La chronique de Me Ludovic Jordan - avocat en droit de la construction et de l’immobilier
Garantie pour les défauts: retenez-la!
Dans le cadre d’un contrat d’entreprise, le maître d’ouvrage bénéficie d’une garantie pour les défauts, dont découle notamment le droit d’exiger de l’entrepreneur la réfection des défauts affectant l’ouvrage. En matière de construction, cette garantie permet par exemple au propriétaire d’une villa nouvellement érigée de réclamer des entreprises concernées la correction de l’étanchéité d’une introduction électrique mal exécutée, le réglage d’une porte dont la fermeture est impossible, ou encore le changement d’une isolation défaillante.
Comment garantir que l’entreprise, une fois le chantier terminé et ses factures intégralement payées, assure la réfection de défauts constatés? Une entreprise diligente interviendra naturellement, ne serait-ce que pour préserver sa réputation ou ses relations commerciales. Cependant, le maître d’ouvrage n’est pas à l’abri d’avoir adjugé ses travaux à une entreprise négligente ou peu scrupuleuse.
Aussi, parmi les nombreux moyens renforçant la mise en œuvre de la garantie pour les défauts dont bénéficie un maître d’ouvrage figurent la retenue de garantie, puis le cautionnement solidaire.
La retenue de garantie
Dans un premier temps, la retenue de garantie autorise le maître d’ouvrage à déduire de chaque paiement d’acompte ou de facture un pourcentage du prix demandé par l’entreprise, et sert ainsi de garantie pour l’exécution des obligations de l’entrepreneur jusqu’à la réception de l’ouvrage. Elle permet au maître d’ouvrage d’exiger, en cours de travaux, la réfection des défauts apparus, ou de payer une entreprise tierce pour les réparations, dans l’hypothèse où l’entrepreneur initial refuserait de s’exécuter.
Cela étant, la retenue de garantie n’est pas automatique et dépend du type de contrat d’entreprise conclu. En effet, le contrat d’entreprise est généralement soumis aux règles générales du Code des obligations. Néanmoins, les parties ont la possibilité de soumettre leur contrat d’entreprise à la norme SIA 118. Le droit de retenir une part de paiement diffère foncièrement d’un système à l’autre.
• Lorsque le contrat est soumis à la norme SIA 118, celle-ci prévoit un système de retenue de garantie pour les contrats à prix unitaires. Selon cette norme, le montant de la retenue est égal à 10% de la valeur des prestations dont le paiement est sollicité. Si la valeur de la prestation excède CHF 500 000.-, ledit montant est égal à 5% de la valeur, mais à CHF 50 000.- au moins. Dans certains cas que nous ne développerons pas ici, ce montant peut s’élever à 20%. Sauf convention contraire, la retenue ne peut en aucun cas dépasser CHF 2 000 000.-. En matière de contrat à prix global ou forfaitaire, la norme SIA 118 ne contient pas de règle quant à la retenue, laquelle doit donc être convenue entre les parties.
• Si le contrat est simplement soumis au Code des obligations, aucune règle légale ne prévoit de retenue de garantie en faveur du maître d’ouvrage. Il importe ainsi pour ce dernier de convenir d’une telle retenue de garantie, en s’inspirant par exemple des règles prévues par la norme SIA 118.
Le cautionnement solidaire
Dans un second temps, le cautionnement solidaire intervient, après la réception de l’ouvrage, en remplacement de la retenue de garantie. Ce cautionnement consiste en un certificat de garantie d’un certain montant délivré par une banque ou une compagnie d’assurance renommée, en faveur du maître d’ouvrage. Il permet à ce dernier d’exiger le versement de la somme d’argent couverte, afin de faire exécuter les travaux de réfection par une autre entreprise, à condition que l’entreprise défaillante soit personnellement en retard dans l’exécution de la réfection des défauts et qu’elle ait été sommée en vain de s’exécuter.
A l’instar de la retenue de garantie, le cautionnement solidaire dépend de l’application ou non de la norme SIA 118 au contrat d’entreprise.
• Lorsque le contrat est soumis à la norme SIA 118, celle-ci prévoit automatiquement un système de cautionnement solidaire. Pour se voir payer le montant de la retenue de garantie après la réception de l’ouvrage, l’entrepreneur doit fournir au maître d’ouvrage une sûreté pour la responsabilité qu’il encourt à raison des défauts qui pourraient être invoqués lors de la vérification ou pendant le délai de dénonciation des défauts.
Selon la norme SIA 118, le montant du cautionnement est fixé à partir de la somme totale des rémunérations dues par le maître d’ouvrage pour l’ensemble des travaux exécutés par une entreprise. Ce montant est égal à 10% de la somme totale. Toutefois, au cas où la somme en question dépasse CHF 300 000.-, le montant est égal à 5% de la somme totale, des limites étant cependant fixées, soit CHF 30 000.- au moins et CHF 2 000 000.- au plus.
Par ailleurs, le cautionnement solidaire est valable jusqu’à l’échéance du délai de dénonciation des défauts, soit un délai de deux ans selon la norme SIA 118, sous réserve d’une prolongation jusqu’à la réfection complète des défauts.
• Si le contrat est en revanche soumis au Code des obligations, aucune règle légale ne prévoit de cautionnement solidaire en faveur du maître d’ouvrage. Les parties seraient ainsi inspirées de convenir de la remise d’une telle garantie à l’issue des travaux et de conditionner le paiement du solde des travaux, soit la retenue de garantie conventionnelle, à cette remise.
En conclusion, au bénéfice d’une retenue de garantie, puis d’un cautionnement solidaire, le propriétaire d’une villa dont le sous-sol est inondé en raison d’un défaut d’étanchéité, susceptible d’être vandalisée si sa porte d’entrée ne ferme pas, ou dont la température intérieure s’abaisse par temps froid à 12 C° compte tenu d’une isolation défaillante, pourra ainsi assurer une réfection rapide de ces défauts, sans être contraint d’implorer durant plusieurs mois, voire des années, l’entreprise défaillante de venir remédier à une situation critique, ni de payer deux fois les mêmes travaux.