Estelle Revaz s’exprime devant les membres de l’Académie du Cep

«Vous êtes des musiciens du terroir, et moi, j’ai l’impression d’être une vigneronne de la
musique» (Estelle Revaz).

Le vin et la musique ont une capacité rare: celle de toucher les âmes. Ils éveillent nos sens bien au-delà de la simple perception. Un grand vin, comme une grande musique, ne se contente pas d’être ‘bon’ ou ‘harmonieux’. Il raconte une histoire. Il transporte. Il bouleverse. Une seule gorgée peut rappeler un souvenir enfoui, un seul accord peut faire surgir une émotion inattendue.
Comme les vignerons, nous, musiciens, sommes en quête d’équilibre et de nuance. Nous cherchons l’accord parfait, la vibration qui donnera à l’ensemble une profondeur unique. Vous composez avec la terre, le climat, les cépages. Nous, avec les silences, les résonances, les tempos. Et dans cette quête, il y a la même exigence, la même patience, le même doute parfois. Mais aussi la même joie, lorsqu’enfin, tout s’accorde et que l’œuvre prend vie.
Et puis, il y a le partage. Car qu’est-ce qu’un grand vin s’il reste au fond d’une cave? Qu’est-ce qu’une musique si elle ne résonne pas en nous? L’un et l’autre n’existent vraiment que lorsqu’ils sont offerts, dégustés, vécus ensemble. Ils rassemblent, ils créent des moments, ils inscrivent des émotions dans nos mémoires.

Accords parfaits entre musique
et vin

Alors permettez-moi de lever mon verre tout à l’heure comme j’élèverais mon archet. A cette magie qui nous unit, celle du travail bien fait, de la passion sans relâche, de l’art qui transcende la technique. Vous êtes des musiciens du terroir, et moi, j’ai l’impression d’être une vigneronne de la musique. Comme certaines et certains de vous le savent, je suis aussi une citoyenne engagée en siégeant au Conseil national.
En faisant plus tôt le parallèle entre la musique et le vin, je me suis rendue compte d’une autre évidence: comme eux, la politique devrait être un art du lien, de l’équilibre, de la transmission. Composer une société plus juste, c’est comme chercher l’accord parfait dans une mélodie ou l’harmonie subtile dans un grand cru: cela demande du temps, du travail, et surtout une vision. Une vision où l’on ne sacrifie pas la complexité au profit du simplisme, où l’on respecte le temps long de la maturation et de la réflexion. Parce qu’une démocratie, comme un grand vin ou une symphonie, ne se fait pas seule. Elle se construit, elle se polit, elle s’enrichit des différences. A nous d’y mettre la même exigence, la même passion, et surtout, le même souci du partage. Alors, à la musique, au vin, et à cet engagement commun pour une société plus harmonieuse. Santé, et belle journée à vous!»

Estelle Revaz