/

Nouveau projet genevois

Dynamiter le barrage des fonds propres

13 Oct 2021 | Articles de Une

Accéder à la propriété avec seulement 5% de fonds propres: telle est l’alléchante proposition d’un groupe de députés PLR et UDC, à la tête duquel on retrouve Cyril Aellen, déjà auteur le 21 septembre d’un autre projet, visant à faciliter l’acquisition de leur logement par les locataires qui le souhaiteraient.

Cinq pour cent de fonds propres pour acquérir la maison de vos rêves…

Aun moment où les taux d’intérêt sont historiquement bas et les prêts hypothécaires conclus pour pour des durées relativement longues, l’entrave financière à l’acquisition d’un logement décent n’est plus le coût des intérêts, mais la difficulté de réunir les fonds propres nécessaires. Aujourd’hui, pour acquérir un bien immobilier destiné à l’usage propre, le montant minimal de ces fonds doit en principe représenter le 20% de la somme totale. Cela signifie que l’acquéreur ne peut couvrir par une hypothèque que les 80% restants. De plus, les dernières directives de Swissbanking (le nouveau nom inutilement anglophile de l’Association suisse des banquiers) imposent une part minimale de 10% de fonds propres ne provenant pas des avoirs du 2e pilier.
«Si l’on ajoute à cela, la rareté de l’offre et l’impossibilité pour le locataire d’acheter son propre appartement, on comprend pourquoi notre canton ne compte que 17% de propriétaires», notent les députés PLR Aellen et de Senarclens et leurs collègues UDC Pfeffer et Ivanov.

Au secours de la classe moyenne

A Genève, on peut avoir la chance de très bien gagner sa vie, mais sans fortune ou appui familial, il est quasi impossible de constituer les fonds propres nécessaires pour acheter son logement. Ainsi bon nombre de foyers de la classe moyenne n’ont d’autres choix que de verser tous les mois un loyer à fonds perdus, alors qu’ils seraient heureux d’investir pour pouvoir à terme être propriétaires de leur logement et ensuite le transmettre à leurs descendants. D’autres préfèrent quitter notre canton pour acquérir un logement en France voisine, dans le canton de Vaud ou – plus récemment, mais c’est une ruée – en Valais.
Le PLR et l’UDC proposent donc de modifier la loi sur l’aide à la propriété individuelle (LAPI) afin d’aider les citoyens genevois qui le souhaitent à accéder à la propriété. Concrètement, l’Etat serait habilité à prêter à un primo-acquérant, qui ne dispose pas de fonds propres en quantité suffisante mais dont la capacité financière, notamment en termes de revenus, est adéquate, les fonds propres exigés par les établissements bancaires ou les assurances, ce jusqu’à concurrence de 15%.
En ce qui concerne le remboursement, la dette hypothécaire devra être ramenée à 65% de la valeur de nantissement de l’immeuble en l’espace de 15 ans au maximum, comme pour tous les actuels acquéreurs, mais les fonds propres avancés par l’Etat devront être cumulativement remboursés dans un délai de 10 ans. Le prêt étatique pour l’avance des fonds propres doit en effet prévoir un amortissement régulier et complet à son échéance.

Un exemple

Appartement:
5 pièces chemin Ella-Maillart 19,
2e étage (7.03)
Prix 688 356.00 CHF

