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A la recherche de l’équilibre perdu

Empêcher une chute des valeurs immobilières

19 Oct 2022 | Articles de Une

Dans la période de crises multiples et de hausse des taux que nous traversons, quels sont les facteurs clefs influençant les actifs immobiliers en Suisse? Contexte macroéconomique, tendance du marché, réglementation ESG, innovation technologique sont autant d’aspects dont l’influence est à mesurer. Lors d’un événement organisé mi-septembre par la société Stoneweg (voir encadré) à IceBergues-Genève, plusieurs experts invités ont apporté des éléments de réponse.

«La Suisse n’est pas l’Europe», commente Vincent Leroux, Executive director de CBRE Suisse, en pointant cinq éléments qui donnent aux investisseurs immobiliers des raisons de se montrer plutôt positifs quant à leur rendement. L’inflation est contenue par rapport à d’autres pays européens; durant l’année écoulée, les écarts du taux des obligations d’Etat à dix ans se sont creusés entre la Suisse et le reste de l’Europe; l’endettement est moins problématique dans nos contrées qu’ailleurs; les fondamentaux du marché immobilier sont structurellement sains, soit des taux de vacance pour les logements et les bureaux en Suisse qui restent très faibles (avec des variations selon les zones); la part des investisseurs étrangers pour l’immobilier est limitée.
Parmi les facteurs illustrant le nouveau cycle immobilier émergent, l’expert de CBRE cite, après une forte vague en 2020-21, le ralentissement des nouvelles levées de fonds immobiliers, dont la composition est en train de changer, notamment en faveur des rénovations. On assiste, par ailleurs, à un rééquilibrage de l’immobilier indirect par les institutionnels. Enfin, l’appétit des investisseurs tend à se calmer: le nombre moyen de demandes par processus de vente est à la baisse. Ainsi, alors que les investisseurs étaient 14 à s’intéresser en 2021 à un même immeuble, leur nombre est passé à 5 ou 6 en 2022.

Investir dans l’immobilier reste intéressant

Pour sonder la santé du marché, l’évolution des montants investis dans l’immobilier (résidentiel, bureaux, commercial; hors PPE et villas) est une donnée clef. A Genève, après un pic en 2021-2022 affichant une importante demande, le volume de transactions est plus bas, tout en se maintenant à un très bon niveau. Qu’en est-il des taux hypothécaires? «Cette ‘normalité’ à laquelle on devra s’habituer, ne touchera toutefois que les nouveaux acquéreurs et non ceux qui bénéficient déjà d’un prêt hypothécaire sur dix ans», relève l’économiste Valérie Lemaigre, Chief investment officer à la BCGE. Pour le futur, l’évolution dépendra largement des hypothèses – plus ou moins optimistes – formulées en matière d’inflation et de crise énergétique.
Vincent Leroux conclut sur certaines certitudes: la Suisse – au bénéfice de valeurs fondamentales et d’une économie solide – reste un «Safe haven» pour les investisseurs. Les perspectives du marché immobilier helvétique demeurent donc très bonnes à moyen et long termes, en particulier pour le secteur résidentiel (la demande de logement va continuer à augmenter). Valérie Lemaigre abonde en ce sens malgré les divers risques énoncés. Enfin, alors que la localisation des biens était le principal critère, c’est aujourd’hui la durabilité, avec la réglementation ESG (pour Environnement, Social et Gouvernance), qui domine largement. Les bâtiments verts, bien entretenus/rénovés sont – et seront toujours davantage – les actifs privilégiés.

Pour des décisions éclairées

Bruno Beca, Senior Manager chez KPMG Financial Services, insiste sur la nécessaire transparence des fonds durables. Il souligne qu’investisseurs et régulateurs exigent toujours plus d’informations non financières sur les entreprises, tels que le risque climatique, la biodiversité ou les droits de l’homme. La fiabilité des données est à vérifier grâce à un reporting attentif, tout comme les éventuelles dérives d’écoblanchiment (greenwashing).
Afin de comparer les produits financiers sous le filtre de la durabilité, il est important de prendre en compte à la fois les impacts de l’environnement sur l’entreprise et, inversement, les impacts des activités sur la planète. Pour ce faire, les normes techniques européennes ont établi des indicateurs obligatoires et volontaires, ces derniers concernant les facteurs environnementaux et sociaux. Des indicateurs spécifiques existent pour certaines classes d’actifs, tel l’immobilier. Cela signifie toutefois un important travail de récolte et d’agrégation des informations.

