ceux qui construisent la suisse - AG Construction
Des preuves plutôt que des mots
Si la plupart des sociétés actives dans la construction se disent durables, qu’en est-il réellement? La transparence et la traçabilité font souvent défaut. C’est pourquoi Beck Bulat, nouveau CEO et désormais actionnaire unique d’AG Construction SA, inscrit ces deux leviers au cœur même de sa stratégie. Pour réaliser ses ambitions, il mise sur les nouvelles technologies. Explications avec ce dynamique entrepreneur suisse, d’origine Kazakh, au bénéfice d’une solide expérience dans les domaines du trading, de la blockchain et du développement immobilier.
Matériaux de grande qualité pour cinq villas à Vessy/GE.
«Le client final n’a que peu, voire aucune connaissance sur la manière dont les frais sont calculés et sur ce qui se trouve derrière les différents ‘postes’ comptables, lance d’emblée Beck Bulat. Par exemple, les négociations de prix entre la société de construction responsable du projet et ses sous-traitants n’apparaissent généralement pas, même dans les ‘open books’». Le manque de transparence ne concerne pas seulement les aspects financiers mais l’ensemble de la chaîne de production. Qui est le personnel employé à chaque étape de la construction? Quel est l’impact carbone du transport, des procédés de fabrication et des matériaux utilisés? De nos jours, il ne suffit plus de mandater une entreprise européenne, encore faut-il s’assurer de son éthique et de son engagement irréprochable envers la durabilité.
Couvrir toute la chaîne de valeur
Afin d’avoir un suivi détaillé de toutes les phases de la construction, AG Construction prévoit de déployer de nouvelles technologies, dont les coûts seront entièrement à sa charge. Car la confiance renforcée de ses clients, qui découlera inévitablement de cette démarche, n’a pas de prix! L’entreprise générale s’y retrouvera à long terme, d’autant plus qu’elle sera – dès cet été – organisée sous la forme d’un groupe qui couvrira toute la chaîne de valeur, du développement immobilier à la commercialisation, en passant par la réalisation de l’ouvrage, cœur du métier d’AG Construction. «Cela représentera une plus-value en termes de cohérence et de finance, note Beck Bulat. La marge réalisée servira à l’implémentation de la technologie». D’ici la fin de l’année, un fonds d’investissement viendra s’ajouter, ciblé sur des projets aux standards écologiques élevés; sa particularité est de combiner les secteurs résidentiel, commercial et industriel, un modèle de fonctionnement peu courant en Suisse. Cette manne financière importante permettra d’alimenter la croissance organique d’AG Construction et d’asseoir son expansion géographique dans tous les cantons.
La technologie, un outil au service des projets
Domaine conservateur, la construction est l’un des secteurs les moins digitalisés, hormis le BIM (Building Information Modeling). C’est également l’un des plus gros producteurs de gaz à effet de serre et de déchets. La blockchain (voir Gros plan) permet de répondre aux défis actuels, soit la nécessité de construire de nouveaux immeubles durables pour faire face à la démographie galopante. La blockchain – que l’on associe souvent uniquement aux crypto-monnaies – concerne en réalité tous les secteurs, y compris celui de l’industrie de la construction. En effet, les processus constructifs font appel à de nombreux acteurs qui doivent collaborer et échanger des données pour concevoir, mettre en œuvre et exploiter les projets. «La blockchain va augmenter l’efficacité tout en assurant la transparence des pratiques», affirme Beck Bulat, qui admet qu’un travail supplémentaire est requis pour l’utilisation de la plateforme mais que le gain se fera rapidement sentir.
Par rapport à tout autre système de base de données partagée, comme les solutions de cloud classiques, la blockchain est en mesure d’offrir une fiabilité et une sécurité optimales. Outre cet avantage, la blockchain peut faire office de «passeport» pour les matériaux de construction. Les informations relatives à chaque produit de construction permettent aux promoteurs de prendre de meilleures décisions en matière de durabilité en les aidant à calculer le cycle de vie d’un bâtiment, à réduire l’impact environnemental ou à recycler les matériaux. Dans un second temps, l’accès à l’historique des produits permet aux chefs de projets de vérifier si les matières premières proviennent de sources éthiques.
Enfin, pour les clients finaux – soit les propriétaires et/ou habitants – ces informations sont précieuses, notamment lors de vices de construction: une fenêtre ou une fissure le long d’un mur pourra être réparée dans les meilleurs délais puisque toutes les entreprises partenaires sont indiquées clairement sur la plateforme. «Dans un secteur dominé par une lourde charge administrative (soumissions, appels d’offres, autorisations, réclamations, etc.), la blockchain offre également la possibilité d’établir des contrats ‘smart’ ou numériques qui automatisent les transactions, notamment les paiements. Une simple signature, par exemple au moment de la réception du matériel, permet au système de donner le feu vert aux versements liés», poursuit Beck Bulat. Le CEO compte implémenter la blockchain au sein d’AG Construction en seulement trois ou quatre mois puisqu’il pourra s’appuyer sur sa société sœur, basée à Genève et spécialisée dans cette technologie.
Développement géographique et diversification des projets
Pour mener à bien sa stratégie de développement, Beck Bulat a la chance de pouvoir s’appuyer sur une équipe hautement qualifiée, composée d’une quarantaine d’employés. Nicolas Fulcrand, en charge de la direction opérationnelle, continuera à apporter son expérience en assurant la maîtrise d’exécution des chantiers. Parmi les projets en cours, citons celui de Sion, qui a démarré il y a peu: ce sont 38 logements ainsi que des locaux commerciaux qui sortiront de terre. La construction bénéficie d’un emplacement idéal en centre-ville, à deux pas d’un centre sportif, de parcs et d’écoles, alliant ainsi vie urbaine et accès aux espaces verts.
A Martigny, un autre projet majeur est en cours, intégrant 215 appartements et un hôpital (division de cardiologie) répartis entre six bâtiments: un réel défi qui nécessite la collaboration avec des architectes et ingénieurs spécialisés dans le secteur médical. Dans la périphérie zurichoise, un ensemble résidentiel important se dessine. A Lugano, une bâtisse protégée datant de la fin des années 1960 fera l’objet d’une rénovation à laquelle viendront s’ajouter six villas bénéficiant d’une vue dégagée sur le lac.
On le voit bien: dans le monde de la construction suisse, le manque de transparence et le monopole de certaines entreprises constituent des freins certains. Miser sur la blockchain constitue une démarche courageuse que Beck Bulat souhaite amorcer chez AG Construction, avec à la clef, une durabilité plus structurée et ambitieuse.
Véronique Stein
Beck Bulat.
GROS PLAN
La blockchain, en bref
Une blockchain est la réunion d’un bloc et d’une chaîne, dans une base de données partagée sur un réseau d’ordinateurs. Le bloc comprend notamment un enregistrement, qui peut contenir des informations sur n’importe quel échange (projet, marché, transaction financière, etc.). La chaîne est l’endroit où tous les blocs sont reliés entre eux. Une fois qu’un enregistrement fait partie d’une chaîne, il est extrêmement difficile de le modifier. Le réseau se met à jour en permanence et apporte des adaptations pour s’assurer que toutes les copies de la base de données soient identiques. Ainsi, la blockchain est un grand livre public incorruptible et décentralisé permettant de stocker des informations digitales.