Elégant et royal (Carouge est du masculin).

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La fête des maires - Sonja Molinari, maire de Carouge

Développement et qualité de vie

18 Juin 2025 | Articles de Une

Chaleureuse, Sonja Molinari sera cette année la maire de Carouge. Pour cette ville, la deuxième plus dense de Suisse derrière Genève, l’enjeu consiste à concilier développement, notamment avec la construction du PAV (Praille Acacias Vernets), et qualité de vie, comme l’explique l’élue écologiste.

– D’où vient votre engagement politique?
– Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été attachée à l’intérêt commun et à la question de la qualité de vie. En famille, nous discutions beaucoup. J’habitais dans un tout petit village au Tessin, si petit qu’il n’y avait pas de Législatif: toute la population participait directement à l’assemblée communale et j’ai commencé à y assister, parfois, lorsque j’étais très jeune, à 13 ou 14 ans. A l’époque, j’avais été marquée par deux événements. Le premier était Tchernobyl, en 1986. J’ai réalisé que le nucléaire pouvait représenter un danger immédiat et local mais aussi, sur le très long terme, à une échelle beaucoup plus vaste. Liée à cela l’incohérence, que je n’arrivais pas à comprendre, de certaines décisions: par exemple, lorsque le nuage radioactif a traversé l’Europe, la baignade dans le lac de Lugano était interdite du côté italien, mais pas du côté suisse, alors que c’est le même lac.
Le deuxième élément était l’eutrophisation du lac de Lugano, une problématique très fréquente à la fin des années 70 et au début des années 80. Cette eutrophisation était liée aux phosphates, à l’époque autorisés dans les lessives, notamment. Cela a aussi contribué à la prise de conscience que certaines décisions, prises à court terme, peuvent avoir des effets très nocifs sur l’environnement, la biodiversité et la santé humaine. En outre, la question de l’iniquité des relations Nord-Sud m’interpellait beaucoup.
Au lycée, je me suis engagée lors d’une semaine autogérée dédiée à l’écologie et à la durabilité, avec la question centrale de la croissance et de ses limites, déjà posée par les recherches du Club de Rome dans les années 60. Plus tard, j’ai décidé d’étudier Sciences politiques, convaincue que les vrais changements passaient par les lois et le débat constructif.
Je crois beaucoup à l’intelligence collective, où chacune et chacun s’impliquent pour apporter un petit morceau de réponse, centrée sur le bien-être de toutes et tous, avec l’objectif de ne laisser personne sur le côté.

– Dans quel état d’esprit abordez-vous votre mandat de maire?
– Avec une grande reconnaissance vis-à-vis des Carougeoises et Carougeois qui ont renouvelé mon mandat et la volonté de travailler de manière collégiale. J’étais élue il y a cinq ans (après 13 ans au Conseil municipal), fin 2020, en pleine Covid, une époque qui a aussi donné à réfléchir sur d’autres manières de vivre, en particulier sur cette «fuite en avant» au niveau de la consommation dans une planète aux ressources limitées. En tant qu’élue, il me tient à cœur, dans un esprit d’ouverture et de dialogue, de contribuer à une plus forte résilience de la population face aux différents enjeux et crises, qui touchent avec d’autant plus de force les personnes les plus vulnérables socialement et économiquement.
J’ai aussi une conscience forte de la responsabilité qu’implique la fonction de maire, qui, dans le canton de Genève est assumée à tour de rôle par les trois membres de l’Exécutif. La fonction implique la représentation vis-à-vis de l’extérieur et la gestion des séances du Conseil administratif. Mais on assume le travail avec ses deux collègues, avec les services de nos dicastères respectifs, pendant toute la législature.
En tant que maire, mais aussi comme je le fais au quotidien dans mon travail, j’ai à cœur de rechercher les meilleures solutions pour le grand nombre. Des solutions qui soient durables, socialement équitables, qui puissent faire le pont entre les générations d’aujourd’hui et de demain. Je suis en charge, depuis déjà la législature précédente, d’un dicastère qui comprend les questions des espaces verts et de la voirie, de l’urbanisme avec la mobilité, la durabilité, l’énergie, et les finances. Tous ces secteurs sont très importants quand il s’agit de définir la manière dont on veut vivre demain et donc ce qu’il faut mettre en place aujourd’hui.

