;
• Domaine de l’économie circulaire, grâce à des mesures de tri et de recyclage des déchets.

 

Propos recueillis
par Laurent Passer

GROS PLAN

Susanne Zenker est responsable Développement et membre de la Direction de la division CFF Immobilier depuis janvier 2019. Architecte diplômée EPFL, elle travaille aux CFF depuis 2013. Elle y a été responsable «Objets de placement-Développement». Avant d’intégrer les CFF, elle a œuvré dans plusieurs cabinets d’architectes renommés à Londres et à Zurich, puis a occupé la fonction de chef d’équipe Développement immobilier chez Steiner SA, à Zurich et à Lausanne.