Taux de vacance des logements, Q1 2022.
Taux de vacance des bureaux, Q2 2022.
Montants investis dans l’immobilier dans le canton de Genève (hors PPE et villas).

La réglementation et les attentes des investisseurs évoluent

Qu’en est-il en Suisse? Les recommandations/directives émises par les organismes d’autorégulation ont un caractère obligatoire pour leurs membres. La Finma (Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers) a récemment communiqué au sujet de l’écoblanchiment, avec comme principal message l’intégration de la durabilité à travers toute la chaîne de valeur, soit l’institution financière, le produit financier et le point de vente. L’Asset Management Association Switzerland (AMAS) a, quant à elle, mis en place des indicateurs environnementaux destinés à l’ensemble des fonds immobiliers. Ces derniers seront dans l’obligation d’établir un rapport au niveau de chaque bien immobilier et du portefeuille dans son ensemble; dans le domaine énergétique, des informations comme la part du fossile versus non fossile, la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre devront être documentés. En découleront davantage de transparence et une certaine comparabilité entre les différents fonds immobiliers, laissant présager que les investisseurs privilégieront le vert au détriment du brun…
Pour Bruno Beca, la complexité des produits financiers réside dans la multitude de standards de reporting, de benchmarks européens et de labels nationaux. Cela est notamment le cas pour le secteur du bâtiment. Certains d’entre eux portent sur la durabilité dans son ensemble (label international Breeam par exemple), alors que d’autres privilégient un aspect spécifique comme le bien-être ou le confort des habitants (label international Well) ou la performance énergétique (labels suisses Cité de l’Energie et Minergie). Quels sont, en fin de compte, les risques ESG pour la valorisation des actifs immobiliers? Ils sont de deux ordres: les effets du changement climatique et de la dégradation de l’environnement, soit les risques physiques sur les biens immobiliers, d’une part; le risque de transition, c’est-à-dire la perte financière directe ou indirecte liée au processus d’adaptation à une économie plus durable, d’autre part.

Investir dans la rénovation des immeubles

Il est certain que si la Suisse entend atteindre la neutralité carbone en 2050, le parc immobilier devra s’adapter en conséquence. Bien que les investisseurs n’aient pas à craindre un réel effondrement des valeurs immobilières, ils seront amenés à prendre en compte de nouveaux paramètres, en lien avec la transition énergétique. Les intervenants au panel se sont accordés à dire que la performance des actifs immobiliers, examinée sous le seul angle de la rentabilité à court terme, ne suffit plus: en investissant dans l’assainissement des immeubles, les acteurs institutionnels créeront de la valeur à long terme.
La transition énergétique requiert, dès aujourd’hui, des investissements importants, accompagnés de compétences techniques renouvelées. Un savoir-faire en matière de planification et de suivi administratif est également indispensable; enfin, l’innovation joue un rôle clef dans la mutation. A l’échelle genevoise, la législation – entrée en vigueur le 1er septembre dernier – introduit des obligations en matière énergétique pour les propriétaires: il vaut donc mieux agir en planifiant les travaux, afin que le parc immobilier prenne de la valeur, plutôt que de devoir réagir dans l’urgence.

 

Véronique Stein

GROS PLAN

A propos de Stoneweg

 

Stoneweg est une société d’investissement immobilier créée en 2015 et basée à Genève. La société identifie des opportunités immobilières, structure des produits d’investissement et gère des mandats dédiés en Suisse, Espagne, Italie, Irlande, Andorre et aux USA. La philosophie d’investissement repose sur une approche dynamique de la sélection des projets, s’appuyant sur des équipes d’investissement locales et des réseaux solides, afin de saisir les meilleures opportunités. Stoneweg co-investit dans chaque projet, s’alignant avec les intérêts des investisseurs.
www.stoneweg.com