– Quels sont les moyens à mettre en place?
– Il y a de nombreux éléments. Pour favoriser le lien social, la culture, notamment, est un lien extrêmement puissant pour toutes et tous, donc une culture ouverte sur la population, des activités qui puissent permettre des rencontres, des activités sportives. Central, un urbanisme qui soit véritablement qualitatif et à la hauteur des enjeux avec des espaces de fraîcheur, beaucoup plus de perméabilité des sols et de végétalisation, face aux défis du dérèglement climatique. La mobilité également, avec un focus axé sur les transports publics et les déplacements favorisant la mobilité active, donc une mobilité le plus possible décarbonée, mais qui fait la place aux personnes qui ont besoin de leur véhicule: par exemple les personnes ayant des besoins particuliers liés à la santé ou devant transporter du matériel. Aujourd’hui, il est important de prévoir des axes de mobilité pour les piétons et les vélos qui soient sûrs, attrayants et confortables.
Pour moi, un élément central à prendre en compte dans les politiques publiques est la gestion du vieillissement de la population. Cela se fait avec des prestations et de l’accompagnement, mais aussi en permettant aux personnes âgées de se déplacer de manière confortable, ce qui veut dire, par exemple, prévoir des bancs à des intervalles réguliers et des cheminements avec de l’ombrage. La Ville de Carouge a développé un Plan de mobilité senior avec des parcours adaptés aux personnes les plus vulnérables et à mobilité réduite. La lutte contre le bruit est aussi un autre aspect important.
Je pense que si une ville est pensée, construite ou rénovée à l’aune des plus fragiles d’entre nous, cela signifie qu’on a vraiment pris en compte des critères de durabilité, ce qui, à long terme, est bénéfique à tous. Notre tout nouveau Plan directeur communal est d’ailleurs centré sur la santé. Les défis sont importants, avec la volonté forte de préserver cette qualité de vie et un esprit convivial qui caractérisent Carouge.

– Ces critères sont-ils déjà intégrés dans le PAV?
– La création d’un nouveau «morceau de ville» à l’échelle de l’agglomération et sur le territoire de trois communes demande, très en amont dans les planifications et orientations, de prendre en compte ces enjeux pour que ce territoire soit véritablement la «ville de demain», à même de répondre de manière adéquate aux enjeux mentionnés. Carouge œuvre avec tous les partenaires publics ou privés, mais aussi en intégrant la participation de représentants d’associations de la société civile, pour accompagner l’évolution de ce secteur afin qu’il puisse véritablement offrir un cadre de vie qualitatif, résilient et exemplaire en matière de durabilité. Il s’agit d’une des plus grandes mutations urbaines d’Europe. L’échelle est donc très grande, les enjeux aussi. Il s’agit d’anticiper, afin de trouver des solutions innovantes de manière concertée. La ville, par son Service de l’urbanisme, a par exemple initié et porté avec les autorités cantonales le lancement d’un concours à projet sur les espaces paysagers de la future place de l’Etoile au cœur du PAV. Le projet présenté par le groupement lauréat est vraiment réjouissant!
Quand on a un secteur en construction comme le PAV, il est important, au-delà des gabarits et volumes des bâtiments, de penser exemplarité, durabilité, innovation, construction énergétiquement neutre, voire passive, et intégration dans le paysage.
Et il faut prendre en considération que le développement de nouveaux quartiers, comme ceux du PAV, implique des besoins importants en matière d’espaces et d’équipements publics – écoles, crèches, espaces sportifs et culturels ainsi que parcs, par exemple; la question des modalités de leur financement est l’un des thèmes essentiels pour notre ville.

– Qu’en est-il de l’immobilier?
– Carouge est très séduisant et il y a une forte demande. Les logements en cours de construction devraient aider à détendre la situation. Mais on sait qu’à Genève, il y a énormément de personnes mal logées qui recherchent des appartements. Avec une telle force d’attraction cantonale, la question des limites possibles et souhaitables est légitime.
La Ville de Carouge a un parc immobilier important, géré par la Fondation immobilière de Carouge et la Fondation immobilière du Vieux-Carouge. Il faut souligner l’importance de garder toujours une mixité de logement, et favoriser l’accès au logement abordable et de qualité aussi aux personnes ayant des moyens financiers limités. La mixité dans les planifications est essentielle et la population genevoise s’est plusieurs fois exprimée à ce sujet dans les urnes. La Ville de Carouge n’a pas beaucoup de foncier disponible et nos deux fondations travaillent à acquérir autant que possible des espaces pour développer de nouveaux logements.

 

Propos recueillis par Virginia Aubert

Sonja Molinari.
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