Le système porteur par piliers offre une transition entre espace public et privé, tout en apportant de la légèreté à l’ouvrage.

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ARCHITECTURE - Atelier d’architecture Jacques Bugna

Elégance et transparence pour l’immeuble de Surville

12 Juil 2023 | Articles de Une

Situé au chemin des Erables (Lancy/GE), un immeuble flambant neuf de 47 appartements accueille désormais ses locataires. L’édifice porte la signature de l’atelier d’architecture Jacques Bugna, lauréat en 2017 d’un concours sur invitation. Le groupe Comptoir Immobilier, par le biais de son département CI Conseils, a piloté l’opération pour le compte du maître d’ouvrage et a participé à l’élaboration du Plan localisé de quartier. Implanté à l’entrée du parc de Surville, le nouveau bâtiment surplombe le secteur Praille-Acacias-Vernets (PAV) et jouit d’une vue exceptionnelle sur toute la ville.

La topographie du périmètre est marquée par une légère pente, ce qui a donné lieu au parti architectural suivant: le rez-de-chaussée «absorbe» la différence de niveau. Comprimé sur la partie haute, le socle se dilate vers le bas, le bâtiment épousant ainsi la forme du terrain. «Cette option permet d’avoir un ouvrage d’un seul tenant, plutôt que deux immeubles implantés «en cascade», relève Jacques Bugna, administrateur de l’atelier d’architecture. Par ailleurs, le système porteur par piliers offre une transition entre espace public et privé, tout en apportant de la légèreté à l’ouvrage».
Au sein du quartier de Surville en plein développement, c’est le second immeuble qui voit le jour, quelques mois seulement après la livraison de son voisin «Galerie-Jardin» (48 logements). Un troisième bâtiment, adjacent lui aussi, est en cours de construction (maître d’ouvrage: Fondation immobilière de la Ville de Lancy). Le Plan localisé de quartier dit «PLQ Surville», soit un périmètre d’environ douze hectares en zone de développement, prévoit un total de vingt immeubles, dont deux tours elliptiques d’activités.

Des typologies hors du commun

Deux allées lumineuses, ainsi que deux cages d’escalier séparées, conduisent aux 47 appartements qui vont du trois au six-pièces. S’élevant sur huit niveaux, l’immeuble bénéficie du statut LGZD, c’est-à-dire qu’il offre des loyers libres, non contraints par le revenu, mais néanmoins contrôlés par l’Etat. Afin de donner du cachet à l’immeuble, la façade est rythmée par un jeu de panneaux métalliques au pliage irrégulier, générant des effets variables selon les moments de la journée. Ces mêmes panneaux – mais dépourvus d’aspérités – se retrouvent sur les parois des loggias. Les têtes de dalles en béton préfabriqué marquent les étages.
La mise en place d’une typologie traversante pourvue de deux loggias offre une polyvalence dans la façon d’habiter, tout en renforçant l’impression d’un espace plus généreux. Les pièces de vie sont lumineuses, grâce aux baies vitrées toute hauteur. Ces deux principes permettent d’absorber la grande profondeur du bâtiment (plus de 17 mètres). En plus d’apporter de la lumière à l’appartement, les loggias deviennent, grâce à leurs qualités d’exposition et d’intimité, de nouvelles pièces de vie extérieures, des espaces qui font partie à la fois de l’habitat et de l’environnement naturel.
Le jury de concours a été séduit par la solution originale développée par l’architecte. Ce dernier a travaillé sur les grandes diagonales: plutôt que des traversants conventionnels, les appartements se déploient en quinconce sur les façades sud-ouest et nord-est; ils comprennent de part et d’autre des loggias. Les chambres à coucher sont disposées aux antipodes de l’habitation et non groupées dans une même zone comme c’est souvent le cas. Ainsi, alors que d’autres vivent dans des logements longs et étroits, les habitants de Surville profitent de pièces disposées de manière à générer des ambiances variées. Grâce à cette organisation particulière de l’espace, aucun logement ne ressemble au suivant. «Les appartements en pignon sont bi-orientés, afin que les locataires puissent bénéficier au maximum de la vue», ajoute Jacques Bugna. Le dernier étage est partiellement traité comme un attique: les deux appartements – de cinq et six pièces – sont prolongés par une vaste terrasse offrant un panorama à couper le souffle sur Carouge et au-delà, jusqu’au Mont-Blanc. Les cuisines équipées, les parquets en lames de chêne et les finitions soignées procurent tout le confort nécessaire.
Entièrement vitré selon une alternance entre verres transparents et translucides, le rez-de-chaussée est laissé libre de toute habitation; il accueille les espaces collectifs tels que la buanderie et la salle commune qui s’ouvre sur une terrasse. Du côté des entrées principales se trouve un grand local à vélos (74 places) éclairé naturellement, de même que les caves individuelles qui sont également situées au rez. Une organisation de l’espace bien pensée et qui sera certainement très appréciée des locataires!

Le dernier étage traité en attique avec sa vaste terrasse.

Vivre au cœur d’un parc

Le positionnement de l’immeuble permet la préservation des cordons boisés et des arbres majeurs existants, le tout complété par de nouvelles plantations indigènes. Ces aménagements paysagers s’inscrivent dans la continuité de l’importante pénétrante de verdure constituée par la promenade Nicolas Bouvier, le parc Chuit et le parc Emile Dupont.
La mobilité douce est favorisée sur l’ensemble du périmètre. Les piétons et cyclistes peuvent accéder au site par le chemin des Erables ou utiliser la nouvelle passerelle Tivoli qui enjambe la route de Chancy. Depuis l’arrêt du tram 14 (arrêt «Quidort»), un accès direct au chemin de Gaimont est possible par un escalier provisoire. Aucun véhicule motorisé n’est autorisé sur le site; le parking – en pente et à la signalétique colorée – est construit sur deux niveaux de sous-sol. Il comprend 49 emplacements, tous équipés pour véhicules électriques, et 10 pour motos. Une rampe située à l’entrée du quartier donne accès aux parkings respectifs de cinq immeubles du secteur. En termes de stratégie énergétique, un raccordement au chauffage à distance GeniLac est prévu courant 2025; l’eau du lac sera ainsi utilisée pour rafraîchir et chauffer les bâtiments.
Si le projet de l’atelier d’architecture Jacques Bugna a certes souffert de se dérouler en pleine période Covid, un incident est venu s’ajouter: le chantier a été mis en attente pendant plusieurs mois car un milan noir était venu nicher sur un marronnier voué à être abattu. «Nous avons dû attendre patiemment que le rapace et sa progéniture prennent leur envol pour reprendre la construction», raconte Jacques Bugna. L’architecte est pourtant sans rancune, car l’immeuble a pu être livré dans les temps. Et comme c’est le cas pour plusieurs de ses projets, des nids à martinets ont été incorporés aux éléments préfabriqués en béton de façade. De véritables petits appartements à oiseaux, qui, aux côtés des «hôtels» à insectes et des zones de prairie, donneront à la nature toute sa place.

 

Véronique Stein

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