Le Département du territoire publie régulièrement les opérations immobilières en zone de développement qui prévoient des ventes de PPE en pleine propriété. Le 9 juin 2021, il a notamment publié une opération de 33 logements en PPE (DD 108’275 – ZD 1086 PPE– Immeuble 4b). Il sera donc pris, au hasard, le coût d’un appartement de 5 pièces, aux conditions suivantes.
Pour l’achat d’un tel appartement, à ce jour, il faut réunir, hors frais de notaire et de mutation, la somme de CHF 137 671.- de fonds propres et disposer d’un revenu familial brut de CHF 10 325.-, par mois (versé douze fois l’an). Dans les faits, celui qui dispose de fonds propres de CHF 137 671.- pour l’acquisition d’un tel logement de 5 pièces n’a qu’à débourser la somme mensuelle de CHF 1606.-, dont CHF 573.- par mois constituent un amortissement forcé, à titre de frais de logement.
Dans l’hypothèse où le présent projet de loi serait adopté, pour acquérir un tel logement de 5 pièces, il faudrait réunir, hors frais de notaire et de mutation, la somme de CHF 34 418.- de fonds propres et disposer d’un revenu familial brut de CHF 12 154.- par mois (versé douze fois l’an).
En résumé, avec le présent projet de loi, celui qui disposerait des fonds propres de CHF 34 418.- pour l’acquisition d’un tel logement de 5 pièces n’aurait qu’à débourser la somme mensuelle de CHF 2574.-, dont CHF 1434.- par mois constitueraient un amortissement forcé, à titre de frais de logement.
Après remboursement du prêt de l’Etat, soit une durée de 10 ans, le coût d’un tel appartement serait le même qu’avec un achat sans l’aide de l’Etat et l’acquéreur n’aurait qu’à débourser la somme mensuelle de CHF 1606.- dont CHF 573.- par mois constituerait un amortissement forcé, à titre de frais de logement.
Cette loi s’appliquera pour les logements dont le prix n’excède pas le montant maximum de CHF 1’207’346.-. (montant admissible pour la réduction des droits d’enregistrement en application de l’article 8A de la loi sur les droits d’enregistrement, du 9 octobre 1969).
Un projet qui permettrait au passage à l’Etat de «fixer» une population de contributeurs nets à l’impôt et de rétablir une certaine équité en faveur de cette classe moyenne qui n’est ni assez riche pour se libérer des soucis de crédit, ni assez pauvre pour bénéficier des généreuses aides sociales du canton. En outre, l’exemple genevois pourrait faire des émules dans le reste du pays.

François Berset

GROS PLAN

Interview: Cyril Aellen

 

– Libéré des affres de ce qu’on a nommé «l’affaire Maudet», le PLR genevois semble (re)devenu très actif, notamment en matière immobilière. Avec vos deux projets de loi, vous incarnez ce nouvel élan. Va-t-il durer?
– Je l’espère bien! Pour ma part, j’ai toujours déployé une activité soutenue en faveur de l’accession à la propriété – un but constitutionnel, rappelons-le – et plus particulièrement pour défendre les petits propriétaires. J’ai présidé la section des propriétaires de villas au sein de la Chambre genevoise immobilière, avant d’en assumer la présidence. Je suis moi-même un citoyen de la classe moyenne, possesseur d’une villa, et je connais les problèmes des petits propriétaires, comme de celles et ceux qui veulent le devenir. Cela n’a rien d’élitiste, ni de spéculatif.
– La loi sur l’aide à la propriété individuelle (LAPI) n’est-elle pas suffisante?
– Elle date de 24 ans et n’a jamais eu un seul cas d’application concrète! Notre projet permet à l’Etat de jouer son rôle, pour le bien public, sans perdre un sou. En outre, cela aura un effet sur la demande et permettra de bâtir davantage de ces PPE que les Genevois plébiscitent et dont l’offre est insuffisante, ou hors de portée de la classe moyenne. J’ajoute que si mon autre projet de loi passe, il y aura un effet sur l’offre, puisque l’on pourra enfin se libérer de cette interdiction néfaste d’acquérir son logement quand on est locataire.
– Vos projets sont soutenus par le PLR, bien sûr, mais aussi par le MCG et l’UDC. Ne craignez-vous pas de fédérer la gauche, voire certains centristes, contre eux?
– Mes partenaires dans ces deux projets de loi sont des gens responsables et compétents, qui partagent l’objectif poursuivi par ces textes. Je ne doute pas que l’intérêt de ces propositions l’emportera sur d’éventuelles réactions doctrinaires!