la chronique de CGI Conseils - Cette semaine par Nimah ALI ABUKAR, titulaire du brevet d’avocate
Entre voies et voix: que dit la loi sur la servitude de passage?
Je suis propriétaire d’une parcelle sur laquelle pèse une servitude de passage à pied et pour tous véhicules, au bénéfice de la parcelle de mon voisin. Jusqu’à présent, celle-ci n’abritait qu’une seule villa. Cependant, mon voisin envisage désormais de construire trois logements et souhaite créer un nouvel accès sur mon terrain. Suis-je en droit de m’opposer à ce projet? (Yolande N., Anières)
Selon la législation en vigueur, la servitude foncière se définit comme une charge imposée sur un immeuble en faveur d’un autre immeuble. Cette disposition contraint le propriétaire du fonds servant à tolérer, de la part du propriétaire du fonds dominant (le bénéficiaire), certains actes d’usage, ou à s’abstenir lui-même d’exercer certains droits inhérents à sa propriété.
Le propriétaire du fonds dominant a la faculté d’exercer certains droits d’usage sur le bien-fonds d’autrui, notamment en y accédant à pied ou en véhicule. En contrepartie, le propriétaire du fonds servant est tenu de permettre au bénéficiaire de la servitude de circuler à pied ou en voiture sur sa parcelle.
Les servitudes foncières peuvent être établies par divers moyens. Le mode le plus répandu consiste en un contrat écrit conclu entre deux propriétaires, lequel doit inclure tous les éléments nécessaires à la définition de la charge imposée au propriétaire du fonds grevé. Par la suite, l’inscription au Registre foncier est indispensable pour la création des servitudes. Bien que le contrat n’ait pas l’obligation d’être rédigé sous forme authentique, il est fortement conseillé de consulter un notaire.
Dans l’hypothèse où les parties ne parviennent pas à s’accorder sur un contrat de servitude, elles ont la possibilité de solliciter l’intervention du juge en cas de servitude de passage nécessaire. Ainsi, le propriétaire d’un terrain dépourvu d’accès à la voie publique pourra intenter une action en justice, afin d’obtenir le passage requis dans le cas où ses voisins s’y opposeraient.
La loi prévoit également que le bénéficiaire d’une servitude est en droit d’adopter toutes les mesures nécessaires à sa préservation et à son usage, tout en veillant à exercer ces droits de la manière la moins préjudiciable possible pour le propriétaire du fonds servant. De son côté, le propriétaire grevé ne saurait entraver ni compliquer l’exercice de la servitude d’aucune manière.
Par ailleurs, la loi dispose que les besoins nouveaux du fonds dominant ne doivent entraîner aucune aggravation de la servitude.
Il y a aggravation lorsque la servitude est utilisée dans un but autre que celui pour lequel elle avait été créée au moment de sa constitution. Il faut également comprendre comme aggravation une augmentation notable de la charge résultant de la servitude, alors même que le but poursuivi est identique à celui prévu lors de sa constitution.
Afin de déterminer s’il y a aggravation, il convient de partir de l’intérêt que, selon les prévisions des parties, la servitude avait pour le fonds dominant au moment de sa constitution et de comparer cet intérêt à l’intérêt actuel en prenant en considération l’utilité de la servitude pour le fonds dominant. Il faut donc se reporter au but qu’avaient poursuivi les parties au moment de la constitution de la servitude et se demander si l’aggravation entre encore dans les prévisions que celles-ci avaient pu faire à ce moment. Il s’agit donc souvent d’une question d’interprétation du contrat constitutif de servitude.
La question de l’utilisation
plus intense d’un passage se pose souvent.
Il est admis, lorsque le but de la servitude reste le même, que le mode et l’intensité de l’exercice d’une servitude peuvent varier, pour autant que les besoins satisfaits soient ceux en vue desquels elle a été créée.
Le Tribunal fédéral a jugé que quelques mouvements de voitures supplémentaires par jour représentant une utilisation plus intensive du fonds bénéficiaire ne constituaient pas une aggravation importante d’une servitude de passage à pied et en voiture.
En revanche, il a jugé qu’un droit d’accès prévu pour une grange ne pouvait pas être utilisé pour accéder à des villas mitoyennes.
Enfin, le Tribunal fédéral a jugé qu’il n’y avait pas aggravation d’une servitude inscrite en faveur d’une parcelle sur laquelle était érigée une villa au moment où le bénéficiaire construisait une 2e villa avec deux logements.
Dans votre cas, il conviendrait en premier lieu de vérifier le contenu du contrat de servitude pour connaître le but poursuivi par les parties au moment de la constitution.
Il semble néanmoins que quelques mouvements supplémentaires de véhicules par jour ne seraient pas considérés comme une aggravation significative de la servitude. Ainsi, à première vue, vous ne pourriez pas vous opposer à la construction de ce chemin, à condition qu’il respecte l’assiette de la servitude, telle qu’établie dans le contrat. En revanche, la situation serait différente si votre voisin projetait d’ériger un immeuble locatif.
Nimah ALI ABUKAR.
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