Ni gloire, ni joie, ni vue: le sport est-il – dans ce cas – une épreuve initiatique?

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Eloge du malheur

8 Juin 2022 | Articles de Une

A trop «poursuivre le bonheur» – comme le veut la Déclaration des droits de l’homme – on est tenté – comme les Vikings d’Astérix – de voir de plus près les mérites de la douleur et du chagrin.

«En amour, tout est dans la rencontre et dans la rupture… le reste n’est que remplissage»: bref, si passion rime avec illusion, par contre de souffrance à formation il n’y a qu’un pas… qu’ont franchi les sociétés «primitives» avec leurs douloureuses «initiations». La modernité, elle, rime plutôt avec la pilule du bonheur, qui se casse parfois le nez sur la réalité… on va le voir.

Le penseur… seul sur son socle

Aux Assises de la transition énergétique (très liées à la Cité des métiers), le débat fut chaud entre l’écologie pleine de joie de vivre et celle des vérités qui dérangent… dont la plus sinistre est l’impasse de la démocratie. Cela explique les campagnes «vertes» sans relâche des pouvoirs publics, alors même que les métiers ont intégré la gestion de l’énergie depuis que l’homme est homme: «Certes, l’efficacité énergétique est aussi vieille que les machines… vrai, l’isolation est aussi vieille que les maisons… là où ça coince encore, c’est l’opinion publique»; bref, les citoyens seraient des enfants gâtés, écolos juste s’ils y trouvent un confort de plus. C’est pourquoi les séances phares des Assises prirent un tour «psy»: comment remettre le cerveau de l’égoïste humain sur le bon chemin? Ce qui donna un dialogue dense et ouvert entre scientifiques et publicitaires, hélas! trop jeunes pour penser au risque: voir dans l’opposant un «malade mental» est un réflexe «soviétique» qui imprègne à vrai dire toute culture militante, voire tout discours savant. Au point que – on l’a bien vu à un atelier – même les chercheurs s’alignent sans résister sur toutes les lubies de «l’énergie engagée». Et «communient» face au miracle de – par exemple – l’hydrogène tombé du ciel qui fait marcher les camions. Mais à Palexpo, l’incroyant n’était pas excommunié… ça mérite d’être salué.

Vieillir, c’est trop d’effort?

Le bien-être et la contrition, on les a revus à l’Assemblée annuelle de l’Organisation mondiale de la santé. On y a admis que malgré tous les miracles de la médecine de pointe et les sommes mises dans la santé publique, les soins de base étaient en crise, même dans les pays riches. Cela mériterait un article en soi, alors on va s’en tenir à un point, que n’a pas esquivé – avant même l’Assemblée – un colloque «du cœur» (voir encadré). Pourquoi donc l’auto, la télé, le Web… ont-ils changé le monde en un temps plus court à chaque fois, à prix cassés à portée de tous, alors qu’après deux siècles d’hygiénisme, la santé laisse toujours à désirer malgré des systèmes démesurés à coût croissant? «Au fond, se soigner n’est pas une question de fric… mais – allez savoir pourquoi – leur survie, les gens s’en foutent: je le vois chaque fois que je dis à un(e) patient(e) comment avoir des soins gratuits… il/elle répond «Je ne vais pas passer ma vie à gérer ma santé!»: bref, l’addiction au confort semble plus forte que celle à la vie…

Afin de ne jamais dire «Aïe»

Mais c’est – contre toute attente – au très catholique festival de films «Il est une foi» que l’éloge du malheur fut le plus muet,
ainsi que le plus… vital. Le thème, cette année, était le transhumanisme, «réaction à l’écologie». Une table ronde, puis le documentaire «Cinq nouvelles du cerveau», poussèrent assez loin la thématique. Mais on peut se poser la question: le point où tout le monde – croyant ou pas – part sur la fausse piste, n’est-ce pas quand on veut créer des surhommes infaillibles et «exemptés de douleur». Les végétaux ne souffrent pas, mais s’ils ont acquis une «dignité» aux yeux de la loi suisse, c’est sans doute qu’elle parle le même idiome qu’eux: la langue de bois. Car si les plantes ont comme les bêtes des milliards d’ans d’évolution derrière elles, c’est bien «l’intelligence» qui fait la différence. Ou le langage, surtout quand il joue sur le sens pour berner son corset: les premiers systèmes de traduction automatique «étaient basés sur les documents officiels des Nations Unies», programme du Bien. Mais les mots ne nous parlent pas quand ils ont un sens obligatoire et un prestige normatif; et même ou surtout chez Google, la traduction «intelligente» – sinon ironique – intègre désomais toute la culture… avec parfois des contresens comiques à faire rougir même un robot.

Conscience rime avec double sens

Cela peut choquer, mais entre le modèle Haroun el Poussah et le suiviste Dilat Laraht, c’est l’atroce Iznogoud qui – de complots en échecs – est le plus «humain». Créer un Homme Nouveau qui ne se trompe jamais, poursuivre le Bien et surtout le bonheur jusqu’à en oublier le Mal… n’est-ce pas le péché de nos sociétés avancées, qui n’ont plus su penser la guerre? L’hymne de l’Union Européenne est «à la joie»; mais «C’est normal» d’Areski et Fontaine n’est-il pas plus… vrai?

 

Boris Engelson

POUR EN SAVOIR PLUS

Sous www.assises-energie.org et www.genevaenvironmentnetwork.org on trouve tout (sauf www.agenda.unige.ch/events/view/32524, www.media.un.org/en/asset/k10/k10jowngah et www.aiforgood.itu.int/event/towards-the-future-of-the-energy-industry-with-intelligent-robots/), mais une utile enquête sur les métiers verts est sous www.ge-en-vie.ch, tandis que www.ademe.fr reste au-dessus de la mêlée, que www.sidiese.com a plus d’un tour dans son sac, et que www.zibayecoparc.ch montre le recyclage sur le terrain. Les «petits livres verts» – comme celui d’Edouard Sellier chez Actes Sud offert par Meyrin à son Economic Forum ou celui de Barbara Nicoloso offert aux Assises – servent plus à soutenir le moral des petits patrons qu’à leur révéler des techniques inédites, mais c’est ce dont ils ont besoin, dit-on. On peut encore compléter son information par www.doc-transition-energetique.info. Pour les deux autres sujets, voir www.worldheart.org et www.ilestunefoi.ch; et pour le souffle du boulet, www.agenda.unige.ch/events/view/33583.

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